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Jeudi, 02 Mai 2024

Une élection qui sonne le glas des partis politiques

Auteur : Jean Goychman | Editeur : Walt | Jeudi, 24 Juin 2021 - 08h25

Dans son discours prononcé à Bruneval le 31 mars 1947, le général de Gaulle tenait, devant plusieurs milliers de personnes, les propos suivants :

« Le jour va venir où, rejetant les jeux stériles (des partis politiques) et réformant le cadre mal bâti où s’égare la nation et se disqualifie l’État, la masse immense des Français se rassemblera sur la France ».

Ce jour semble venu.

Les résultats des élections régionales sont sans appel. Les Français ne veulent plus de ce système dans lequel les partis politiques, au travers des multiples instruments de filtres et de contrôle que sont les commissions d’investitures, imposent les candidats de leur choix, souvent désignés par des critères qui n’ont rien à voir avec le service des citoyens qui devrait être leur unique préoccupation.

Et cela, les Français l’ont clairement exprimé par une abstention massive le dimanche 20 juin, à l’occasion des élections régionales.

Mauvaise date

Déplacées dans le temps du mois de mars, durant lequel elles auraient dû se tenir, au mois de juin, elles se trouvaient alors dans le champ gravitationnel de l’élection présidentielle de mai 2022, et cela n’était pas sans conséquences.

Prévue pour déterminer les personnes qui allaient se trouver en charge de l’administration de nos régions, dans un domaine de compétences très strictement limité de par le pouvoir exécutif national, la campagne électorale eut un déroulement faussé par l’épidémie qui s’était répandue depuis le mois de mars 2020.

Un résultat non prévu pourtant prévisible

Les contacts entre électeurs et candidats se réduisirent à leur plus simple expression et ne permit guère aux premiers de faire connaissance avec les seconds. C’était une sorte de « chèque en blanc » que les différents partis politiques demandaient qu’on veuille bien leur signer, persuadés que les électeurs voteraient par discipline de parti et non par choix personnel.

Une campagne outrancière de sondages, ne mentionnant souvent que le parti d’origine au détriment des personnes candidates, acheva cet « anonymisation » du produit proposé à la vente…

Le résultat fut une abstenions-record, au-delà de tout ce qui était pensable. Et, seconde conséquence, les électeurs votèrent pour ceux qu’ils connaissaient, c’est-a-dire les sortants.

Un jeu faussé

Cajolé par des sondages le donnant de mieux en mieux placé, le Rassemblement national humait déjà l’air de la victoire qui semblait se préciser de jour en jour, pensant qu’il allait franchir une étape dans la course vers l’Élysée. Plusieurs régions semblaient acquises, ou en passe de l’être et cela allait permettre de crédibiliser les capacités de gestion de collectivités importantes, souvent mises en doute par ses adversaires. On comprend leur stupeur, pour ne pas dire leur désarroi, à l’annonce des résultats, qui mettaient un coup d’arrêt aux rêves de victoire. Pour faire bonne figure, il fallait trouver une explication qui, naturellement, ne devait mettre en cause ni le parti, ni son fonctionnement. Ce furent donc les électeurs qui portèrent le chapeau. Ceci rappelait un petit côté Berthol Brecht, qui, constatant l’échec du Parti Communiste, proposait de « dissoudre le peuple » qui n’avait pas réagi comme il aurait dû le faire…

Dans l’esprit de ces bonnes âmes, il apparaissait impensable que leurs électeurs les aient abandonné, persuadés qu’ils étaient d’avoir tout fait pour eux. Ne s’étaient-ils pas dédiabolisés, lissé toutes leurs aspérités, châtié les comportements non politiquement corrects, écarté tous ceux qui n’étaient pas « dans le droit-fil » de la pensée aseptisée, sésame incontournable devant ouvrir la porte de l’Élysée ?

Seule explication possible : ils avaient simplement oublié d’aller voter.

D’où la remontrance à peine voilée : on passe l’éponge pour ce soir, mais gare à vous si vous récidivez dimanche prochain ! On peut douter de l’efficacité…

Une autre approche eut été possible, celle de la prise en compte de la situation. Une sorte de « je vous ai compris » il est vrai peu usitée car porteuse de trop mauvais souvenirs. Hypnotisés par les mauvais chiffres, il était plus simple de comparer les résultats à ceux de 2015 afin de se persuader que rien n’était joué et qu’il suffisait de faire voter l’électorat d’il y a six ans pour rétablir la situation.

De Gaulle disait « qu’il n’y avait pas de pire déformation de l’esprit que de voir les choses non pas telles qu’elles sont, mais telles qu’on voudraient qu’elles soient ».

Les autres partis ne sont pas mieux

Les autres mouvements politiques auraient cependant tort de se réjouir. Leur santé n’est pas meilleure.

Sur le papier, certains remportent des succès quasi-inespérés, mais ce qui vaut pour le RN est également valable pour eux. Aucun ne réalise une percée mémorable et abstentionnisme semble avoir sévi d’une façon uniforme. Cela n’affecte pas les pourcentages, car personne ne veut se hasarder à remarquer que, une fois pondérés par l’effet de l’abstention, les chiffres des suffrages exprimés sont tellement bas que se pose en filigrane le problème de la démocratie. Un seuil quelquefois inférieur à 10% peut-il légitimement permettre d’exercer le pouvoir sur une collectivité ?

Il est toujours possible d’interpréter notre Constitution en disant qu’il n’existe pas de nombre d’électeurs requis, et que seul le critère majoritaire est à prendre en compte, la réalité se manifestera tôt ou tard. Notre Constitution ne permet pas, (pas plus que tout autre texte ayant reçu l’approbation de l’immense majorité des Français, ce que de Gaulle évoquait en demandant « un OUI massif ») de gouverner sans une réelle adhésion populaire.

On peut, bien sûr, jouer le cynisme des textes, mais pour combien de temps ?

L’abstention, signe avant-coureur du soulèvement ?

La désaffection de nos concitoyens pour la chose politique ne signifie pas qu’il ne se préoccupent pas de l’avenir de la France. Bien au contraire, ils manifestent de plus en plus de doutes sur la capacité des dirigeants à stopper le déclin de la France. Ils ne leur font plus confiance et sont de plus en plus nombreux à l’exprimer. Ils ne veulent plus des discours creux et lénifiants et ne pardonnent pas les trahisons qu’ils ont subi depuis tant d’années. La confiscation du référendum de 2005, supplantée par le tour de passe-passe du traité de Lisbonne de 2008, leur à montré combien le peuple était quantité négligeable et comment on pouvait le duper. Ceux qui ont fait cela devront tôt ou tard rendre des comptes.

Pendant des décennies, on leur a vendu que l’avenir de la France passait par l’intégration européenne, elle-même appartement témoin de la mondialisation heureuse. La majorité d’entre-eux n’y croient plus.

Revenir au fonctionnement « normal » de la Véme République

L’acte majeur est l’élection présidentielle. On dit souvent que cela doit être une rencontre entre le peuple et la personne qu’il choisira pour diriger le pays. Ce ne peut-être qu’une relation de confiance établie entre les deux, sans intermédiaire. En interposant les partis, cela a faussé cette relation. Certains d’entre eux, comme le RPR, renommé UMP (signifiant au départ Union pour une Majorité présidentielle) avant de devenir LR, ayant perdu par deux fois les élections présidentielles, ne trouvent leur cohésion interne que dans l’exercice du pouvoir qui, seul, empêche leur éclatement.

Or, la confiance donnée doit être périodiquement renouvelée, et cette seconde forme de souveraineté du peuple est fondamentale. N’en déplaise aux théoriciens, souvent nostalgiques de la IVe République, ce pouvoir doit être capable de supporter cette remise en question.

La majorité des Français attendent une perspective

Trop d’éléments inquiétants se sont accumulés ces dernières années. Beaucoup de questions, pourtant fondamentales, restent sans réponses. Or, ces réponses sont impératives et de simples pirouettes oratoires ne suffiront pas. La campagne présidentielle qui s’ouvre maintenant sera l’Agora prédestinée pour voir apparaître de nouvelles perspectives et probablement de nouveaux visages qui sauront, au travers des idées qu’ils incarneront, redonner au peuple français sa confiance en lui-même et en son propre destin.

Chaque fois que la France s’est trouvée menacée dans son existence même, les Français ont toujours su trouver en eux-mêmes les hommes et les moyens nécessaires pour faire rebondir ce pays.

Il en sera de même dans les prochains mois.

***

Les auto-critiques médiatiques : Profitez-en ça ne va pas durer

C’est fascinant de suivre le bla bla bla de ceux qui dans les médias n’en finissent pas de s’étonner de l’abstention et des résultats des régionales (pour combien de temps, bientôt ils auront tout oublié) et ils se prendront encore pour ceux qui savent… Disons donc quelques faits comme ça en vrac avant qu’ils referment la parenthèse…

LREM, LE PARTI AU POUVOIR, RÉCOLTE 11% DES SUFFRAGES EXPRIMÉS ET DONC SEULEMENT 3% DES ÉLECTEURS INSCRITS : C’EST UN GROUPUSCULE, UNE SECTE AVEC SON GOUROU ERRATIQUE.

Et Il n’est pas le seul, tous les battus, tous les élus sont les produits de cette situation qui veut qu’un tout petit tiers du pays joue les pitres en racontant n’importe quoi, tandis que les deux tiers continuent à vaquer à leurs occupations « parce que, selon eux, ce que racontent les premiers n’a aucun sens et qu’ils sont convaincus que dire qu’ils sont pour ou contre n’aura aucune incidence. Il n’y a personne en fait pour les représenter et celui qui accepte de jouer à ce jeu là ne peut le faire que par vénalité, parce que ça lui rapporte ». Telle me parait être l’opinion largement partagée : il est clair que l’incurie du pouvoir actuel, de ceux qui se succèdent depuis pas mal d’années pour que se dégrade de plus en plus la vie de la majorité ruisselle abondamment sur l’ensemble de la vie politique…

Les Médias s’ébaudissent et la presse internationale s’étonne de la radicalité du désaveu français.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Certes il y a quelques jalons repérables, dont il n’est jamais question comme le fait d’avoir voté contre une constitution européenne que droite et « gauche » nous ont imposée malgré notre vote… Des millions de personnes sont descendues dans la rue pour refuser la destruction du code du travail, des retraites et ce depuis des années et que ceux qui sont élus,les médias méprisent leur protestation… et justifient la répression, les violences… À peine sortis de l’épidémie, Macron s’interroge faut-il réouvrir les discothèques et dans la foulée remettre sur le tapis les retraites ?

Alors que signifie le vote ? Cela ne veut pas dire que les abstentionnistes sont indifférents mais qu’ils ne croient plus que ces institutions, ces individus là débouchent sur quelque chose. Alors les médias s’interrogent comment dire ce désir de Révolution sans rien changer, en poussant encore et toujours dans le même sens ?

Fascinant de voir à quel point les complicités les mieux établies entre médias, éditorialistes, institut de sondage, chefs de partis, ministres, experts sociologues, politologues sont invités à faire amende honorable. Le temps d’une abstention record et du faible score de ceux dont on n’arrêtait pas de parler… Fascinant aussi de voir à quel point ils recommencent, le thème de la région qui ne fait pas recette par exemple devient pour certains déjà un argument supplémentaire pour créer de vrais landers à l’allemande toujours plus intégrés à l’Europe. Et leur démonstration pourtant n’a qu’un but préserver la macronie en faillite, tout ramener à la future présidentielle… Vendus aux girondins pour défendre un pouvoir jacobin impérial la clé de voute de leur propre raison d’être.

Même constat en ce qui concerne la manière dont on a besoin des partis tout en cherchant des chefs émancipés de cette nécessité…

Le Nouvel Observateur découvre ce que j’ai tenté de vous décrire depuis des mois : l’anomie, ce concept sociologique qui décrit l’incapacité à œuvrer ensemble dans une société pourtant de plus en plus dépendante de la division du travail… Mais le Nouvel Observateur, ce noble journal du consensus autour des idées reçues médiatiques, celui qui invente des investigations autour des fakes livrés clés en main par les États-Unis n’est rien d’autre que le reflet de cet électorat de nantis mondains qui peut voter pour les écologistes, pour Macron, pour la droite, pourvu que l’on ne touche ni au capital, ni à l’atlantisme, ni à l’UE et que le sociétal soit le ralliement d’une gauche qui n’a plus d’autre raison d’être que faire semblant d’avoir peur du Rassemblement national.

Fascinant de découvrir combien chacun se la joue « clientèle » et invente le peuple français … Cette méconnaissance, vous happe à partir du moment où vous approchez les « institutions ». D’où le caractère essentiel de ce qui a été tenté par Fabien Roussel même si c’est une amorce que le terrain électoral pourrit plus qu’il n’aide, il s’est passé quelque chose de novateur mais voyez déjà comme les parasites s’emploient à étouffer le renouveau en se faisant passer pour des révolutionnaires mécontents…

L’effet village Potemkine est partout pas seulement dans le bla bla médiatique… Partout cette illusion d’avoir une prise sur ce qu’on ignore et cette distance entre le vécu de millions d’individus et l’interprétation va au-delà du pouvoir en place… C’est le propre de l’idéologie de la classe dominante qui a l’État, sa force répressive, ses appareils idéologiques pour nous inventer une réalité, une interprétation de celle-ci qui fasse consensus.

C’est pourquoi la Révolution a besoin d’un parti qui ne s’adapte pas au consensus mais produise sa propre analyse, ses propres actions pour leur donner corps et pas de dames patronnesses ou de gens cherchant à se fabriquer une clientèle dans le consensus ambiant avec un supplément d’âme. Honnêtement qui a entendu parler des communistes dans la rencontre du joyeux trio de l’île de France : les verts, le PS et la France insoumise ? Une merveilleuse alternance dans laquelle il faut bien changer quelque chose pour que tout reste à l’identique…

C’est en effet ce parti communiste porte-voix de ceux qui ont renoncé à donner la leur que l’on s’est employé à détruire depuis 30 ans.

Cette destruction est aussi profonde que celle qui existe entre l’ensemble des institutions républicaines et le peuple, là aussi le personnel politique a changé… Les Illusions dans lesquelles baignent les militants communistes sont les mêmes que celles de l’ensemble des force politiques et le retour au terrain, celui de l’entreprise est incontournable mais là où elle est le plus prégnante est sur les questions internationales qui pourtant ont une incidence grandissante, ne serait-ce qu’à travers la guerre et la paix, la souveraineté des décisions. (1)

Notes:

  1. J’ai essayé de comprendre pourquoi les militants communistes ne prétendaient mener de campagne internationales qu’en faveur de la Palestine et il était si difficile de les mobiliser pour Cuba. Il y a certes le secteur international, son incurie totale, son atlantisme de fait… Mais cela ne peut perdurer que sur les illusions des militants, des jeunes en particulier. Disons tout de suite que ce combat pour la Palestine n’est même pas mené. Il est aussi difficile de mener un combat avec un contenu comme la libération de Barghouti, l’exigence de négociations que de mener un combat contre le blocus de Cuba. il n’y a pas d’objectifs, simplement on pense toucher les prolétariats que l’on n’atteint pas celui des cités, celui des centres prolétarisés… « les immigrés »… On semble ignorer à quelle point Cuba jouit d’un assentiment universel… Distribuez un tract sur Cuba dans une de ces cités auprès des populations que vous ne savez plus comment aborder et vous découvrirez le respect universel dont les communistes cubains jouissent et combien les communistes français ont intérêt à se recommander d’eux et même de la Chine, voir de la Russie… Malheureusement tous les peuples du Moyen-Orient ou plutôt leurs dirigeants ne jouissent pas du même capital de sympathie. Faites cette expérience… on semble ignorer l’importance de l’immigration des latinos en France, et non seulement les communistes ne s’intéressent pas à Cuba mais ils ne s’intéressent pas plus à ce qui se passe au Venezuela, en Colombie et dans toute l’Amérique latine comme le reste du monde…

Source: Danielle Bleitrach - Histoire et société


- Source : Minurne Résistance

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