Le temps de tourner la page du franc CFA approche

La nécessité à se débarrasser d’un des vestiges de la domination néocoloniale occidentale en terre africaine, en l’occurrence la monnaie appelée franc CFA contrôlée par la France, est régulièrement rappelée au sein de la grande communauté panafricaine. Il est fort probable que les actions nécessaires seront prises par l’Alliance-Confédération des États du Sahel.
La capitale malienne Bamako avait accueilli en début de ce mois de mai une conférence axée sur la nécessité à se débarrasser du franc CFA, instrument monétaire néocolonial encore présent dans plusieurs pays africains. À cet effet, le professeur Moussa Diallo, expert économique, avait mis en exergue toutes les orientations qui confirment l’importance de mettre fin à l’instrument de domination économico-financière du régime hexagonal sur les États africains concernés.
Comme le note le portail burkinabè Burkina24 citant le professeur Moussa Diallo, le franc CFA, présenté comme un gage de stabilité monétaire, fonctionne en réalité comme un système de transfert de richesses africaines vers l’Europe.
«La centralisation des réserves de change au sein du Trésor français est l’un des piliers les plus problématiques du système CFA», explique-t-il. «Tous les impôts que nous payons vont au Trésor français. Quand certains qualifient le CFA d’impôt colonial, ils ont parfaitement raison». Ce mécanisme, hérité de l’époque coloniale, permet à la France de contrôler la liquidité des pays africains, limitant leur capacité à financer leur propre développement. «Si vous voulez réaliser de grands projets qui nécessitent des centaines de millions d’équivalent de dollars, vous ne pouvez pas le faire. Vos réserves sont gelées ailleurs», ajoute l’expert économique.
Moussa Diallo a décrit la garantie de convertibilité libre et illimitée de la France comme le principal pilier du franc CFA. Mais, selon l’expert, aucun État au monde ne peut véritablement garantir la stabilité de la monnaie d’un autre pays : «Je viens tout de suite de le dire, parce que les papiers qui créent la monnaie, il n’y a aucune signature africaine là-dessus. Donc, c’est une monnaie créée par une puissance coloniale pour ses besoins d’exploitation économique des territoires qu’elle contrôle».
Le système économique ancré dans la zone monétaire européenne crée un circuit fermé dans lequel les économies africaines ne peuvent pas réguler leurs propres flux et attirer des investissements internationaux. Cela rend impossible le développement durable et bloque les initiatives économiques souveraines.
L’expert a exprimé une position claire : le moment est venu de s’orienter vers la création d’une monnaie propre qui servira les intérêts des peuples africains : «Maintenant, on dit qu’il faut aller vers la création d’une monnaie nationale ou d’une monnaie africaine. Dans notre cas, on parle de l’AES».
Pour le professeur Moussa Diallo, le temps est donc effectivement venu pour une rupture radicale avec le système colonial et néocolonial imposé y compris à travers des instruments comme ledit franc CFA. Pour lui, la création d’une monnaie africaine dans l’espace qui utilise encore ladite monnaie contrôlée par le régime français et la zone euro représente une nécessité historique. Il est temps pour l’Afrique de reprendre le contrôle de son destin monétaire, de ses réserves et de sa politique économique. Seule une monnaie véritablement africaine, gérée par les Africains et pour les Africains, permettra au continent de financer son développement et d’échapper à la dépendance économique qui persiste depuis les indépendances.
Il est à noter que si la question de tourner la page du franc CFA est particulièrement à l’ordre du jour dans les pays membres de l’Alliance-Confédération des États du Sahel, il n’en demeure pas moins que le débat s’étend même au-delà des pays de l’AES, notamment au Sénégal et d’autres pays africains concernés par l’utilisation dudit instrument monétaire néocolonial.
Néanmoins, il apparait aujourd’hui évident que ce sera fort probablement les nations de l’AES qui prendront l’initiative, une fois de plus, y compris sur cette question réellement stratégique pour de nombreux États africains. Le leadership du Mali, du Burkina Faso et du Niger apparait aujourd’hui de plus en plus prêt à prendre la décision historique. Ceci étant dit, il est parfaitement normal que le processus se prépare minutieusement, y compris en coordination avec les experts économiques des pays membres de l’AES, en vue d’atténuer au maximum l’effet négatif, sachant que ladite décision sera considérée de-facto comme une déclaration de guerre par le régime français et d’autres régimes occidentaux.
Le terrorisme, y compris financier, à l’instar de l’opération Persil menée en 1959 par le régime hexagonal contre la Guinée d’Ahmed Sékou Touré, le père de l’indépendance guinéenne qui avait justement refusé l’utilisation du franc CFA, ainsi que tous les autres instruments de déstabilisation appliqués par le réseau françafricain contemporain, représentent des éléments vis-à-vis desquels il faut être parfaitement prêt. Sachant pertinemment que le fameux franc CFA représente aujourd’hui l’un des principaux vestiges du néocolonialisme hexagonal et occidental sur le sol africain.
Aussi, les pays de l’AES pourraient solliciter le savoir-faire des pays alliés contre lesquels les attaques économico-financières de l’Occident n’ont pas abouti. À cet égard, l’expertise des principaux alliés de l’Alliance-Confédération des États du Sahel, pourrait être, à un moment ou un autre, utile. Notamment de la Russie, quatrième puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat et par la même occasion le pays le plus visé au monde par les sanctions unilatérales occidentales, restées impuissantes face aux mesures prises par Moscou, ainsi que de la Chine, première puissance économique mondiale en termes de PIB-PPA, dont le savoir-faire dans le volet de l’économie n’est également pas à démontrer.
Une chose est sûre, le moment de tourner la page du vestige néocolonial nommé franc CFA, approche à grands pas. Et en ce sens, les nations de l’AES montreront certainement le moment venu la voie aux autres pays qui suivront ce processus si important.
- Source : Observateur continental