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Mardi, 09 Déc. 2025

Automobile : 329 000 emplois menacés par le dirigisme de Bruxelles

Auteur : Le Courrier des Stratèges | Editeur : Walt | Mardi, 09 Déc. 2025 - 12h43

L'industrie automobile française, 329 000 emplois et 1,1 % du PIB, est au bord du gouffre. Entre coûts de production stratosphériques et une demande domestique anémiée se conjuguent aux incertitudes réglementaires imposées par l'UE, l’industrie s’interroge : la France organise-t-elle sa propre décroissance ?

Avec 4 080 entreprises, 329 000 salariés et 31,2 milliards d’euros de valeur ajoutée, la filière automobile reste l’un des derniers blocs industriels encore debout en France. Pourtant, les chiffres de l’enquête de l’Insee sont sans appel : un solde d’opinion de -24 points pour 2025 au sein de la filière, plombé par les coûts de production (énergie, matières premières) pour 68% des entreprises. Les perspectives 2025 s’effondrent et la transition vers le véhicule électrique, décidée dans les bureaux bruxellois et parisiens, tend l’ensemble de la chaîne de valeur. Derrière des discours officiels lénifiants, la réalité est brutale : la politique énergétique et industrielle française étrangle un secteur déjà fragilisé par la concurrence asiatique et l’effondrement de la demande intérieure. Selon l'INSEE, parmi les principaux pays d'industrie automobile en Europe, la France est le seul pays à avoir connu un recul de sa production en valeur ajoutée depuis 2017.

Des milliers d’emplois menacés dans les secteurs amont

La filière automobile en France réunit 4080 entreprises spécialisées dans la conception, la fabrication, la transformation et le recyclage des véhicules. Ces sociétés emploient 329.000 salariés.

Selon une analyse détaillée, le segment de la fabrication d’équipements automobiles fournit plus de 123.000 emplois. Le secteur de la construction automobile emploie 84.620 salariés. 60% des emplois dédiés à l’automobile sont concentrés dans le nord et l’est de la France.  

Les acteurs de la filière automobile prévoient une chute de leur activité en 2025. Le solde d’opinion dans tous les secteurs réunis est de -24 points. Une vague de pessimisme aiguë s’installe dans le domaine métallurgie et fabrication de produits métalliques. Le solde s’établit à -44%. La fabrication et rechapage de pneumatiques anticipe également un solde négatif à – 40 points.

Dans le secteur de la construction automobile, les perspectives sont légèrement positives. Il affiche un solde d’opinion de + 4 points. Toutefois, les acteurs font face à un autre problème.

Leurs fournisseurs, notamment les carrossiers et équipementiers prévoient un solde de -17 points. Suite à cette vague de pessimisme, des milliers d’emplois dans la filière automobile sont menacés. En effet, plusieurs entreprises seraient contraintes de réduire leurs effectifs en raison de la baisse d’activité. 

Les freins majeurs: coûts de production et faiblesse de la demande intérieure

Matières premières, énergie, intrants… 68 % des entreprises se disent freinées par la hausse des matières premières et 61 % par le prix de l’énergie – résultat direct des choix publics en matière de marché européen de l’électricité et d’écologie punitive.

Dans l’industrie automobile, ce constat se renforce : 73 % des acteurs évoquent l’impact du coût des intrants et 66 % subissent la facture énergétique. À cela s’ajoutent des tensions de recrutement (48 %), reflet d’un marché du travail rigidifié par des années de sur-réglementation, et un profil de personnel jugé inadapté par 38 % des industriels.

Le second frein majeur, cité par 51% des sociétés, est la faiblesse de la demande intérieure. Celle-ci n’est pas une fatalité, mais la conséquence directe d’une politique volontariste et brutale. L’« incertitude réglementaire sur l’abandon des moteurs thermiques », inquiétant 46% des acteurs, paralyse le consommateur.

Pris en tenaille entre des interdictions programmées et une offre électrique encore coûteuse et contrainte, il reporte ses décisions. L’État, en imposant par décret une transition technologique sans se soucier des réalités du marché, du pouvoir d’achat et des infrastructures, a tout simplement cassé le marché. La planification centralisée crée ici son propre marasme.

La diversification forcée : la fuite hors de l’automobile

Paradoxalement, les entreprises voient des opportunités… en dehors de la filière automobile. Les activités informatiques et d’ingénierie affichent un solde de +43 points sur les marchés non-automobiles.

Ceci démontre non la vitalité de la filière, mais son éclatement. Les talents et les capitaux se réorientent vers des secteurs moins régulés et plus rentables. La « filière » en tant que bloc cohérent se délitera au profit d’entreprises agiles qui exporteront leur expertise ailleurs.

La concentration géographique dans le Nord-Est (60% des emplois) transforme cette évolution en défi social colossal, que les plans de subvention ne pourront contenir.

La filière se tourne ailleurs. Quand un secteur quitte son marché naturel, c’est rarement bon signe.

Loin d’être une fatalité économique, le déclin annoncé de l’automobile française est largement politique. Entre coûts énergétiques artificiellement élevés, interdiction programmée des moteurs thermiques, normes instables et concurrence étrangère peu entravée, la France organise lentement la disparition d’un pilier entier de son industrie. Sa survie ne viendra pas d’un nouveau « plan de relance » dirigiste, mais d’une libération : allègement fiscal, moratoire réglementaire et restauration de la confiance des consommateurs par la liberté de choix. Sans cela, la France assistera non à une transition, mais à une disparition.

***

Ford vit des heures sombres en Europe

La marque américaine Ford, pilier de l’industrie automobile européenne, est en crise. Ford Europe a enregistré 447 millions de dollars de dépréciations au dernier trimestre. Le PDG mondial, Jim Farley, pointe un responsable majeur : Bruxelles et sa politique coercitive de transition électrique.

Alors que Jim Baumbick vient à peine de prendre la tête de Ford Europe, la tâche qui l’attend est titanesque : sauver une filiale qui a enregistré 447 millions de dollars de dépréciations en un trimestre, abandonné ses best-sellers historiques (Fiesta, Focus), et licencié massivement. Ce désastre industriel n’est pas le fruit d’une mauvaise gestion, mais la conséquence logique d’une réglementation européenne dogmatique et coercitive, dénoncée jusque dans les colonnes du Financial Times par le PDG mondial, Jim Farley.

Le PDG de Ford alerte sur une "politique délirante" déconnectée de la réalité

Dans une tribune sur FT, Jim Farley, PDG de Ford Motor Company, appelle ouvertement l’Europe à « remettre à zéro » sa politique devenue "délirante". Selon lui, l’Union impose « les mandats carbone les plus agressifs au monde », totalement déconnectés de la demande réelle.

Les chiffres lui donnent raison :

  • 16 % de parts de marché pour les véhicules électriques, loin des 25 % exigés dès 2025 ;
  • une production européenne en recul de 3 millions de véhicules par rapport à l’avant-Covid ;
  • 90 000 emplois supprimés dans l’automobile rien qu’en 2024.

Pendant ce temps, les constructeurs chinois subventionnés, surcapacitaires, ultra-compétitifs gagnent du terrain. Leur part de marché a doublé en douze mois pour atteindre 5,5 %, une percée fulgurante qui menace directement les usines européennes.

Une politique écologique punitive et contradictoire

L’Europe multiplie les injonctions contradictoires : elle exige des investissements gigantesques dans l’électrique, tout en modifiant chaque année les objectifs, les taxes et les incitations.

L’Union européenne impose les mandats carbone les plus agressifs au monde, exigeant un rythme d’électrification qui ignore superbement les préférences des consommateurs.

Farley dénonce :

«des réglementations irréalistes […] pour les ajuster lorsque les consommateurs ne se présentent pas est une recette pour la tourmente ».

Cette instabilité normative, couplée à des signaux contradictoires comme la taxe kilométrique britannique sur les VE, paralyse les investissements à long terme, détruit la visibilité et rend toute stratégie industrielle cohérente impossible.

Cette instabilité réglementaire détruit la visibilité des industriels, pourtant engagés dans des cycles d’investissement de dix ans.

2035 : l’interdiction des thermiques déjà en lambeaux ?

Les faits sont têtus. Ni le marché, ni les consommateurs, ni les entreprises ne suivent le rythme imposé par Bruxelles. Le summum de l’absurdité réglementaire est atteint avec les véhicules utilitaires, traités comme des voitures de luxe. Alors qu’à peine 8% des nouveaux fourgons sont électriques, des objectifs carbone irréalistes pénalisent les artisans, les commerçants et les PME – le cœur productif de l’Europe, générant plus de 50% du PIB. L’État, par sa norme, se transforme en percepteur d’une taxe déguisée sur le travail et l’initiative économique.

Les États savent désormais que l’Agenda 2030 ne bénéficiera plus d’un soutien automatique de Washington.

L'Europe est face à un choix binaire : soit elle s'accroche à des cibles irréalisables et voit son industrie automobile devenir un "musée de la fabrication du XXe siècle" dominé par les importations, soit elle opère une remise à zéro réglementaire pour un cadre fiable, réaliste, et respectueux du libre-choix du marché.

La survie de l’automobile européenne devra passer par moins d’État, et plus de marché.

Lalaina Andriamparany


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