Trump démantèle un groupe de travail secret de l’« État profond » : espoirs de paix avec la Russie

Les membres de ce groupe, appartenant à diverses agences du gouvernement étasunien, œuvraient à saboter le rapprochement russo-étasunien.

Reuters a rapporté à la mi-juin que l’administration Trump avait récemment démantelé un groupe de travail secret inter-agences, supervisé par des membres du Conseil de Sécurité Nationale désormais répudiés, ayant pour tâche de formuler des stratégies pour contraindre la Russie à accorder des concessions à l’Ukraine.

Selon trois sources anonymes au sein de l’appareil de direction étasunien, le refus manifesté jusqu’ici par Trump d’augmenter l’implication des États-Unis dans le conflit avait fait perdre de la dynamique à ce groupe, bien qu’un revirement de position reste possible.

En tous cas, le point le plus important du rapport émis par Reuters est la confirmation du fait qu’un groupe secret de dirigeants issus des administrations permanentes militaire, de renseignements et diplomatique (« l’État profond ») avait été fondé pour manipuler Trump et l’amener à exercer des pressions contre la Russie, ce qui aurait pu aggraver les tensions en cas de réussite de cette initiative. Tout aussi important est l’échec de cette initiative à parvenir à ses fins jusqu’ici. Quoi qu’il en soit, les projets ourdis par ce groupe pourraient encore être mis en œuvre par des éléments subversifs au sein de l’État profond, et c’est là que réside le problème.

Selon Reuters, « Les idées allaient d’accords économiques sur mesure conçus pour faire sortir certains pays de l’orbite géopolitique de la Russie, jusqu’à des actions d’opérations spéciales clandestines », le premier scénario comprenant une proposition visant à « inciter » le Kazakhstan à agir avec sévérité contre l’évitement par la Russie des sanctions occidentales. Ce pays a dérivé vers l’Occident depuis déjà quelque temps, ce qui pourrait poser des défis à la Russie et à la Chine, comme expliqué ici à l’été 2023, mais il semble que projet n’a débouché sur rien.

Mais on peut poser l’hypothèse que le second scénario pourrait être relié aux frappes stratégiques de drones lancées par l’Ukraine contre la Russie début juin 2025. Nul ne peut dire si Trump avait eu vent à l’avance de cette initiative, mais la révélation produite par Reuters au sujet de l’existence de ce groupe de travail de « l’État profond » jusqu’alors resté sous les radars donne du crédit aux partisans de la thèse selon laquelle Trump ne savait rien. Après tout, il est tout à fait possible que cette action ait été orchestrée par ce groupe sans que Trump n’en ait eu vent, car il aurait pu en avertir Poutine.

La possibilité existe également que ces « actions d’opérations spéciales clandestines » comprennent les deux complots sous faux drapeau en Mer Baltique au sujet desquels les services de renseignements étrangers de la Russie ont récemment lancé l’alerte. Bien qu’il ait été affirmé qu’il s’agissait d’actions britanno-ukrainiennes conjointes, on ne peut écarter l’idée que les éléments subversifs de « l’État profond » sus-mentionnés membres de ce groupe de travail aient pu soit jouer un rôle dans leur préparation, soit aient établi un plan détaillé visant à faire pression sur Trump pour appliquer par la suite une escalade contre la Russie.

Le démantèlement de ce groupe de travail secret inter-agences de « l’État profond » permet donc des espoirs de paix avec la Russie, et pourrait partiellement expliquer le pragmatisme apparu récemment manifesté par l’administration Trump vis-à-vis de ce pays. Le secrétaire de la Défense a récemment annoncé que l’aide en faveur de l’Ukraine serait sabrée dans le prochain budget, et le secrétaire au Trésor a émis des mises en garde contre toute nouvelle sanction anti-russe. Trump s’est ensuite opposé à davantage de sanctions au cours du G7, a bloqué les tentatives de faire baisser la plafond des prix du pétrole russe, et a tenu tête à Zelensky.

Il reste prématuré de célébrer ces actions, car Trump pourrait toujours faire volte face spontanément, ou se faire manipuler vers une escalade, mais elles n’en constituent pas moins un développement positif pour la paix. On verra s’il maintient le cap, mais le fait important est qu’il est revenu à son approche pragmatique après une brève perturbation marquée par des messages agressifs au sujet de Poutine. Le meilleur scénario serait désormais qu’il s’oppose fièrement à l’« État profond » en contraignant enfin l’Ukraine à accepter les concessions demandées par la Russie pour la paix.

L'auteur, Andrew Korybko, est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone