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Mardi, 25 Nov. 2025

Controverse au Sénat : l’obligation vaccinale antigrippale pour les soignants adoptée dans un climat de défiance sur la vaccination

Auteur : France-Soir | Editeur : Walt | Mardi, 25 Nov. 2025 - 10h40

Le Sénat a voté à main levée et à une large majorité, l’obligation vaccinale antigrippale pour tous les professionnels de santé, y compris libéraux, intégrée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026. Rejetée en première lecture deux semaines plus tôt par l’Assemblée nationale (108 contre, 95 pour), cette mesure, portée par la députée Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons), vise à contrer la faible couverture vaccinale des soignants (21 % en EHPAD pour la saison 2024-2025, selon Santé publique France). Mais elle divise, comme en témoigne l’opposition de la sénatrice Laurence Muller-Bronn (LR) et les arguments scientifiques de l’AIMSIB. Dans un contexte de défiance record envers les autorités sanitaires et la politique vaccinale proposée, alimentée par la gestion du Covid-19, cette décision interroge sur sa proportionnalité face à une épidémie grippale récurrente.

Une mesure relancée après un rejet à l’Assemblée : pour protéger les plus vulnérables ?

Déposée en juillet 2025 par Agnès Firmin-Le Bodo, ancienne ministre déléguée à la Santé, la proposition de loi n° 1722 rétablit une obligation suspendue par décret en 2006. Elle prévoit aussi un remboursement expérimental pour tous les assurés dans trois régions pilotes. L’objectif : limiter les transmissions nosocomiales chez les patients fragiles, alors que l’épidémie 2024-2025 a causé environ 17 600 décès en excès toutes causes confondues, dont plus de 90 % chez les plus de 65 ans, selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France (SPF).

Pharmacienne de formation, Agnès Firmin-Le Bodo est une figure controversée, connue pour ses liens avec l’industrie pharmaceutique. Condamnée le 14 octobre 2024 par le tribunal judiciaire du Havre à 8 000 euros d’amende (dont 4 000 avec sursis) pour non-déclaration de plus de 20 000 euros de cadeaux reçus entre 2015 et 2020 des laboratoires Urgo (montres de luxe, champagne, coffrets week-end), dans une affaire impliquant 55 millions d’euros d’avantages indus à des pharmaciens. Qualifiés par elle de « négociations commerciales », ces faits violent la loi Beregovoy de 1993 sur la transparence. Réélue députée en juillet 2024 malgré ces révélations de Mediapart, elle a recours en appel.

Au Sénat, les sénateurs de tous bords (écologistes, socialistes, macronistes, LR) ont approuvé le texte, supprimant toutefois l’obligation pour les résidents d’EHPAD contre l’avis du gouvernement. La Haute Autorité de santé (HAS), saisie pour avis au printemps 2026, conditionnera son application effective à la saison 2026-2027. « C’est la banalisation de l’obligation vaccinale pour les soignants, après un long chemin », salue le rapporteur socialiste Jérôme Guedj.

Laurence Muller-Bronn : une voix solitaire contre l’« obstination française »

Seule à s’opposer frontalement lors des débats, la sénatrice Laurence Muller-Bronn (LR, Bas-Rhin), membre de la Commission des affaires sociales, a déposé un amendement de suppression rejeté.

Dans une intervention remarquée, elle dénonce une « obstination française » : « La HAS préconise la recommandation, non l’obligation ; les députés l’ont supprimée ; aucun pays européen n’impose cela… et la France s’obstine ! » Elle alerte sur les tensions potentielles avec les soignants, échaudés par l’obligation Covid-19 de 2021 qui a conduit à 15 000 suspensions. Son discours, qualifié de « bon sens » par certains observateurs, transcende les clivages et rappelle le principe de liberté vaccinale. Sur les réseaux, il amplifie un débat polarisé, certains y voyant une « résistance nécessaire » face à une coercition injustifiée.

L’AIMSIB démonte la mesure : efficacité limitée et risques réels

L’Association Internationale pour une Médecine Scientifique et Individuelle et Bienveillante (AIMSIB) publie en septembre 2025 un argumentaire cinglant, s’appuyant sur des méta-analyses et avis d’autorités. Parmi les points clés :

  • Le vaccin augmente le risque d’infection grippale chez les soignants vaccinés de façon répétée (Shrestha et al., 2025 ; Skowronski et al., 2010).
  • Il n’a que « peu d’impact » sur les infections nosocomiales chez les résidents d’EHPAD (Cochrane, Thomas et al., 2005).
  • Les vaccinés excrètent jusqu’à six fois plus de virus s’ils sont infectés (Yan et al., 2018).
  • Chez les plus de 65 ans, manque de preuves d’efficacité ou de sécurité (Johns Hopkins, Osterholm et al., 2012 ; Cochrane, Demicheli et al., 2018).

L’AIMSIB cite la HAS (2023), jugeant l’obligation « inappropriée » en raison de l’« efficacité imparfaite » et de données insuffisantes sur les grippes nosocomiales. L’association plaide pour des alternatives comme l’hygiène renforcée, soulignant que le vaccin est un « pari annuel » à efficacité variable (Odile Launay, 2019 ; Agnès Buzyn, 2019).

17 600 décès : un chiffre élevé, mais récurrent et sans causalité stricte

Les promoteurs invoquent l’épidémie 2024-2025 : 17 600 décès en excès, extrapolés de données couvrant 84 % de la population (SPF, BEH nᵒ 17, octobre 2025). Près de 5 000 certificats de décès mentionnent explicitement la grippe comme cause directe ou contributive (via CépiDc-Inserm), avec un pic à 7,3 % des décès électroniques mi-janvier. Mais sans autopsies ni tests virologiques systématiques, ces attributions reposent sur des modèles statistiques probabilistes, intégrant circulation virale et facteurs confondants (Covid résiduel, VRS, froid). Ce bilan n’est pas inédit. La moyenne annuelle est de 10 000 décès ; des saisons passées ont été comparables ou pires :

Pourquoi imposer maintenant ? Le timing coïncide avec un PLFSS sous tension et une HAS prudente, sans hausse spectaculaire vs. 2014-2015.

À l’international : souplesse plutôt que coercition

La France s’isole en Europe, où aucun pays n’impose la vaccination antigrippale aux soignants (ECDC, 2023). 

Aux États-Unis, 19 États exigent une vaccination ou exemption, atteignant 70-80 % de couverture. Au Canada (Colombie-Britannique), une politique « vaccin ou masque » non punitive réduit l’absentéisme sans sanctions. En Australie, obligations avec incitatifs. Des méta-analyses montrent que les approches combinées (éducation, accès gratuit) boostent l’adhésion sans heurts éthiques.

Une obligation qui arrive précisément quand la confiance est au plus bas

Pourquoi légiférer maintenant, alors que des épidémies aussi meurtrières sont déjà survenues sans jamais déboucher sur une obligation ? La réponse semble davantage politique que sanitaire. Mais surtout, la mesure intervient au moment où la confiance dans les institutions sanitaires est au plus bas, et se traduit par une faible couverture vaccinale chez les seniors, 25.3% pour 2024/2025 (25.4% l’année précédente), alors que l’OMS fixe un objectif de couverture vaccinale antigripale de 75%.

Un sondage MIS Group pour France-Soir/BonSens.org (mai 2025, 1 200 répondants) révèle que 67 % des Français n’ont plus confiance dans le gouvernement en matière de santé.

Santé publique France elle-même alimente la défiance : son Baromètre 2023 toujours affiché en 2025 prétend que « 84 % des Français sont favorables à la vaccination en général », sans distinguer grippe et Covid, ni actualiser les données post-scandale. Le sondage MISGroup actualise les données de SPF montrant une baisse importante de l’adhésion à la vaccination en 2025 avec 69 % des Français qui se disent favorables à la vaccination en général et 31 % qui n’y sont pas favorables. Pourtant c’est bien le chiffre de l’enquête de santé publique France qui a été repris sans vérification dans les médias et par SPF dans un communiqué récent, dans ce qui frôle une tromperie informationnelle.

Le même sondage MIS Groupe montre que 52 % des Français expriment des réserves sur certains vaccins. Une augmentation très marquée depuis 2023, où 37 % exprimaient des réserves.

Et 52 % estiment que « le gouvernement et ses mensonges leur ont fait perdre confiance en la vaccination ». Un score qui aurait dû attirer l’attention du ministre de la Santé qui a lancé sa campagne contre la désinformation. D’autant plus que 64 % estiment qu’il est inacceptable de traiter d’antivax les personnes qui sont allées se faire vacciner contre la covid et qui se sont aperçus après coup qu’il y avait des effets indésirables.

Conventions internationales : proportionnalité en question

En imposant cette obligation dès la saison 2026-2027 (sous réserve de l’avis de la HAS au printemps 2026), le Parlement prend le risque d’une nouvelle crise sociale dans les hôpitaux, quatre ans après la suspension de 15 000 soignants pour refus du vaccin Covid.

L’article 8 de la CEDH protège l’intégrité physique, mais autorise des limites pour la santé publique si proportionnées (arrêts Vavřička c. Tchéquie ; Jehovah’s Witnesses c. Russie). Le PIDESC (art. 12) voit la vaccination comme droit à la santé. Aucune cour n’a invalidé une telle mesure (Lancet, 2021). Pourtant, sans consentement informé, c’est une ingérence ; des exemptions médicales et alternatives sont requises (Global Campus of Human Rights, 2021). Face à 17 600 morts annuels récurrents, l’obligation pourrait passer, mais risque de fracturer davantage un système déjà grippé par la défiance.

Le texte repart à l’Assemblée pour seconde lecture. L’avis HAS 2026 pourrait tempérer.

Rien n’est joué. Mais, une chose est sûre : jamais la France n’a semblé aussi seule, aussi divisée, et aussi peu confiante dans ses institutions sanitaires pour justifier une telle mesure. Imposer sans réel consensus scientifique ni social semble vraiment un pari risqué pour la santé publique française.

***

Le Sénat rejette l’amendement de suppression de l’obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants

Sous couvert de protéger les vulnérables, la chambre haute rétablit l'obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants libéraux, balayant d'un revers de main le vote des députés.

Le coup de force sénatorial

Le Sénat a opposé son veto, ce 23 novembre 2025, à l’amendement visant à abroger l’obligation vaccinale antigrippale pour les soignants libéraux. Cette décision, adoptée à main levée dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, enterre la délibération démocratique de l’Assemblée nationale et son étrange coalition allant du Rassemblement national à La France insoumise. Les sénateurs, sans débat substantiel, ont ainsi entériné la ligne dure du gouvernement concernant un vaccin dont efficacité reste à prouver.

Une logique à géométrie variable

L’argumentaire des sénateurs révèle une singulière conception de l’éthique. Corinne Imbert (LR), rapporteure générale, a justifié cette obligation pour les soignants par leur faible taux de vaccination (21%), brandissant la menace d’un système hospitalier sous tension. Paradoxalement, ces mêmes sénateurs ont exonéré les résidents d’Ehpad de cette même obligation, invoquant le respect du consentement et un taux de couverture déjà élevé (83%). On notera cette curieuse hiérarchie où le soignant, présumé sain, perd son autonomie, tandis que le patient fragile la conserve. Un double standard surprenant.

Le mépris des équilibres politiques

Ce vote constitue un déni de la représentation nationale. L’Assemblée avait pourtant rejeté cette mesure, cristallisant une opposition transpartisane pour une fois soucieuse des libertés fondamentales et des conséquences pratiques sur l’accès aux soins. Le Sénat, en méprisant ce vote, relègue au second plan les craintes d’une défiance accrue et les profondes fractures héritées de la « crise Covid ». La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, s’est même permise de contester la sagesse sénatoriale concernant les Ehpad, soulignant les disparités derrière la moyenne, sans être entendue.

Vers une nouvelle confrontation

Ce rejet n’est qu’une bataille. Le texte retournera à l’Assemblée pour une seconde lecture, promettant de vifs affrontements. Cette séquence illustre la persistance d’un dogme sanitaire autoritaire, prompt à instrumentaliser le spectre de « l’épidémie » pour justifier la contrainte. Alors que la Haute Autorité de santé doit encore rendre son avis, le législateur précipite son jugement, actant une défiance structurelle envers le libre arbitre des soignants et des citoyens.

par Yoann - Le Média en 4-4-2


- Source : France-Soir

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