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Samedi, 26 Juill. 2025

Retailleau, Bayrou et Macron d’accord pour abîmer toujours plus les institutions

Auteur : Edouard Husson | Editeur : Walt | Vendredi, 25 Juill. 2025 - 14h11

Le spectacle donné par Emmanuel Macron et Bruno Retailleau est pathétique. Il est un crime contre les institutions. Un ministre de l’Intérieur qui critique le président de la République devrait être sanctionné immédiatement par le Premier ministre. Un président qui critique un de ses ministres en Conseil des Ministres devrait se voir remettre sa démission par le Premier ministre. Tels deux naufragés qui s’accrochent au petit bout d’embarcation qui leur reste, Macron et Bayrou repoussent comme ils peuvent l’assaut d’un troisième qui aimerait les noyer tous les deux en poursuivant le fol espoir que les quelques planches qui restent du radeau lui permettront de gagner la côte. En deux siècles et demi la France aura essayé une petite dizaine de constitutions. A chaque fois, les hommes n’ont pas été à la hauteur. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une mise en cause fondamentale de nos conceptions politiques.

Le mépris profond que m’inspire Bruno Retailleau me conduit à être laconique le concernant. Je n’ai pas oublié son soutien, comme président du groupe des Républicains au Sénat, à la répression des Gilets Jaunes; ni l’insensibilité de cet homme qui se dit chrétien au malheur des Palestiniens. Le pire est sans aucun doute le « péché contre les institutions » qu’il a commis en s’attaquant au président de la République alors qu’il est membre du gouvernement.

Rappelons le bon sens de Jean-Pierre Chevènement: « Un ministre, ça ferme sa g….ou ça démissionne! ».

La pathétique bataille de polochons gouvernementale

Dans le chapeau de cet article, j’utilisais l’image de naufragés se disputant un bout de radeau. Mais spontanément je ramène tout à une chamaillerie et une bataille de polochons.

C’est la fin d’une certaine idée de la France, que le Général de Gaulle avait voulu pérenniser en mettant à disposition de ses successeurs les institutions d’une république revigorée, ayant retrouvé les origines politiques romaines de notre nation.

Nous avons assisté à une lente baisse du niveau chez les successeurs. Pompidou, déjà, avait voulu rabaissé la fonction présidentielle en instaurant le quinquennat. Valéry Giscard d’Estaing avait théorisé la cohabitation; Mitterrand et Chirac s’y vautrèrent. Puis, par le jeu borné de calculs à courte vue, Valéry Giscard d’Estaing, toujours lui, Jacques Chirac et Lionel Jospin s’entendirent pour réaliser le quinquennat souhaité par Georges Pompidou.

Me reviennent à l’esprit les vers foudroyants que Victor Hugo met dans la bouche de Ruy Blas s’adressant aux indignes héritiers du Siècle d’Or espagnol:

« Bon appétit, Messieurs! »

Tirade de Ruy Blas, dans Ruy Blas de Victor Hugo (Acte III, Scène 2) :

Ruy Blas, premier ministre du roi d’Espagne, surprend les conseillers du roi en train de se partager les richesses du royaume.

Depuis quelques instants, Ruy Blas est entré par la porte du fond et assiste à la scène sans être vu des interlocuteurs. Il est vêtu de velours noir, avec un manteau de velours écarlate ; il a la plume blanche au chapeau et la toison d’or au cou. Il les écoute d’abord en silence, puis, tout à coup, il s’avance à pas lents et paraît au milieu d’eux au plus fort de la querelle.

Ruy Blas, survenant.
Bon appétit ! messieurs ! —
(Tous se retournent. Silence de surprise et d’inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face).


Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
— Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur,
Tout s’en va. (…)
Quel remède à cela ? — L’état est indigent ;
L’état est épuisé de troupes et d’argent ;
Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères !
Et vous osez ! … — Messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, — j’en ai fait le compte, et c’est ainsi ! —
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu’on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d’or !
Et ce n’est pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! … —
Ah ! j’ai honte pour vous ! — Au dedans, routiers, reîtres,
Vont battant le pays et brûlant la moisson.
L’escopette est braquée au coin de tout buisson.
(…)
Tout se fait par intrigue et rien par loyauté.
L’Espagne est un égout où vient l’impureté
De toute nation. — Tout seigneur à ses gages
A cent coupe-jarrets qui parlent cent langages.
Génois, Sardes, Flamands, Babel est dans Madrid.
L’alguazil, dur au pauvre, au riche s’attendrit.
La nuit on assassine et chacun crie : à l’aide !
— Hier on m’a volé, moi, près du pont de Tolède ! —
La moitié de Madrid pille l’autre moitié.
Tous les juges vendus ; pas un soldat payé.
Anciens vainqueurs du monde, Espagnols que nous sommes
Quelle armée avons-nous ? À peine six mille hommes.
(…)
— Voilà ! — L’Europe, hélas ! écrase du talon
Ce pays qui fut pourpre et n’est plus que haillon !
L’État s’est ruiné dans ce siècle funeste,
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !
Ce grand peuple espagnol aux membres énervés,
Qui s’est couché dans l’ombre et sur qui vous vivez,
Expire dans cet antre où son sort se termine,
Triste comme un lion mangé par la vermine !
— Charles-Quint, dans ces temps d’opprobre et de terreur,
Que fais-tu dans ta tombe, ô puissant empereur ?
Oh ! Lève-toi ! Viens voir ! — Les bons font place aux pires.
Ce royaume effrayant, fait d’un amas d’empires,
Penche… Il nous faut ton bras ! Au secours, Charles-Quint !
(…)
Hélas ! Ton héritage est en proie aux vendeurs.
Tes rayons, ils en font des piastres ! Tes splendeurs,
On les souille ! — ô géant ! Se peut-il que tu dormes ? —
On vend ton sceptre au poids ! Un tas de nains difformes
Se taillent des pourpoints dans ton manteau de roi ;
Et l’aigle impérial, qui, jadis, sous ta loi,
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans leur marmite infâme 

Remplacez « Espagne » par « France »; et « Charles-Quint » par « De Gaulle », ce n’est pas mal vu, non?

Vers une crise institutionnelle majeure

Depuis que les révolutionnaires français ont décidé, contre la volonté de la majorité des Français de l’époque – c’est une histoire sur laquelle je vais revenir cet été – de saccager la monarchie constitutionnelle du 14 septembre 1791, notre pays a essayé une petite dizaine de constitutions.

A chaque fois, les hommes n’ont pas été à la hauteur. Les terroristes de la Première République ont accouché des Directeurs corrompus. Bonaparte Premier consul et créateur de la France moderne n’a pas survécu à ses guerres sans fin. Louis XVIII et Charles X, qui avaient pris leur frère Louis XVI de haut, depuis l’émigration, et l’avaient poignardé dans le dos par le Manifeste de Brunswick publié contra sa volonté, ont été incapables de rétablir une monarchie durable. Louis Philippe, le roi bourgeois, n’a pas tenu plus de quelques heures face à l’émeute de 1848. La IIIème République a commencé dans l’abomination du bain de sang des Communards et fini dans la capitulation. La IVème République a tourné à la farce: chassant de Gaulle pour le rappeler une décennie plus tard.

De Gaulle avait donné, enfin, des institutions stables au pays. Mais, comme il le disait dès 1958: ‘Tout dépendra des hommes ». Effectivement, une République à la merci d’individus tels que Macron, Bayrou ou Retailleau ne peut que s’envaser toujours plus dans la médiocrité.

C’est toute notre conception de la politique qu’il va falloir repenser. Voilà un sujet qui va nous occuper une bonne partie de l’été!


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