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Lundi, 02 Juin 2025

Continuité de l’agenda : l’administration Trump blanchit Al-Qaïda en Syrie, soutenue par Bush, Obama et Biden

Auteur : Brian Berletic | Editeur : Walt | Samedi, 31 Mai 2025 - 13h31

La décision du président Trump de lever les sanctions américaines contre la Syrie ne marque pas une rupture avec le passé, mais la poursuite d’une stratégie américaine vieille de plusieurs décennies visant à changer le régime par une guerre par procuration et le soutien à des groupes extrémistes.

Le président américain Donald Trump a annoncé lors de son voyage à Riyad, en Arabie saoudite, en mai 2025, que les États-Unis lèveraient les sanctions de longue date contre la Syrie, a rapporté Reuters.

Reuters affirme également :

«La fin des sanctions contre la Syrie serait un énorme coup de pouce pour un pays qui a été dévasté par plus d’une décennie de guerre civile. Les rebelles dirigés par l’actuel président Ahmed al-Sharaa ont renversé le président Bachar al-Assad en décembre dernier».

Au cours de ce même voyage, le président Trump rencontrerait également et serrerait la main de l’actuel président syrien, Ahmed al-Sharaa, également connu sous le nom d’Abou Mohammad al-Joulani qui, avant de prendre le pouvoir, dirigeait le Front al-Nosra, une organisation terroriste étrangère toujours désignée comme telle par le département d’État américain (aujourd’hui appelée Hay’at Tahrir al-Sham ou HTS).

En réalité, le conflit en Syrie n’était pas une guerre civile, mais plutôt une guerre par procuration menée par les États-Unis aux côtés de leurs alliés du golfe Persique, de la Turquie et d’Israël contre la République arabe syrienne.

Les sanctions américaines que le président Trump lève aujourd’hui avaient pour but de paralyser le gouvernement, l’économie et l’armée syriens, d’empêcher la reconstruction et la reprise économique, et de dévaster la population civile, tout cela afin de vider l’État syrien de sa substance et précipiter son effondrement final, comme l’a déclaré publiquement en 2019 Dana Stroul, ancienne responsable du département américain de la Défense.

Cette guerre par procuration comprenait une campagne menée par les États-Unis pour former, financer, équiper et armer un réseau d’extrémistes, notamment le groupe terroriste Al-Nosra/HTS d’Al-Sharaa/Al-Joulani.

Tout au long du conflit en Syrie, même des publications américaines telles que le New York Times ont admis dès 2012 que la CIA (Agence centrale de renseignement américaine) facilitait le transfert de milliards de dollars d’armes, de munitions et d’équipements de la Turquie vers la Syrie.

Alors que le discours officiel était que les États-Unis armaient les «rebelles modérés», aucune explication n’a été donnée sur la manière dont des organisations terroristes telles qu’al-Nosra/HTS ont rapidement fini par dominer le mouvement militant soutenu par l’Occident. Si les États-Unis et leurs alliés fournissaient des milliards d’aide aux «rebelles modérés», qui fournissait des montants encore plus importants aux organisations extrémistes, leur permettant ainsi de dominer la guerre par procuration soutenue par les États-Unis en Syrie ?

Trump joue un rôle dans une guerre par procuration menée depuis des décennies par l’«État profond»

La réponse est simple : il n’y a jamais eu de «rebelles modérés». Les États-Unis avaient prévu, des années avant même le début du conflit, d’utiliser des extrémistes comme mandataires pour renverser les gouvernements de la région, notamment celui de la Syrie.

Seymour Hersh, dès 2007, dans son article publié dans le New Yorker, «The Redirection», avertissait :

«Pour affaiblir l’Iran, qui est majoritairement chiite, l’administration Bush a décidé, dans les faits, de redéfinir ses priorités au Moyen-Orient. Au Liban, elle a coopéré avec le gouvernement saoudien, sunnite, dans le cadre d’opérations clandestines visant à affaiblir le Hezbollah, l’organisation chiite soutenue par l’Iran. Les États-Unis ont également pris part à des opérations clandestines contre l’Iran et son allié, la Syrie. Ces activités ont eu pour effet secondaire de renforcer les groupes extrémistes sunnites qui prônent une vision militante de l’islam, sont hostiles aux États-Unis et sympathisent avec Al-Qaïda».

Les préparatifs pour la constitution de groupes militants et de leurs branches politiques – en particulier les Frères musulmans – étaient déjà en cours lorsque Hersh a écrit son article en 2007 et se sont poursuivis jusqu’au déclenchement du «printemps arabe» orchestré par les États-Unis en 2011 sous l’administration Obama.

Le New York Times l’admettra dans un article publié en avril 2011 :

«Un certain nombre de groupes et d’individus directement impliqués dans les révoltes et les réformes qui secouent la région, notamment le Mouvement des jeunes du 6 avril en Égypte, le Centre bahreïni pour les droits de l’homme et des militants de base comme Entsar Qadhi, un leader de la jeunesse au Yémen, ont reçu une formation et un financement de groupes tels que l’International Republican Institute, le National Democratic Institute et Freedom House, une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme basée à Washington, selon des entretiens réalisés ces dernières semaines et des câbles diplomatiques américains obtenus par WikiLeaks».

Le même article admettait également :

«Les instituts républicain et démocrate sont vaguement affiliés aux partis républicain et démocrate. Ils ont été créés par le Congrès et sont financés par le National Endowment for Democracy, qui a été créé en 1983 pour canaliser les subventions destinées à promouvoir la démocratie dans les pays en développement. Le National Endowment reçoit environ 100 millions de dollars par an du Congrès. Freedom House tire également l’essentiel de ses fonds du gouvernement américain, principalement du département d’État».

Le chaos créé par le «printemps arabe» orchestré par les États-Unis a été utilisé comme une occasion pour lancer des guerres multiples et des guerres par procuration dans toute la région, notamment une opération de changement de régime menée par l’OTAN contre la Libye en Afrique du Nord, une coalition dirigée par l’Arabie saoudite et soutenue par les États-Unis contre Ansarullah au Yémen, et la guerre par procuration menée par les États-Unis en Syrie, qui a finalement abouti à l’invasion et à l’occupation de l’est de la Syrie par les États-Unis, tandis que la Turquie, membre de l’OTAN, envahissait et occupait ses régions septentrionales.

Tout au long du premier mandat de Trump (2017-2021), les sanctions brutales des États-Unis et l’occupation illégale du territoire syrien, qui avaient commencé sous l’administration Obama, se sont poursuivies, voire intensifiées. Alors que de nombreux partisans du président Trump ont tenté de prétendre que son administration voulait retirer les forces américaines de Syrie, l’administration Trump a lancé à plusieurs reprises et avec empressement des frappes militaires à travers la Syrie et a mené des attaques contre l’Iran, allié de la Syrie, notamment l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani qui, à l’époque, menait en fait une guerre régionale contre des organisations terroristes soutenues par les États-Unis, notamment/en particulier al-Nosra/HTS et l’autoproclamé «État islamique» (Daech), comme l’a même admis à l’époque la chaîne PBS, financée par le gouvernement américain.

Ainsi, la levée par le président Trump des sanctions américaines contre la Syrie, maintenant que les terroristes soutenus par les États-Unis ont atteint l’objectif de Washington, à savoir renverser le gouvernement syrien, n’est que la suite logique d’un programme qui vise clairement à permettre aux mandataires soutenus par les États-Unis de consolider leur contrôle sur la Syrie et de la préparer à servir de tremplin à une violence régionale plus large visant l’Iran et ce qui reste de son réseau d’alliés et de partenaires.

Le rôle du président Trump dans la poursuite du programme de l’«État profond»

Bien qu’al-Nosra/HTS reste une organisation terroriste étrangère désignée par le département d’État américain au moment de la rédaction du présent document, si l’histoire récente peut servir de guide, des tentatives seront faites pour la retirer de la liste, ce qui permettra aux États-Unis de l’aider plus ouvertement alors que la confrontation entre Washington et l’Iran se poursuit.

Un processus similaire s’est déroulé pendant la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN en Libye. Les États-Unis avaient également armé et soutenu le Groupe islamique combattant en Libye (GICL) – affilié à Al-Qaïda en Libye – alors même qu’il était désigné comme organisation terroriste étrangère par le département d’État américain.

Le GICL est resté sur la liste des organisations terroristes étrangères du département d’État américain jusqu’à longtemps après le renversement réussi du gouvernement libyen. Bien qu’ils aient fourni des armes, de la formation, de l’équipement et même une couverture aérienne au GICL, les États-Unis ont cherché à maintenir un déni plausible alors que l’organisation terroriste commettait des atrocités ethniques et religieuses tout au long du conflit et immédiatement après.

Fin 2015, le GICL a été officiellement retiré de la liste du département d’État américain, alors même que l’organisation et ses membres continuaient de mener des activités terroristes, non seulement dans le monde arabe, mais aussi à l’intérieur des frontières de ses sponsors occidentaux, notamment lors de l’attentat de Manchester au Royaume-Uni en 2017, selon la BBC.

Le président américain Donald Trump s’est présenté aux élections de 2017 et 2024 sur la promesse de «drainer le marais» et de lutter contre «l’État profond». Au cours de son premier mandat, et maintenant tout au long de son second mandat, il a au contraire clairement joué son rôle en poursuivant toutes les politiques de «l’État profond».

Tout comme cela a été le cas tout au long des administrations Bush, Obama et Biden, le président Trump continuera à superviser l’utilisation de groupes extrémistes pour faire avancer les objectifs de la politique étrangère américaine dans le monde entier, notamment au Moyen-Orient et plus particulièrement contre le pays iranien. La levée des sanctions contre la Syrie par le président Trump et sa normalisation des relations avec le dirigeant d’une organisation toujours classée comme terroriste par les États-Unis démontrent le fossé énorme qui existe entre le discours du président Trump et la réalité de ce que son administration est en train de mettre en œuvre.

Le monde devrait avoir compris depuis longtemps que retenir son souffle et attendre que les États-Unis mettent fin de leur propre chef à la continuité de leur programme est une fantaisie dangereuse et irresponsable fantaisie irresponsable et que ce n’est que par la coopération et des efforts concertés que le système mondial dont les États-Unis tirent leur pouvoir pourra être déplacé/remplacé et que la montée du multipolarisme pourra être utilisée pour protéger les pays et les régions du monde entier contre les décennies d’ingérence et d’agression du gouvernement américain et des intérêts financiers et corporatifs qui déterminent ses politiques, peu importe qui siège à la Maison-Blanche.

Ceux qui cherchent du réconfort dans l’illusion que le président Trump représente «le changement» sont trahis par les propres paroles, actions et politiques du président Trump, car son administration reprend clairement là où l’administration Biden et d’autres se sont arrêtés.


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