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Mardi, 20 Mai 2025

L'UE menace la Russie d'un embargo commercial total au lieu de sauver sa propre économie

Auteur : Alexandre Lemoine | Editeur : Walt | Mardi, 20 Mai 2025 - 14h05

Alors que la Russie et l'Ukraine ont entamé les premières négociations en trois ans, l'Union européenne a décidé de durcir les sanctions contre Moscou. Bruxelles menace de frapper durement le pétrole, le gaz et le secteur financier. De plus, l'UE envisage même l'option d'un embargo commercial total. Qu'est-ce qui pourrait en résulter? 

La Commission européenne veut abaisser le plafond du prix du pétrole russe et inclure encore plus de navires de la flotte fantôme russe dans la liste des sanctions. Bruxelles a également l'intention d'introduire des restrictions contre les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2. En outre, elle veut renforcer les sanctions contre le secteur financier russe. Auparavant, le Parlement européen a annoncé qu'il avait approuvé une proposition d'augmentation des droits de douane sur les importations de produits agricoles et d'engrais en provenance de Russie et de Biélorussie, le vote devant avoir lieu le 21 mai. 

Le média européen Politico écrit que les autorités de l'Union européenne réfléchissent à l'introduction de droits de douane élevés allant jusqu'à un embargo commercial total. 

L'ambassadeur de Russie en France, Alexeï Mechkov, dans une interview à l'agence de presse russe TASS, a fait remarquer que l'UE devrait sauver sa propre économie au lieu d'essayer d'étouffer l'économie russe. Selon lui, les menaces de nouvelles sanctions de la part de l'UE sont inefficaces. 

Les mesures annoncées ne seront probablement pas douloureuses: l'UE a formulé les principales sanctions sur l'énergie, les finances et les technologies dès 2022-2023, introduisant un nombre record de plus de 13.000 restrictions. Les mesures actuelles seront probablement démonstratives pour soutenir la rhétorique de l'unité. Les nouvelles démarches ajouteront plutôt un poids politique qu'économique, préservant le statu quo. 

Le désir de l'UE d'abaisser le plafond du prix du pétrole russe et d'inclure encore plus de navires de la flotte fantôme dans la liste des sanctions frappera les exportations russes, mais ce seront des difficultés temporaires. Après quelques mois d'adaptation aux nouvelles conditions, tout reviendra à la normale, comme cela s'est déjà produit plusieurs fois avec de telles sanctions. 

"Les sanctions contre 150 pétroliers de la flotte fantôme compliqueront les exportations de pétrole, mais conduiront probablement à une restructuration des chaînes logistiques. De telles mesures ont déjà été introduites auparavant, et la Russie a réussi à s'y adapter", notent les analystes de Freedom Finance Global. 

En ce qui concerne le plafond des prix, depuis son introduction, le pétrole russe coûtait plus cher que le plafond actuel de 60 dollars, mais cela n'empêchait pas la Russie d'expédier son or noir par pétroliers vers l'Inde et la Chine (qui sont les plus gros acheteurs). Par conséquent, même si l'UE décide d'abaisser le plafond des prix à 30 dollars le baril, cela ne changera rien fondamentalement. La Russie pourra s'adapter en redirigeant ses exportations vers d'autres pays et en utilisant des itinéraires logistiques alternatifs. 

En avril 2025, les revenus de la Russie provenant des exportations de combustibles fossiles ont diminué de 6% par rapport au mois précédent, s'élevant à 585 millions d'euros par jour. 

En ce qui concerne les restrictions contre les gazoducs Nord Stream, quelles que soient ces restrictions, elles n'affecteront en rien l'exportation de gaz russe vers l'Europe, puisque les gazoducs ont été sabotés et ne sont pas utilisés. Sur les quatre conduites, une seule reste intacte, mais Gazprom n'a jamais obtenu l'autorisation de l'Allemagne pour l'exploiter. 

En même temps, si l'UE décide d'introduire une interdiction totale d'acheter du gaz russe, elle se mettra des bâtons dans les roues, y compris à sa propre industrie, qui survit déjà difficilement depuis trois ans dans des conditions de prix élevés de l'énergie. Avec le départ du concurrent, le GNL deviendra encore plus cher sur le marché européen. 

L'argent et l'industrie européens fuient notamment vers les États-Unis. L'industrie pétrochimique a été la plus durement touchée. La fuite de capitaux de l'UE en 2023 s'est élevée à environ 300 milliards d'euros. Auparavant, l'UE proposait de renoncer complètement au gaz russe au plus tôt en 2027. D'ici là apparaîtront des volumes supplémentaires de GNL en provenance des États-Unis, du Qatar et d'Australie. 

Malgré la réduction de la dépendance au gaz russe, certains pays, comme la Hongrie et la Slovaquie, continuent de recevoir du gaz par le biais de contrats à long terme. Un embargo total pourrait provoquer une pénurie énergétique et une hausse des prix. 

En introduisant des droits de douane prohibitifs sur les engrais russes et biélorusses, l'UE mettra également ses propres agriculteurs en difficulté. Cela entraînera une hausse des prix alimentaires et une augmentation de l'inflation dans les pays européens. Les plus grandes associations de producteurs agricoles européens Copa et Cogeca tirent la sonnette d'alarme et tentent de convaincre les autorités de reporter l'introduction des droits de douane d'au moins un an. 

Il est curieux que le commerce entre l'UE et la Russie ait fortement chuté ces dernières années, mais qu'au premier trimestre 2025, l'UE augmente ses exportations de gaz russe et d'engrais russes. Les craintes concernant la hausse des prix due au renoncement aux ressources russes moins chères ont conduit à une demande accrue de ces produits. Ainsi, selon les données d'Eurostat, au premier trimestre 2025, l'Europe a acheté près de 30% de gaz russe en plus par rapport à la même période de 2024. Le montant a atteint la barre des 4,5 milliards d'euros. 

En février, l'UE a acheté pour 179 millions d'euros d'engrais, soit 8,5% de plus que le mois précédent. Plus d'un quart de tous les engrais importés dans l'UE proviennent de Russie. La raison en est l'avantage tarifaire, car les engrais russes sont 15 à 20% moins chers que leurs analogues. Le plus gros acheteur d'engrais russes est d'ailleurs la Pologne, malgré toute sa rhétorique antirusse. La Roumanie et la Slovénie ont multiplié par quatre à six leurs achats d'engrais russes. 

Les engrais russes jouent également un rôle important dans l'agriculture européenne. Leur absence pourrait entraîner une baisse des rendements et une hausse des prix alimentaires. Les pertes pour l'UE seront également importantes dans les secteurs de la métallurgie et de la construction mécanique. Selon Eurostat, le volume total du commerce entre la Russie et l'UE a diminué de plus de 40% par rapport au niveau d'avant-crise de 2021. 

En ce qui concerne les restrictions financières, il pourrait s'agir de la confiscation des actifs russes gelés. Cependant, la Commission européenne n'a pas encore trouvé de prétexte juridique pour cela.


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