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Samedi, 26 Juill. 2025

Macron-Merz: un duo parfaitement soumis aux Etats-Unis

Auteur : Edouard Husson | Editeur : Walt | Vendredi, 25 Juill. 2025 - 11h55

Emmanuel Macron et Friedrich Merz se rencontrent ce mercredi 23 juillet au soir à Berlin. Les médias ont encore le réflexe de s’interroger sur l’avenir d’une entente qui…. appartient au passé. Surtout, les deux hommes personnifient, chacun à sa manière, la soumission de l’Union Européenne aux Etats-Unis. Pendant des décennies, les milieux dirigeants français ne juraient que par le « modèle allemand ». Plus les années ont passé, plus il s’est agi d’un modèle de soumission. Les dirigeants français n’ont jamais arrêté de copier l’Allemagne, finissant par exalter la soumission qu’elle incarnait.

La grande taille de Friedrich Merz ne doit pas tromper: l’homme est un faible, un soumis. Quand Angela Merkel lui a fait obstacle, au début des années 2000, il a quitté la politique; et il n’y est revenu que lorsque le déclin de la « Dame de Fer » allemande avait commencé. Et qu’a fait Merz quand il n’était plus en politique? Il est allé travailler chez BlackRock, permettant au fonds d’investissement bien connu de mettre toujours plus la main sur le capitalisme industriel allemand.

Si vous cherchez à comprendre pourquoi l’Allemagne a été incapable de s’opposer aux Etats-Unis et empêcher la guerre d’Ukraine, eh bien vous regardez la pénétration du capitalisme financier américain dans les grandes entreprises industrielles allemandes. L’intérêt de l’industrie allemande était qu’il n’y ait pas de rupture germano-russe. Les grands actionnaires en ont décidé autrement. Nous décrivons en détail ce qui s’est passé, avec Ulrike Reisner, dans un ouvrage déjà publié en anglais et en allemand et dont la version française paraîtra fin août.

L’Allemagne comme modèle de soumission

Ce matin, Nicolas Bonnal m’a envoyé un article corrosif de Constantin von Hoffmeister, qui présente l’Allemagne, comme un modèle de soumission/

Internet était censé libérer la parole, mais en Allemagne, il n’a fait que rendre la censure plus systématique. L’article 130 du code pénal — la principale disposition relative aux « discours de haine » — englobe désormais (…) de larges catégories de « discours incendiaires », où l’immigration, l’identité et la politique mémorielle sont souvent dans le collimateur. Les chiffres sont kafkaïens: des dizaines de milliers de publications signalées en vertu de la loi relatives aux réseaux sociaux (…)

Les trains ne circulent plus à l’heure, voire ne circulent plus du tout. Le système ferroviaire allemand, autrefois symbole de l’efficacité prussienne, est devenu une farce faite de retards, d’infrastructures délabrées et de mauvaise gestion, due à des élucubrations idéologiques. En 2024, seuls 62,5% des trains longue distance sont arrivés à l’heure (définie généreusement comme un écart de six minutes par rapport à l’horaire), tandis que 5% des trains régionaux ont été purement et simplement annulés (…).

Les causes sont systémiques: des décennies de sous-investissement (95 milliards d’euros de retard dans l’entretien), des fantasmes d’électrification motivés par des considérations écologiques (alors que les ponts s’effondrent) et des grèves incessantes amorcée par les syndicats du secteur public qui réclament des augmentations salariales pour compenser l’inflation que leurs propres politiques ont contribué à créer.

Le Deutschlandtakt, un plan directeur pour des liaisons nationales toutes les heures, n’existe que sur des transparents PowerPoint, alors que les gares rurales ferment et que les hubs urbains mal gérés croulent sous la surpopulation. Pourtant, le ministre des Transports tweete à propos de « la signalisation des toilettes neutres en termes de genre » dans les gares, comme si les pronoms pouvaient rattacher les câbles aériens sectionnés. Une nation qui ne peut pas maintenir ses rails en état a déjà perdu le nord. Les voies ne mènent nulle part aujourd’hui, tout comme l’avenir de l’Allemagne.

L’Allemagne se trouve dans un état de souveraineté suspendue, une anomalie géopolitique où les apparences formelles de l’État masquent des chaînes de contrôle plus profondes. La victoire des Alliés en 1945 n’a pas seulement établi une occupation militaire, mais aussi un réalignement permanent de la conscience politique allemande. Ce qui a commencé comme une dénazification s’est transformé en quelque chose de bien plus insidieux: la suppression systématique de toute volonté d’action nationale. La République fédérale d’Allemagne, malgré toute sa puissance économique, a toujours fonctionné dans des limites fixées par d’autres.(…)

La présence continue de bases militaires américaines, l’intégration des services de renseignement allemands dans les structures de l’OTAN et l’alignement de la politique économique sur les exigences de Washington indiquent tous une vérité simple. L’occupation n’a jamais pris fin. Elle s’est simplement habillée d’un autre costume. (…)

La fermeture définitive des centrales nucléaires en 2023, associée à la rupture politiquement imposée des liens énergétiques avec la Russie, a laissé l’industrie allemande à bout de souffle. Les prix de l’électricité restent 30% supérieurs aux niveaux d’avant 2022, rendant l’industrie lourde de plus en plus non viable. Le transfert des activités principales de BASF vers la Chine en 2024 n’était que le premier domino; Siemens et Volkswagen ont depuis accéléré leur production offshore. La « transition verte » tant vantée n’a pas abouti à l’innovation, mais à une régression: l’utilisation du charbon a bondi à 25% de la production totale d’énergie, une ironie sinistre pour l’Europe qui se proclame « leader climatique ».

Le taux de fécondité, qui s’élève actuellement à 1,46, garantit que chaque génération successive sera moins nombreuse que la précédente, ce qui soulève des questions fondamentales sur la viabilité démographique à long terme. (…)

La démocratie allemande en 2025 est un théâtre de l’absurde, où l’opposition n’existe que dans des limites strictement imposées. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui recueille 23% des voix, fonctionne comme une soupape de pression contrôlée, une « menace » juste assez importante pour justifier la consolidation du pouvoir, partagé entre les partis traditionnels. Le virage à gauche de l’Union chrétienne-démocrate sous la direction du chancelier Friedrich Merz, l’adhésion du Parti social-démocrate à l’ouverture des frontières et les politiques énergétiques dogmatiques des Verts ont effacé les distinctions significatives. Il n’y a donc plus que deux partis dans l’Allemagne d’aujourd’hui: l’AfD et l’Uniparty (tous les autres).

Voilà de quoi Emmanuel Macron devrait parler à Friedrich Merz. Ou plutôt, les présidents français devraient cesser d’aller voir les chanceliers allemands. Ils devraient les recevoir quand ils viennent à Paris. Et, sinon, quand il s’agit d’aller à Berlin, envoyer leurs Premiers ministres.

Quand la France ne soumet pas l’Allemagne à sa volonté politique, elle se soumet

Le ^point important de l’article de Hoffmeister est l’identification de l’occupation américaine, qui n’a jamais cessé. Dans le livre que nous publions, avec Ulrike Reisner, nous insistons sur la différence fondamentale entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est, l’ancienne RDA: cette dernière s’est libérée du communisme. Elle a obtenu le départ des troupes soviétiques au début des années 1990. En Allemagne de l’Ouest, judsqu’à aujourd’hui, il y a 25 grandes bases militaires américaines. Du fait de la soumission de l’Allemagne de l’Ouest, la République Fédérale est le pays au monde où il y a le plus de bases américaines!

En 1989-1990, François Mitterrand a accumulé les erreurs. L’une d’elles fut de ne pas laisser les troupes d’occupation françaises en Allemagne. L’histoire nous enseigne en effet que l’Allemagne a rarement été un pays souverain. Elle est le plus souvent occupée par d’autres puissances. Et quand les puissances commencent à occuper l’Allemagne, nous le savons depuis au moins le Cardinal de Richelieu (1585-1642), il faut que la France soit parmi les occupants.

Pour des raisons que j’ai détaillées dans un chapitre de mon ouvrage Paris-Berlin: la survie de l’Europe, l’Allemagne a du mal à se penser dans une situation d’équilibre avec ses voisins. Soit elle est dominée, soit elle tend à les soumettre. Actuellement, l’Allemagne de Merkel Scholz et Merz s(‘est complètement soumise aux Etats-Unis mais, par la courte vue de nos dirigeants depuis Mitterrand, elle a soumis la France. Ainsi Friedrich Merz achète-t-il des F35 pour obéir à son maître américain; mais il proclame qu’il va construire « la première armée d’Europe » pour abaisser la France.

La France est une puissance nucléaire, elle a un siège au Conseil de sécurité, elle avait des troupes d’occupation en Allemagne, elle était amie de la Russie. Mais, pour des raisons incompréhensibles, nos dirigeants ont jugé qu’il fallait copier économiquement l’Allemagne, en particulier sa politique monétaire et son refus de la préférence commerciale européenne (dont Maurice allais avait montré la nécessité, dans l’économie mondialisée, dès les années 1970). Le résultat: nous avons renoncé à l’indépendance économique et nous finissons par abandonner notre outil militaire et diplomatique.

Obsédés par le « modèle allemand » en matière d’économie, nos dirigeants n’ont pas compris qu’on ne peut pas prendre un soumis pour modèle, sauf à se soumettre de façon encore pire. Il est temps de sortir de cette spirale délétère.


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