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La guerre contre l’innocence : Des enfants palestiniens face aux tribunaux militaires israéliens

Auteur : Ramzy Baroud | Editeur : Walt | Samedi, 10 Août 2019 - 21h30

Le 29 juillet dernier, à Jérusalem occupée, on rapporte que la police israélienne a convoqué Muhammad Rabi’ Elayyan, 4 ans, pour un interrogatoire.

L’information, d’abord diffusée par l’Agence d’information palestinienne (WAFA), a été réfutée un peu plus tard par la police israélienne, sans doute pour réduire l’impact du désastre des relations publiques qui avait suivi.

Muhammad Rabi’ Elayyan

Les Israéliens ne nient pas l’affaire dans sa totalité mais prétendent au contraire que ce n’est pas le garçonnet, Muhammad, qui a été convoqué, mais son père, Rabi’, appelé au bureau de la police israélienne de la rue Salah Eddin à Jérusalem afin d’être interrogé à propos des actes de son fils.

L’enfant était accusé d’avoir lancé une pierre sur des militaires israéliens de l’occupation dans le quartier d’Issawiyeh, une cible permanente de la violence israélienne. Le quartier a également été le site de démolitions de maisons, sous le prétexte que les Palestiniens y construisent sans permis. Naturellement, la grande majorité des demandes palestiniennes de permis de bâtir à Issawiyeh, ou n’importe où à Jérusalem, sont rejetées, alors que les colons juifs ont l’autorisation de bâtir sur les terres palestiniennes sans le moindre problème.

Cela dit, Issawiyeh n’est pas exempt du comportement ridicule et illicite de l’arme israélienne. Le 6 juillet, une mère du quartier assiégé a été arrêtée dans le but d’exercer des pressions sur son fils adolescent, Mahmoud Ebeid, afin qu’il aille se livrer. La mère « a été emmenée par la police israélienne comme monnaie d’échange », a rapporté le site internet indépendant Mondoweiss, citant le Centre d’information Wadi Hileh, installé à Jérusalem.

Les autorités israéliennes ont tout lieu de se sentir embarrassées par toute cette affaire à propos du garçonnet de 4 ans, d’où leur tentative de faire ressortir des failles dans l’histoire. Le fait est que le correspondant de la WAFA à Jérusalem a vérifié que la convocation avait bel et bien été établie au nom de Muhammad et non à celui de son père Rabi’.

Alors que certaines sources d’information sont inféodées à la « hasbara » israélienne et se font volontiers l’écho des récriminations israéliennes à propos des « fausses nouvelles », il convient de ne pas perdre de vue que ce genre d’événement n’a rien d’une exception. Pour les Palestiniens, ces informations concernant l’arrestation, le tabassage et le meurtre d’enfants constituent l’une des caractéristiques constantes de l’occupation israélienne depuis 1967.

Qais Firas Obaid

Le lendemain même de la convocation de Muhammad, les autorités israéliennes ont également interrogé le père d’un garçonnet de 6 ans, Qais Firas Obaid, du même quartier d’Issawiyeh, après avoir accusé l’enfant d’avoir jeté un carton de jus de fruit vers des soldats israéliens.

« Selon des sources locales d’Issawiyeh, l’armée (israélienne) a adressé à la famille de Qais une convocation officielle afin de se présenter au centre d’interrogatoire de Jérusalem le mercredi (31 juillet) à 8 heures du matin », a rapporté l’International Middle East Media Center (IMEMC). Sur une photo, on peut voir le petit garçon montrant à une caméra l’ordonnance militaire israélienne rédigée en hébreu.

Les histoires de Muhammad et de Qais sont la norme et non l’exception. Selon l’association de défense des prisonniers Addameer, il y a actuellement 250 enfants dans les prisons israéliennes, et environ 700 enfants palestiniens comparaissent devant le système des tribunaux militaires israéliens chaque année. « L’accusation la plus commune à l’encontre des enfants est de jeter des pierres, un délit punissable par la loi martiale d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison », rapporte Addameer.

Effectivement, Israël a vraiment de quoi être embarrassé. Depuis le début de la Deuxième Intifada, le soulèvement populaire de 2000, quelque 12 000 enfants palestiniens ont été arrêtés et interrogés par l’armée israélienne.

Toutefois, il n’y a pas que les enfants et leurs familles à être les cibles de l’armée israélienne, mais aussi ceux qui prennent fait et cause pour eux. Le 30 juin, l’avocat palestinien Tariq Barghouth a été condamné à 13 ans de prison par un tribunal militaire israélien pour « avoir tiré à plusieurs occasions sur des bus israéliens et des hommes des forces sécuritaires ».

Aussi peu convaincante que puisse paraître l’accusation formulée à l’encontre d’un avocat bien connu d’avoir ouvert le feu sur des « bus », il importe de noter que Barghouth est hautement apprécié pour sa défense des enfants palestiniens devant les tribunaux. Barghouth a été une source constante de migraine pour le système israélien des tribunaux militaires en raison de sa défense opiniâtre de l’adolescent Ahmad Manasra.

Ahmad Manasra

Manasra, qui avait alors 13 ans, avait été jugé et condamné par un tribunal militaire israélien pour avoir prétendument poignardé et blessé deux Israéliens près de la colonie juive illégale de Pisgat Ze’ev, à Jérusalem occupée, le 12 octobre 2015. Le cousin de Manasra, Hassan, 15 ans, avait été tué sur place, alors que Ahmad, qui avait été blessé en prenant la fuite, avait été jugé au tribunal en tant qu’adulte.

C’est l’avocat Tariq Barghouth qui avait défié et dénoncé le tribunal israélien en raison des interrogatoires brutaux et pour avoir filmé en secret l’adolescent blessé alors qu’il était attaché à son lit d’hôpital.

Le 2 août 2016, Israël a adopté une loi autorisant les autorités à « emprisonner un(e) mineur(e) d’âge accusé(e) de graves délits tels meurtre, tentative de meurtre ou homicide par imprudence même s’il ou elle avait moins de 14 ans ».

La loi a été habilement rédigée de façon à pouvoir traiter des cas comme celui de Ahmad Manasra, qui, le 7 novembre 2016 (trois mois après la promulgation de la loi), a été condamné à 12 années d’emprisonnement.

Le cas de Manasra, les vidéos – qui ont fait l’objet de fuites – montrant les violences qu’il a subies de la part des interrogateurs israéliens et la sévérité de la sentence qu’il a encourue ont accru l’attention internationale sur les conditions pénibles des enfants palestiniens face au système israélien des tribunaux militaires.

« On voit les interrogateurs israéliens recourir à la violence verbale, à l’intimidation et aux menaces pour infliger manifestement des souffrances mentales dans le but de soutirer des aveux », avait déclaré à l’époque Brad Parker, un juriste et avocat international au service de Defense for Children – Palestine.

La Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant – dont Israël est l’un des signataires depuis 1991 – « interdit la torture et autres traitements et châtiments cruels, inhumains ou humiliants ». Pourtant, d’après «Parker,  » les mauvais traitements et la torture d’enfants palestiniens arrêtés par l’armée et la police israéliennes sont très répandus et systématiques ».

Si systématiques, en fait, qu’on peut quasiment dire que les vidéos et rapports sur l’arrestation de très jeunes enfants palestiniens s’accumulent du côté des plates-formes des médias sociaux s’intéressant à la Palestine et aux droits des Palestiniens.

La triste réalité est que Muhammad Elayyan, 4 ans, et Qais Obaid, 6 ans, ainsi que de nombreux enfants comme eux, sont devenus la cible des soldats israéliens et des colons juifs sur toute l’étendue des territoires occupés.

Cette réalité horrible ne peut être tolérée par la communauté internationale. Les crimes israéliens contre les enfants palestiniens doivent être abordés avec efficacité et il ne peut être permis à Israël, à ses lois inhumaines et à ses tribunaux militaires iniques de poursuivre leurs brutalités incontestées à l’encontre des enfants palestiniens.

L'auteur, Ramzy Baroud, écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com.

Traduction : Jean-Marie Flémal

Photos: Plate-forme des ONG françaises pour la Palestine


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