La guerre de Netanyahu contre l’Iran n’a aucun avenir

Un courant sous-jacent inaperçu de la guerre Israël-Iran est que trois nations chrétiennes en Europe − le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne − se sont jointes à la mêlée, avec empressement, du côté d’Israël.
Étrange, n’est-ce pas, que ces pays européens composant le soi-disant E-3 aient une voie exclusive bien établie de dialogue avec l’Iran mais rejoignent immédiatement le sentier de la guerre avec Israël ? Mais c’est une croisade, stupide !
Les trois « nations croisées » partagent l’obsession d’Israël d’empêcher la montée d’une nation musulmane en tant que puissance émergente au Moyen-Orient qui pourrait transformer radicalement ses alignements géopolitiques. En termes simples, détruire le régime islamique en Iran est le véritable objectif de la guerre d’Israël — et des trois nations chrétiennes d’Europe.
Selon certaines informations, des avions de combat israéliens qui ont attaqué l’Iran ont utilisé la base aérienne britannique à Chypre; Des avions de ravitaillement britanniques sont en déploiement dans l’espace aérien syro-irakien pour l’utilisation d’avions de combat israéliens; le président français Emmanuel Macron, en tant que défenseur du catholicisme romain, jure ouvertement qu’il agira pour empêcher la défaite d’Israël; l’Allemagne, la source du protestantisme, s’est également positionnée de la même manière derrière Israël.
Cependant, d’un autre côté, ce qui ressort de la conversation téléphonique d’une heure entre Trump et le président russe Vladimir Poutine samedi, c’est qu’ils travailleront ensemble pour faire avancer la voie du dialogue avec l’Iran, nonobstant la situation de conflit actuelle. Le compte rendu du Kremlin souligne que Poutine a dénoncé avec force l’agression israélienne.
Un tel alignement des principaux acteurs signale que le meilleur pari d’Israël serait d’arrêter la guerre elle-même en la traitant comme une erreur stratégique et de créer une « nouvelle normalité » ? Mais Téhéran permettra-t-il à Netanyahu de s’en tirer avec un tel meurtre ? C’est la question à un million de dollars. Poutine devra utiliser tout son pouvoir de persuasion pour effectuer la visite prévue en Iran, si ça passe ainsi.
La pensée israélienne derrière l’assassinat des dirigeants du CGRI et des commandants militaires découle de l’erreur de calcul stupide considérant que Téhéran n’a pas la volonté politique de résister à l’agression. L’objectif israélien est d’une part de créer les conditions d’un changement de régime en Iran et d’autre part de faire dérailler toute forme d’engagement constructif américano-iranien.
Pendant tout ce temps, la terreur a été l’arme choisie par Israël et les puissances occidentales pour saper et affaiblir l’Iran. Mais un tournant a été atteint où un confinement de l’Iran n’est plus possible. Logiquement, les voisins de l’Iran dans le monde musulman auraient dû se rallier à l’Iran, mais c’est trop attendre d’eux, étant donné leur souveraineté limitée pour agir de manière indépendante.
Néanmoins, l’Iran ne capitulera pas. Le sentiment de fierté nationale et d’honneur de l’Iran en tant qu’État civilisation l’incitera à mettre les wagons en cercle et à mener une guerre prolongée jusqu’à la victoire. Dès les premiers jours de la révolution, la république islamique, fondée sur les principes de justice et de résistance sur le socle du nationalisme et de l’indépendance, a été attirée par le concept de « guerre populaire prolongée » de Mao pour tenir à distance les nations prédatrices. Cette stratégie a porté ses fruits pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988).
Saddam Hussein aussi, comme Netanyahu, avait mal calculé en pensant que l’Iran était une nation désespérément affaiblie par la guerre civile avec une économie en quasi-effondrement, son armée en plein désarroi, la formation de l’État qui n’était pas encore cristallisée et aucun allié dans la région pour lui prêter main-forte. Mais il s’est avéré que l’Iran a mené une guerre de 8 ans avec défi jusqu’à une impasse, sans se laisser décourager par le soutien somptueux apporté à Saddam par les puissances occidentales et leurs alliés régionaux.
Les États-Unis avaient même équipé l’armée de Saddam d’armes chimiques pour arrêter les tactiques d’attaque par vagues humaines des combattants iraniens, mais en vain, bien qu’environ un quart de million d’Iraniens aient sacrifié leur vie.
À un moment donné, dans un avenir très proche, Israël connaîtra également le sort de Saddam, ayant mal calculé le courage de l’Iran pour résister. Netanyahu a également estimé que l’Iran est un pays très affaibli par rapport à l’année dernière en raison des revers encaissés par l’Axe de la résistance. Une telle naïveté sous-estime la puissance de la résistance au cœur même du chiisme.
La semaine dernière, les forces de résistance, qui avaient soi-disant été vaincues de la surface de la terre se sont regroupées et ont commencé à tirer des missiles sur Israël ; de Syrie, de tous les endroits ! Le 4 mai, les Houthis ont tiré un missile balistique sur Tel Aviv frappant le périmètre du terminal principal de l’aéroport Ben Gourion ! Des rapports suggèrent que le Hezbollah a rétabli ses routes d’approvisionnement en provenance d’Iran.
Ce qu’Israël ne saisît pas, c’est que les mouvements de résistance ne meurent pas tant que leur raison d’être demeure. Israël est, en réalité, dans une crise très profonde, tout en se battant sur plusieurs fronts, en pleine crise politique intérieure et avec une économie qui nécessite une alimentation au goutte à goutte par Washington.
Alors que la capacité des États-Unis à influencer les événements au Moyen-Orient ne cesse de diminuer, l’inviolabilité d’Israël en tant que nation soutenue par le Lobby juif semble plus nette. Déjà, il y a du ressentiment aux États-Unis à l’idée de financer Israël et de mener des guerres pour lui.
Au contraire, l’essor de l’Iran est inévitable — avec une population 10 fois plus nombreuse que celle d’Israël, de vastes ressources minérales, un secteur agricole autosuffisant et une industrie diversifiée, des progrès technologiques innovants, un grand marché intérieur, un emplacement hautement stratégique et une main-d’œuvre qualifiée.
L’endurance de l’Iran est celle d’un coureur de fond, comme l’a montré la guerre Iran-Irak, tandis que la force d’Israël est celle d’un sprinter sur une piste de 100 mètres. Ne vous y trompez pas, Israël, un petit pays de 8 millions d’habitants, serait anéanti par une guerre prolongée.
Dans le scénario actuel, ce qui va à l’encontre d’Israël de manière critique, c’est que même si le président Donald Trump a essayé et échoué d’arrêter Netanyahu sur le sentier de la guerre, il ne va pas déployer les forces américaines pour combattre la guerre d’Israël.
Trump a une base évangélique dans la politique américaine et est en bons termes avec de riches donateurs juifs, mais n’a rien de commun avec les nations croisées de l’Ancien Monde — que ce soit en Ukraine ou en Iran. Dans les deux cas, en fait, il a tendance à voir le paradigme à travers le prisme de l’Amérique d’Abord où il voit un immense potentiel pour générer de la richesse grâce à des liens commerciaux avec la Russie ou l’Iran.
De plus, Trump est un politicien beaucoup trop intelligent pour risquer l’avenir de son mouvement MAGA dont le principe fondamental est le rejet total de toutes les « guerres éternelles » interventionnistes. Trump ne sait que trop bien que l’opinion publique américaine est fermement opposée aux guerres au Moyen-Orient.
Le remplacement de Mike Waltz à la NSA le 1er mai (un mandataire israélien connu qui s’est retrouvé aux plus hauts échelons de l’administration Trump) et la purge subséquente de l’ensemble des « faucons iraniens » dans le personnel de la Sécurité nationale, ont signalé que Trump se méfie des complots diaboliques de Netanyahu pour faire dérailler ses négociations avec l’Iran par des voies détournées. (ici)
Au cours de leur conversation téléphonique samedi, selon la lecture du Kremlin, Trump et Poutine ont convenu de donner la priorité à la “voie de négociation du programme nucléaire iranien. Trump a noté que l’équipe de négociateurs américains est prête à reprendre le travail avec les représentants iraniens. » De toute évidence, une confrontation militaire avec l’Iran ne figurait pas dans le calcul de Trump.
Cela étant, la rhétorique pompeuse de Netanyahu mise à part, le meilleur intérêt d’Israël serait de mettre fin à cette guerre futile de la manière la plus rapide possible. En théorie, c’est aussi la préférence de Tsahal. Une guerre prolongée à elle seule avec une poignée de nations croisées à la remorque en tant que majorettes n’est pas quelque chose qui peut sauver Israël de la destruction.
Curieusement, Trump dans son dernier message Social Truth, dimanche après la conversation avec Poutine, a conseillé à Israël de « conclure un accord » avec l’Iran ! Est-ce que cela correspond aux propos bellicistes de Netanyahu ? Et Trump a continué à polir ses propres références en tant que président pacificateur !
Trump a conclu en prédisant que “nous aurons bientôt la PAIX entre Israël et l’Iran ! » En résumé, Trump n’a aucune intention de risquer des vies américaines en combattant les guerres de Netanyahu.
De toute évidence ”LA PAIX, bientôt » sera également la préférence de la Russie et de l’Iran, car des négociations sérieuses peuvent être reprises et un accord conclu qui annoncerait une normalisation américano-iranienne et la levée des sanctions américaines. Mais cela convient-il à Netanyahou ?
Le paradoxe est qu’Israël n’a aucun avenir dans une guerre prolongée avec l’Iran, mais une fin non concluante de cette guerre posera le risque élevé pour Netanyahu d’une demande en cascade pour un changement de régime en Israël. La perte du pouvoir signifiera la perte de l’immunité parlementaire contre les poursuites judiciaires dont Netanyahu bénéficiait jusqu’à présent, le protégeant des accusations de corruption portées contre lui et les membres de sa famille, et un éventuel emprisonnement.
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Image en vedette : Scène d’un immeuble d’habitation détruit par l’impact d’un missile balistique iranien, Bat Yam, Israël, 15 juin 2025
- Source : Indian Punchline (Inde)