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Mardi, 20 Mai 2025

Une commission d'enquête accuse l'État de « dissimulation », dans le scandale des eaux minérales

Auteur : France-Soir | Editeur : Walt | Lundi, 19 Mai 2025 - 20h25

Le scandale du traitement illégal des eaux minérales en France, touchant notamment le géant agroalimentaire Nestlé Waters, a fait l'objet d'une "dissimulation par l'État" relevant "d'une stratégie délibérée", indique le rapport d'une commission d'enquête sénatoriale diffusé lundi.

"Outre le manque de transparence de Nestlé Waters, il faut souligner celui de l’État, à la fois vis-à-vis des autorités locales et européennes ainsi que vis à vis des Français" et "près de quatre ans après, la transparence n’est toujours pas faite", souligne le rapport, rendu public après six mois de travaux et plus de 70 auditions.

La commission d'enquête sénatoriale sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille avait été mise sur pied en novembre 2024, près d'un an après des révélations par des journalistes de plusieurs médias (Le Monde, Radio France et Mediapart) concernant le recours à traitements illégaux de l'eau par des minéraliers.

Nestlé Waters, dont la direction assure avoir découvert fin 2020 sur ses sites Perrier, Hépar et Contrex l'usage de traitements interdits pour de l'eau minérale, avait sollicité à ce sujet mi-2021 le gouvernement et la présidence française.

Dix-huit mois plus tard, un plan de transformation des sites était approuvé par les pouvoirs publics, remplaçant les traitements interdits (UV, charbon actif) par une microfiltration fine par ailleurs controversée, car à même de priver l'eau minérale de ses caractéristiques.

Le droit européen stipule en effet qu'une eau minérale naturelle ne peut faire l'objet d'aucune désinfection ou traitement de nature à modifier ses caractéristiques.

"Malgré la fraude aux consommateurs que représente la désinfection de l'eau, les autorités ne donnent pas de suites judiciaires à ces révélations" de 2021, souligne le rapport qui blâme "les échecs de l'interministériel".

Les sénateurs déplorent aussi une "inversion de la relation entre l’État français et les industriels en matière d'édiction de la norme": "Nestlé Waters adopte une attitude transactionnelle, posant explicitement l'autorisation de la microfiltration à 0,2 micron comme condition à l'arrêt de traitements pourtant illégaux".

"En définitive, c'est au plus haut niveau de l'État que s'est jouée la décision d'autoriser une microfiltration sous le seuil de 0,8 micron", note également le rapport.

"La présidence de la République, loin d'être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le dossier" et "savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis des années", assure la commission sénatoriale.

Appellation lucrative

Alexis Kohler, à l'époque secrétaire général de l'Élysée, a lui-même reçu les dirigeants de Nestlé. Interrogé par la presse en février, Emmanuel Macron avait démenti être au courant du dossier.

Parmi les conséquences, l’industriel a pu continuer à commercialiser son eau sous l'appellation -lucrative- d'eau minérale naturelle.

Dans le même temps, à ce jour, il n'y a pas "de vérifications exhaustives de l’absence de traitements interdits sur tous les sites de production d’eau conditionnée", relève le rapport.

La commission, parmi 28 recommandations, préconise un suivi qualitatif des nappes, "un contrôle effectif du niveau de prélèvement réalisé par les industriels minéraliers", un meilleur étiquetage pour les consommateurs.

Aujourd'hui, Perrier attend de savoir si son autorisation d'exploiter la source comme "eau minérale naturelle" sera renouvelée.

Pour l'heure, des hydrogéologues mandatés par l'État ont rendu un avis défavorable.

La préfecture du Gard doit se prononcer d'ici au 7 août et, en attendant, a donné deux mois au groupe pour retirer son système de microfiltration, estimant qu'il "modifie le microbisme de l'eau produite, en contradiction avec la réglementation".

Nestlé dit disposer de solutions alternatives, qu'il souhaite proposer aux autorités.

Globalement, le marché des eaux minérales et de source françaises concerne 104 sites, 11.000 emplois directs et quelques 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, et un lobbying évidemment très proche du pouvoir. 

Un rapport demandé par le gouvernement à l'Inspection générale des affaires sociales, lui aussi révélé par la presse, avait conclu en 2022 que 30 % des marques d'eaux en bouteille "subissent des traitements non conformes".


- Source : France-Soir

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