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Mardi, 19 Août 2025

Ce qui s’est réellement passé en Alaska par Pepe Escobar

Auteur : Pepe Escobar | Editeur : Walt | Mardi, 19 Août 2025 - 13h18

La rencontre Trump-Poutine a fait sauter certains verrous majeurs, indiquant qu’aux yeux de Washington, la Russie est une puissance de premier plan et l’Europe un simple pion au service de Washington.

Le sommet de l’Alaska n’a pas seulement porté sur l’Ukraine. L’Alaska a surtout été l’occasion pour les deux premières puissances nucléaires mondiales de tenter de rétablir la confiance et d’éviter une confrontation nucléaire.

On ne pouvait rien garantir, compte tenu du caractère imprévisible du président américain, Donald Trump, qui avait organisé cette rencontre très médiatisée avec son homologue russe, Vladimir Poutine. Mais un nouveau paradigme pourrait néanmoins être en train de se mettre en place. La Russie a en effet été reconnue de facto par les États-Unis comme une puissance d’égale valeur. Cela implique, au minimum, le retour à une diplomatie au plus haut niveau, là où elle s’avère le plus nécessaire.

En parallèle, l’Europe dépêche à Washington une brochette de dirigeants incompétents pour se prosterner devant l’empereur. Le destin de l’UE est scellé : elle est vouée à disparaître dans les poubelles de l’histoire géopolitique.

Ce qui a été décidé conjointement par Trump et Poutine, avant même que Moscou ne propose l’Alaska, lieu hautement symbolique, pour accueillir le sommet, reste secret. Il n’y aura aucune fuite sur l’intégralité du contenu.

Il est toutefois assez significatif que Trump lui-même ait attribué une note de 10 sur 10 à l’Alaska.

Selon des sources à Moscou proches de la délégation russe, les points clés du sommet, jusqu’au format 3-3 (initialement prévu pour être un 5-5, mais d’autres membres clés, tels que le ministre des Finances Anton Siluanov, ont apporté leur contribution), soulignent que :

«Poutine a été très clair : toutes les livraisons directes d’armes américaines à l’Ukraine doivent immédiatement cesser, et c’est une étape essentielle vers une résolution du conflit. Les Américains ont accepté la nécessité de réduire considérablement les livraisons d’armes létales».

Désormais, la balle est dans le camp de l’Europe. Les sources précisent les détails suivants :

«Sur les 80 milliards de dollars du budget ukrainien, l’Ukraine elle-même fournit environ 20 milliards de dollars. La Banque nationale d’Ukraine affirme qu’elle collecte 62 milliards de dollars rien qu’en impôts, or c’est un mensonge. Avec une population d’environ 20 millions d’habitants, plus d’un million de soldats morts au combat, une industrie décimée et seulement 70% du territoire d’avant le Maïdan sous contrôle, il est tout simplement impossible de collecter une telle somme».

Ce qui place l’Europe, représentée par le tandem OTAN/UE, devant un sérieux dilemme : «soit soutenir l’Ukraine financièrement, soit la soutenir militairement. Mais pas les deux à la fois. Sinon, l’UE risque de s’effondrer encore plus rapidement».

Faites maintenant la comparaison avec ce qui est sans doute le passage clé d’un des messages de Trump sur Truth Social :

«Toutes les parties concernées sont d’accord pour dire que la meilleure façon de mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine est de conclure un accord de paix, et non un simple cessez-le-feu qui, bien souvent, n’est pas respecté».

Mélangez le tout à l’indispensable ingrédient fourni par l’ancien président russe Dmitri Medvedev :

«Le président russe a personnellement exposé en détail au président américain nos conditions pour mettre fin au conflit en Ukraine. Plus important encore, les deux parties ont directement chargé Kiev et l’Europe d’obtenir des résultats dans les négociations sur la fin des hostilités».

On parle ici de convergence des superpuissances. Le diable, bien sûr, se cache dans les détails.

Les BRICS à l’ordre du jour en Alaska

En Alaska, Vladimir Poutine représentait non seulement la Fédération de Russie, mais aussi l’ensemble des BRICS. Avant même que la rencontre avec son homologue américain ne soit annoncée, Poutine a eu un entretien téléphonique avec le président chinois Xi Jinping. Après tout, c’est le partenariat russo-chinois qui écrit le chapitre géostratégique de ce Nouveau Grand Jeu.

De plus, les principaux dirigeants des pays des BRICS ont multiplié les entretiens téléphoniques, ce qui, selon l’évaluation du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, a contribué à la formation d’un front concerté des BRICS pour contrer les guerres commerciales de Trump. L’«Empire du chaos» version Trump 2.0 est engagé dans une guerre hybride contre les BRICS, en particulier les cinq principaux : Russie, Chine, Inde, Brésil et Iran.

Ce qui est certain, c’est que Poutine a remporté une petite victoire en Alaska.

«Les droits de douane sur le pétrole russe ne sont pas indispensables pour l’instant (…). J’y réfléchirai peut-être dans deux ou trois semaines», a déclaré Trump.

Même en tenant compte du degré de turbulence prévisible, l’ouverture d’un dialogue au plus haut niveau avec les États-Unis offre aux Russes l’occasion de défendre directement les intérêts de leurs partenaires du BRICS, notamment l’Égypte et les Émirats arabes unis, qui voient leur intégration économique en Eurasie entravée par les sanctions et les tarifs douaniers, ainsi que par la russophobie rampante associée.

Malheureusement, rien de tout cela ne s’applique à l’Iran, dont tous les aspects de la politique sont déterminés par l’axe sioniste.

Il est clair que Trump et Poutine jouent tous deux le long terme. Trump veut se débarrasser du «petit joueur» encombrant de Kiev, mais sans recourir aux tactiques traditionnelles américaines de coup d’État et de changement de régime. Pour lui, la seule chose qui compte vraiment, ce sont les futurs accords commerciaux potentiels sur les richesses minérales russes et le développement de l’Arctique.

Poutine doit également gérer les opposants internes qui ne lui pardonneront aucune concession. Les médias occidentaux au désespoir prétendent que Poutine proposerait de geler les positions à Zaporijia et Kherson en échange de l’ensemble de la République de Donetsk, ce qui est évidemment absurde. Une telle décision irait à l’encontre de la Constitution de la Fédération de Russie.

En outre, le président russe va devoir gérer les modalités d’accès des entreprises américaines dans deux zones au cœur des priorités fédérales et relevant de la sécurité nationale : le développement de l’Arctique et de l’Extrême-Orient russe. Tout cela sera discuté en détail dans deux semaines, lors du Forum économique oriental à Vladivostok.

Une fois de plus, suivez l’argent : les deux oligarchies, américaine et russe, aspirent à reprendre rapidement des activités commerciales fructueuses.

Du rouge à lèvres pour un cochon vaincu

Poutine, secondé par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov – l’homme du jour incontesté avec son look «CCCP» [URSS] -, a enfin eu tout le temps nécessaire, soit 150 minutes, pour exposer en détail les motivations profondes de l’opération militaire spéciale (OMS) de la Russie et les conditions d’une paix durable : la neutralité de l’Ukraine, l’interdiction et le démantèlement des milices et des partis néonazis, ainsi qu’un terme à l’expansion de l’OTAN.

Sur le plan géopolitique, quelle que soit l’évolution des événements en Alaska, il est indéniable que Moscou et Washington ont réussi à gagner un peu de répit stratégique. Ces avancées pourraient même jeter les bases d’un respect mutuel des sphères d’influence des deux puissances.

Après tout, rien d’étonnant puisque l’Ukraine n’est qu’un gigantesque dispositif de blanchiment d’argent pour les politiciens européens peu scrupuleux. La machine kafkaïenne de l’UE a déjà ruiné les États membres et les contribuables européens, mais ce n’est pas le problème de Trump.

L’Alaska, aux confins de la Majorité mondiale, a clairement illustré la décadence de l’atlantisme, prouvant que les États-Unis cherchent à contrôler une Europe servile conforme à sa stratégie belliqueuse. L’Europe, privée de toute autonomie, achète des armes américaines hors de prix pour des milliards d’euros, alors qu’elle n’en a pas les moyens.

Alors que les convoitises oligarchiques américaines se portent sur les entreprises russes, les manipulateurs de Washington cherchent en réalité à briser l’intégration eurasienne et toutes les organisations multipolaires – BRICS, SCO – œuvrant pour un nouvel ordre mondial multinodal.

Une capitulation de l’OTAN, même si elle est stratégiquement vaincue sur tous les fronts, demeure un anathème. Au mieux, Trump met du rouge à lèvres au cochon, cherchant à façonner, avec ses fanfaronnades coutumières, une stratégie de sortie de l’État profond pour la prochaine guerre éternelle.

D’ailleurs, Poutine, le Conseil de sécurité russe, les BRICS et la Majorité mondiale ne se font aucune illusion.

Traduction: Spirit of Free Speech


- Source : The Cradle (Liban)

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