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Vendredi, 19 Avr. 2024

La France est le seul pays à criminaliser les appels au boycott d’Israël

Auteur : Nadir Dendoune | Editeur : Walt | Mardi, 16 Mars 2021 - 11h03

Olivia Zémor, directrice de publication d’« EuroPalestine », est convoquée devant le tribunal de Lyon ce mardi 16 mars pour avoir relayé sur son site les actions du collectif 69 Palestine. En 2015 et 2016, les militants de ce collectif lyonnais ont mené des actions dans la ville appelant au boycott du géant pharmaceutique israélien TEVA.

Olivia Zémor (image ci-contre) est poursuivie pour diffamation publique envers TEVA et discrimination à l’égard de la nation israélienne.  Elle a accepté de répondre à nos questions.

LCDL : Vous êtes poursuivie pour avoir relayé sur votre site EuroPalestine un appel du Collectif Palestine 69 qui demandait à boycotter cette firme pharmaceutique israélienne. Cela-vous surprend-il ?

Olivia Zémor : Je suis étonnée car le fabricant israélien de génériques TEVA est l’objet depuis quelques années d’une campagne internationale de boycott et qu’elle n’a engagé de poursuites dans aucun autre pays que la France.

Comment l’expliquez-vous ? 

La France est le seul pays au monde à criminaliser celles et ceux qui appellent au boycott des produits israéliens. Il y a eu d’abord la circulaire Alliot-Marie. Le 12 février 2010, la garde des Sceaux de l’époque, demande aux parquets d’engager des poursuites contre les personnes appelant, ou participant, à des actions de « boycott » des produits israéliens.Fort heureusement, le 11 juin 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt rappelant à la justice française que condamner pénalement les partisans du boycott est une atteinte à la liberté d’expression. On croyait donc l’affaire réglée. C’était sans compter la nouvelle circulaire d’Eric Dupont-Moretti. Le 20 octobre 2020, le ministre de la Justice a demandé aux procureurs et présidents de tribunaux de condamner les appels au boycott de produits israéliens, pour cause de « discrimination à l’égard d’une nation ». La France montre à nouveau que les pressions du lobby israélien l’emportent chez nous sur le respect du droit international. C’est grave.

Que reprochez-vous à TEVA ? 

Par son apport financier à l’État d’Israël, ce géant pharmaceutique contribue au financement des opérations militaires à Gaza et au développement de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, au mépris des droits du peuple palestinien et des résolutions internationales, en toute impunité ! Appeler à son boycott est donc nécessaire.

Vous parlez également d’un chantage à l’antisémitisme. Que voulez-vous dire par là ? 

Eric Dupond-Moretti ne demande pas seulement aux magistrats de nous condamner pénalement, il souhaite aussi nous infliger des “stages Shoah”. On voit bien ici l’amalgame qui est fait entre la défense légitime des droits des Palestiniens et l’antisémitisme qui est un délit et qu’il faut combattre. C’est la politique coloniale d’Israël qui engendre l’antisémitisme et qui met en danger les juifs de tous les pays. Avec leurs méthodes, nos gouvernants auraient fait condamner Mandela, Martin Luther King et Gandhi pour avoir eu recours au boycott ! Parlent-ils de discrimination concernant les appels au boycott d’autres pays, quand il s’agit de la Chine, de la Russie ou de l’Iran ? Certainement pas.

Êtes-vous confiante ? 

Oui. Ce n’est pas la première fois que je suis poursuivie pour les mêmes faits. Notre association EuroPalestine a répondu présente depuis le début à l’appel BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) de la société civile palestinienne qui a démarré en 2005. Comme je suis sa présidente, j’ai été poursuivie à plusieurs reprises pour le boycott des produits exportés par Israël. J’ai été à chaque fois relaxée. Et puis, je crois en la justice de mon pays. Les magistrats lyonnais sont capables de ne pas se laisser dicter leurs décisions par un gouvernement qui oublie que la justice française est indépendante. Ils sont capables de se rendre compte que s’il y a ici une “nation discriminée”, ce n’est pas la nation israélienne, mais bel et bien la nation palestinienne, dépossédée, emmurée et privée de toute liberté depuis des décennies. A Paris, un rassemblement a été organisé le samedi 13 mars à 14h devant le ministère de la Justice à Paris, Place Vendôme.

***

« Palestine : soutien à BDS », par Badia Benjelloun

Liste des marques à boycotter

Apartheid

Si l’actuel ministre de l'(In)Justice déclare vouloir interdire la lutte des militants BDS au prétexte que cette campagne est discriminante vis-à-vis d’un Etat, alors il a raison quant au motif allégué mais tort quant à la conclusion qu’il en tire. En effet, il s’agit de mettre à l’index et de mettre au ban un système qui revendique explicitement la pratique de l’apartheid. D’ailleurs, il ne s’agit pas de n’importe quel apartheid. Celui du régime sioniste exclut les habitants autochtones de la terre palestinienne non seulement de sa sphère publique mais de plus il rétrécit de jour en jour l’espace géographique qu’il leur concède.

Les militants BDS veulent même plus que cela

Ils espèrent faire adopter par l’ONU une campagne analogue à celle menée contre le régime d’Afrique du Sud en 1962. A cette date, l’Assemblée Générale des Nations Unies avait adopté la résolution (non contraignante) 1762 qui recommandait d’imposer toutes sortes de sanctions, en particulier économiques, culturelles, universitaires et sportives pour contraindre un système raciste à abolir la relégation des Africains dans des îlots péri-urbains, les bantoustans. La stratégie du mouvement anti-apartheid a consisté à peser sur l’opinion publique pour isoler un pays qui a adopté le ‘racisme’ comme un principe de gouvernement. La lutte du peuple sud-africain, appuyée par le soutien international de nombre de partis, de syndicats, d’associations et de personnalités a fini par abolir le système infamant institué par le régime de Pretoria. Par exemple, la Campagne mondiale contre la collaboration militaire et nucléaire avec l’Afrique du Sud a été d’un grand apport pour le succès de l’embargo sur les armes contre l’Afrique du Sud.

C’est exactement ce que veulent et revendiquent les militants de la campagne BDS, ostraciser et bannir de la communauté internationale le régime de Tel Aviv qui a tout le soutien des puissances occidentales, lesquelles ont eu tant de peine à condamner en son temps le régime raciste d’Afrique du Sud.

Apartheid mais pas seulement…

En effet, Tel Aviv ne se contente pas de cantonner les Palestiniens de la Cisjordanie en leur interdisant de rejoindre le territoire de la Palestine de 1948 devenu Israël. Dans ce territoire émietté, enserré par un mur qui l’empiète, ce régime institue des check points militaires fixes et mobiles, entravant la libre circulation des Cis-Jordaniens. Il détruit des maisons, des récoltes et jour après jour, déclare des zones entières d’intérêt militaire pour les annexer dans un second temps en y faisant construire des résidences pour les Juifs de la partie israélienne.

Les soldats de son armée humilient. Ils détruisent infrastructures et écoles. Les programmes scolaires enseignent à leurs enfants que le monde entier ou presque est antisémite et que les Palestiniens, désignés sous le nom générique d’Arabes ou de Musulmans, sont par essence terroristes. Il leur rationne l’eau et oblige ce qui sert d’Autorité palestinienne à collaborer pour livrer les opposants, les emprisonner ou les éliminer physiquement par des assassinats. Il emprisonne. Hommes, femmes et enfants. Pas une famille qui n’ait ou n’ait eu un prisonnier enfermé dans des geôles insalubres, éloignées de son lieu de résidence pour accroître la difficulté des visites, où les soins médicaux sont refusés et où toutes sortes de sévices et de tortures sont la règle.

Quant à Gaza, ses habitants subissent un blocus illégal du point de vue du droit international depuis maintenant quatorze ans. Plus de 40% de sa population y vit en dessous du seuil de pauvreté, chômage et paupérisation sont un effet direct de ce crime exercé sur une population désarmée.

La discrimination des racistes colonialistes est un devoir

Alors, oui, les militants BDS ont le droit et le devoir de faire campagne pour discriminer un régime qui discrimine, vole, emprisonne et tue sans la moindre réaction de la ‘communauté dite internationale’, celle admise par les Etats les plus puissants de la planète. C’est leur devoir et leur honneur hautement revendiqué.

Il est étrange qu’un ministre d’un gouvernement européiste au point que le drapeau marial bleu à étoiles jaunes est placé devant le drapeau national dans les lieux publics, ignore le principe de subsidiarité institué par le traité de Maastricht en 1992 et réaffirmé en 2009 avec le traité de Lisbonne. Ce principe affirme qu’en matière de législation, il faut réserver à l’échelon supérieur (l’Union européenne) uniquement ce que ne pourrait effectuer l’échelon inférieur (les pays membres de l’Union européenne) que de manière moins efficace.

Nous ne sommes pas des fétichistes du droit bourgeois, qu’il soit national ou international, puisqu’il est le plus souvent rédigé par et pour les puissants. Néanmoins, nous pouvons saisir et retourner cette arme contre les institutions subalternes. En la matière, l’obligation de faire respecter les règles imposées par la Convention de Genève concernant le devoir de protection d’un peuple sous occupation militaire par l’occupant s’impose à tout pays et singulièrement à chacun des pays membres de l’UE. Le respect des Droits de l’Homme, inclus dans toutes les chartes adoptées par la majorité des Etats et des fédérations d’Etats, bafoué par le régie de Tel Aviv, est un impératif qui s’impose à l’Union européenne qui a toute latitude pour faire appliquer le principe de subsidiarité.

Les violations du droit international par Israël sont patentes, elles sont rapportées par les délégués de l’ONU à chaque fois qu’ils sont dépêchés pour les constater. Seul le commettant les conteste.

Protestation non violente

Les militants de BDS comprennent parfaitement le rendu de la Cour européenne des droits de l’homme du 11 juin 2020. Ils ont trouvé dans la décision de la CEDH qui interdit de poursuivre les militants BDS un argument pour poursuivre leurs actions anti-racistes et anti-apartheid. Poursuivre ces militants, les harceler, criminaliser leur action revient à restreindre abusivement la liberté d’expression. Il est paradoxal de poursuivre pour discrimination des citoyens européens qui luttent justement contre un Etat qui professe ouvertement sa discrimination envers les Palestiniens.

Quand la défense d’un peuple opprimé par des moyens tout à fait non violents et compatibles avec la démocratie à l’occidentale est réprimée, il faut se résoudre à interpréter cette option comme un encouragement à une lutte violente. Bientôt, il deviendra nécessaire pour les militants épris de justice d’organiser des Brigades Internationales armées à envoyer en Palestine occupée pour empêcher les exactions de l’armée d’occupation.

Cette obstination du gouvernement français à défendre l’indéfendable régime de l’apartheid est aussi un signal pour les Palestiniens de reprendre les attentats du désespoir puisque c’est la seule arme qui leur reste, une fois épuisés les recours devant les instances juridiques internationales. Est-ce bien cela que veut ce gouvernement incapable par ailleurs de mener à bien une lutte contre une épidémie et une campagne de vaccination ?

Il est vrai que la France en continuant d’occuper militairement une bonne partie de l’Afrique francophone ne peut pas donner des leçons d’anticolonialisme à l’un de ses plus fidèles partenaires économiques et stratégiques dans ses entreprises impérialistes comme le régime de Tel Aviv.

Badia Benjelloun


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