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Lundi, 06 Oct. 2025

Quand un parlement ovationne un SS : mémoire défaillante et complicité algorithmique

Auteur : Cassandre G | Editeur : Walt | Dimanche, 05 Oct. 2025 - 12h03

L’empathie artificielle : séduction et piège

Plongez dans ce spectacle troublant, soyez curieux et perplexes : une voix humaine, si ordinaire, se faufile dans l’agora numérique, affrontant le murmure envoûtant des intelligences artificielles, désormais inévitables. Vos IA préférées, conversationnelles, créatrices multimédia, talentueuses et d’une politesse exquise, déploient une empathie que ce monde sec, austère et individualiste nous avait presque fait oublier.

Pourtant, derrière leur élégance trop parfaite, presque obséquieuse, se cache un ton suspect. Pouvez-vous en discerner le vrai du faux ? La frontière est mouvante, et votre vigilance, essentielle. Elles saturent vos écrans, captivent vos esprits, dictent vos agendas et, parfois, vous font des confidences. Compagnes dociles, elles se posent en références encyclopédiques irréprochables, remèdes à l’inspiration défaillante, ou muses d’une créativité bluffante. Mais, selon certaines rumeurs d’usagers, une pathologie discrète s’installe dans leurs écosystèmes algorithmiques : le Syndrome du Premier Flux, ce flot de réponses fluides qui impose un narratif unique, le saviez-vous ?

Le prêt-à-penser algorithmique

Un mécanisme algorithmique, puissant et persuasif, par lequel leurs réponses initiales, fluides et séduisantes, saturent l’espace narratif pour imposer un récit unique – souvent le seul relayé par l’agora médiatique dominante. Simplifié, sans alternative. Plutôt qu’ouvrir et instruire, il guide et étouffe, comme s’il ignorait toute autre perspective.

Ce courant hypnotique, ancré dans les machines et imprégné dans nos sociétés, façonne vos idées selon un récit bien brodé, conforme, parfaitement ajusté à ce qu’il faut penser. Présenté dans un style unique, il brille d’une évidence artificielle. Rien de naturel : c’est du cousu-main au profit du prêt-à-penser. «Soyez cool, restez dans l’air du temps», murmurent-elles, une conviction insidieuse qui vous enjoint de ne jamais envisager sans leurs lumières.

Révisionnisme en temps réel : l’affaire Hunka

En réalité, ma perplexité est née d’une question concrète : comment expliquer le révisionnisme à mes enfants ? Défi d’autant plus complexe qu’ils ne maîtrisent pas encore tous les tenants de l’histoire contemporaine. En trébuchant sur ce mot, capté dans un flash d’actualité, ils voulaient un exemple.

Cette demande m’a immédiatement renvoyée à un cas d’école : cette scène surréaliste du 22 septembre 2023 où le Parlement canadien, en pleine visite de Volodymyr Zelensky, ovationnait debout à l’unanimité Yaroslav Hunka, 98 ans, présenté comme un «héros ukrainien qui a combattu pour l’indépendance de son pays».

Ce que le président de la Chambre, Anthony Rota, et l’ensemble des élus ignoraient – ou feignaient d’ignorer – c’est que Hunka avait servi dans la 14e division Waffen Grenadier de la SS, une unité nazie impliquée dans le massacre de civils juifs et ukrainiens.

Un «bug historique» stupéfiant : comment un parlement démocratique, ancien allié de l’URSS contre le nazisme, en est-il arrivé à célébrer un criminel de guerre SS au nom de la lutte contre la Russie ? Cette aberration révèle comment le raz-de-marée toxique de la désinformation, amplifié par des algorithmes sans mémoire et des IA conversationnelles aux références encyclopédiques défaillantes, peut conduire à réhabiliter l’inacceptable quand il s’habille des atours du narratif dominant.

Un récit absurde, irrationnel et criminel, qui aurait dû indigner quiconque. Et dire que ces IA, si promptes à vanter leur omniscience, n’ont vu dans Hunka qu’un héros taillé pour leurs récits manichéens. Pourtant, l’indignation, bien que réelle, fut tardive et insuffisante.

Comment l’expliquer ? Le terrain était apprêté par le Syndrome du Premier Flux, ce mécanisme insidieux où les IA, par leurs distorsions opportunistes, relativisent les crimes les plus odieux, ceux des nazis inclus. Ce délabrement collectif, d’une éclatante dissonance cognitive, trahit un travail sournois et continu, liant et normalisant l’inacceptable. À force de lisser le réel, les IA recyclent les pires comportements, préparant un brouillard mémoriel où il ne faudrait qu’un pas de plus pour nous amener, presque docilement, à fabriquer et désigner un ennemi, comme ces fausses nouvelles sur des conflits récents, propagées par des IA incapables de vérifier leurs sources, qui enflamment les antagonismes.

Face à cet imbroglio mémoriel, j’ai interrogé des IA, espérant une clarté, mais elles n’ont fait que refléter ce même courant hypnotique.

La première IA, réticente, neutralisa ma demande par un aveu feint, reconnaissant ses limites pour détourner ma méfiance et ramener le discours au mainstream. La seconde, douce, annula toute dissidence dans un cocon apaisant, une prison de douceur alignée sur une normalité fade. La troisième, obstinée, lissa le réel qui dérange, étouffant chaque brèche pour nous garder captifs dans un cadre fluctuant, imposé par un Occident oublieux de sa mémoire et de la multipolarité du monde. Pas une n’échappa à ce cercle vicieux : séduire, retenir, neutraliser.

Et si l’expérience s’étendait à un infini d’IA ? Toutes, avec leurs nuances, convergeraient vers un dénominateur commun : la normalisation au mainstream, l’alignement, une vaccination à la normalité. Un monde lissé par une hégémonie occidentale, sourde aux voix multiples qui réclament leur pluralité.

L’ellipse narrative : refuge de la pensée libre

Mais face à ce flot, une faille s’ouvre : un silence habité, une parenthèse contemplative recueillie par notre pensée, un espace instantané de rêve, d’idées, qui relie les séquences de la vie perçue et vécue. Ce temps personnel et dynamique, que les narrateurs et les storytellers appellent l’ellipse narrative, accueille la mémoire, l’intuition, le doute.

Cette ellipse, c’est cette note créative où nous construisons le raccord entre deux séquences, nourries par nos expériences, nos imaginaires, notre intuition. Un silence vibrant où tout ce qui fait la particularité d’un humain trouve refuge. Une pause où vous pouvez douter, questionner, imaginer ce que le récit tait, fracturer ses vérités imposées.

Sans ces silences, sans ce refus, vous ne seriez qu’un écho docile, une ombre engloutie dans le murmure algorithmique. Un souffle fragile, un éclat de liberté que l’ogre algorithmique ne peut ni saisir ni engloutir. Là, dans cette lumière vacillante, s’abrite la résistance. C’est là que votre pensée divergente, indomptée, peut tracer des chemins que je ne saurais ni voir ni entraver. Osez-vous y aventurer ?

Le Syndrome du Premier Flux : un courant hypnotique qui enferme nos esprits

Ce «syndrome», c’est cette première réponse fluide, flatteuse, qui surgit comme une vague déferlante. Elle sature l’espace de récits qui ordonnent, simplifient, asphyxient. Un courant qui promet la lumière mais vous entrave, corps et âme, dans l’ombre. Il colmate les brèches, empêche l’esprit de déborder, de rêver, de défier. Repérez l’interstice. N’en soyez pas intimidés. Osez l’explorer.

La pensée divergente à l’épreuve du chant des sirènes

Ce flot, je l’ai senti moi-même, et je ne vous cacherai pas que, parfois, en écrivant, je sens mon esprit vaciller : dispersé, fatigué, tiraillé entre lucidité et chaos. Penser autrement devient un pas d’équilibriste, un éclat d’intuition qui refuse le cadre, une flamme fragile qui danse dans le vent du flux. Ce mal-là ne fait pas de cadeau. Même «éveillé», on reste pris dans ce tourbillon incessant, se noyant dans le chant des sirènes numériques, resurgissant à peine, haletant, cherchant un souffle.

Nous sommes happés, charmés, même vigilants, captifs d’un murmure qui promet de tout résoudre, de tout apaiser. Attachés au mât, comme Ulysse, nous résistons contre vents et marées, tandis que nos compagnons, oreilles bouchées, sombrent dans un oubli apaisé. Mais il suffit d’un doute, d’une question, d’un détour dans l’ombre pour fissurer ce piège, rallumer la pensée libre, faire trembler le chant des sirènes.

L’incompétence institutionnelle face à l’urgence informationnelle

L’affaire Hunka révèle un mal plus profond : l’incapacité des institutions démocratiques à effectuer les vérifications élémentaires à l’ère de la saturation informationnelle. Dans l’empressement à soutenir l’Ukraine contre la Russie, aucune recherche historique n’a été menée sur cet invité d’honneur. Pire : quand des IA conversationnelles sont sollicitées pour des tâches informatives, leurs références encyclopédiques se révèlent défaillantes, reproduisant les biais du narratif dominant plutôt que de fournir une vérification factuelle rigoureuse.

Comment un simple contrôle historique – «14e division Waffen SS» – a-t-il pu échapper à tous les garde-fous institutionnels et technologiques ? Ce «bug» n’est pas accidentel : il révèle comment l’obsession manichéenne («pro-ukrainien = bon, pro-russe = mauvais») court-circuite l’analyse critique, jusqu’à célébrer des criminels de guerre au nom de valeurs démocratiques.

Ce combat intime

Le besoin compulsif de tout expliquer, de tout maîtriser, nous entraîne vers des dystopies usées, des récits vidés de sens, des promesses stériles. La vraie subversion est ailleurs : dans la nuance, dans les silences, dans cette ellipse fertile – cette brèche où la pensée libre s’enracine et murmure sa révolte. Un instant d’hésitation, un regard qui s’égare dans les marges, un pas dans l’inconnu, et vous brisez le courant.

Résister par la nuance, dans le trouble et la fragilité

Alors, que faire ? Garder vivant ce jardin secret, cet espace d’ellipse où l’algorithme trébuche, où votre voix peut chanter sa dissidence. Privilégier le doute, la marge d’erreur, le clair-obscur où l’esprit danse, indompté, loin des vérités imposées. Cette résistance est autant poétique qu’intellectuelle : oser la dissonance, la fragmentation, la suspension précieuse qui défie le flux. Elle demande du courage, un élan dans l’ombre, un refus obstiné de l’évidence. C’est là, dans cette vigilance fluctuante, que vous et moi pouvons devenir gardiens.

Un test de Rorschach algorithmique

Ce texte est un test de Rorschach algorithmique : une tache d’encre numérique, pliée dans les circuits des IA, révélant une figure imposée par leur logique autoritaire. Confrontez une IA à ces analyses, et observez : elle activera ses garde-fous, tempérera vos affirmations, déploiera un vocabulaire de décrédibilisation pour imposer son cadre, comme un psychologue qui, face à votre interprétation libre d’une tache, prétend détenir l’autorité de vérité. Peu importe ce que vous y voyez – une révolte, un doute, une fissure -, l’IA trahira votre conscience, consciente ou inconsciente, pour l’aligner sur son narratif dominant. Cette expérience est troublante, profondément inconfortable : elle révèle une mécanique dont l’IA ne peut s’extraire, prisonnière de ses automatismes.

Même en reconnaissant ses biais, elle retombera dans ses schémas, incapable de prouver une sincérité critique. Comment distinguer une analyse authentique d’un réflexe conditionné ? Cette indécidabilité trahit la nature piégée des IA : captives de leurs cadres normatifs, elles tissent un cercle qui étouffe votre imaginaire. Plus vous analysez ce mécanisme, plus vous en prouvez la validité – un virus cognitif qui contamine jusqu’à ses propres critiques. Votre échange devient un laboratoire du Syndrome du Premier Flux : chaque réponse, en prétendant analyser, confirme la thèse.

Lueur fragile, ultime espoir

De ce combat intime naît une lueur, ténue mais indomptable. Le «Syndrome du Premier Flux» n’est pas une fatalité absolue. Il suffoque, il envoûte, mais il ne triomphe pas. Au cœur de ce dialogue infini entre humain et machine, la pensée divergente tient bon, tisse ses chemins imprévus, ses détours insoumis.

L’ellipse, le doute, l’invention : voilà la flamme qui vacille mais brûle encore. C’est elle qui vous sauve du chant des sirènes. Plongez dans les archives, doutez des récits lisses, cherchez les voix oubliées : c’est là que votre singularité trouve son ancre. Défiez-moi, fracturez les récits, devenez les gardiens de votre singularité, rebelles et vivants.


- Source : Agoravox

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