Recevoir en quelques clics un héritage d’un membre d’une famille qu’on n’a jamais eue, c’est possible. Mais seulement en théorie. En pratique, il s’agit d’une escroquerie qui risque de coûter cher aux utilisateurs d’Internet.

Les experts l’appellent fraude 419, ou plus communément arnaque nigériane. Le nom officiel vient du numéro de l’article du code pénal du Nigéria qui sanctionne sévèrement ce genre de fraude. Selon le laboratoire antivirus Kaspersky, cette pratique est originaire de ce pays d’Afrique, parce que le Nigéria a la triste réputation d’être l’un des pays les plus corrompus du monde. En une vingtaine d’années de dictatures militaires et de chaos, la criminalité a y fortement augmenté, et aujourd’hui, avec la mondialisation, le Nigéria occupe la quatrième place pour le nombre d’opérations illégales avec les monnaies étrangères. Mais depuis une dizaine d’années, avec la croissance de la diaspora nigériane dans le monde, le phénomène est devenu international. Ces réseaux emploient généralement des étudiants originaires des pays pauvres qui s’occupent de l’envoi de spams.

Le Département du Trésor américain estime que cette activité rapporte plusieurs centaines de millions de dollars par an, tandis que le montant moyen extorqué aux victimes s’élevait à 20.000 dollars par personne en 2010.

Inspirée des fameuses lettres de Jérusalem, la pratique actuelle remonte aux années 1980, lorsque les premiers réseaux d’envoi massif de courriers frauduleux par la poste ont été découverts.

Depuis une dizaine d’années, les escrocs envoient des messages électroniques aux victimes potentielles dans le but leur de soutirer de l’argent. Dans ces lettres, une personne affirme posséder une somme d’argent importante (héritage, argent à placer, ou une fortune personnelle) et fait part de son intention de partager cet argent (10% à 40% de la somme) avec le destinataire du message. Si la victime accepte, l’initiateur de la correspondance lui demande d’avancer une somme d’argent (généralement 10 à 30% de la somme qui en jeu) pour couvrir des frais imaginaires (juridiques, pots-de-vin…) et effectuer le transfert. Mais évidemment, une fois que l’argent est reçu, les malfaiteurs arrêtent la correspondance.

Des scénarios fantastiques à l’accent russe

C’est dans les années 2004-2005, que les Internautes russes ont commencé à recevoir des messages selon le même scénario, mais avec un contexte russe. Il faut dire que les auteurs de ces lettres faisaient preuve d’ingéniosité. Très bien informés des réalités russes, ils se faisaient passer pour des ex-porte-paroles de la société pétrolière Ioukos ou pour des entrepreneurs spécialisés dans les nouvelles technologies.

Une lettre qui a fait un tollé en Russie est le récit du cosmonaute nigérian qui a été envoyé sur la station spatiale secrète Saliyut en 1989 et abandonné là-bas. Dans son message, il se plaint que les représentants de l’aérospatiale russe ne veulent pas le ramener sur Terre, faute de moyens. Mais son salaire lui était régulièrement versé dans une banque nigériane au cours de ces années. C’est pourquoi il demande de l’aide pour débloquer cette somme et réunir les fonds nécessaires afin qu’il puisse rentrer.

Un type d’escroquerie semblable, mais avec une volonté de soutirer des sommes moins importantes (moins de 1000 dollars), est devenu répandu dernièrement dans les pays de la CEI. Les victimes sont repérées à l’aide des sites de rencontre ou sur Skype. Les malfaiteurs, représentés généralement par des jeunes filles, entament une correspondance « en vue de former une famille » avec les victimes et leur demandent de virer de l’argent « pour un billet de train » ou l’achat d’une webcam plus perfectionnée. Ces personnes peuvent entrer en contact direct sans masquer leur visage, car des sommes inférieures à 1000 dollars généralement n’entraînent pas de poursuites judiciaires.

Le chantage à la webcam depuis la Côte d’Ivoir?

Un nouveau type d’escroquerie à l’aide d’Internet commence à prendre de l’ampleur depuis plus d’un an en France. Les malfaiteurs guettent leurs proies sur des sites de chat, les poussant à des jeux érotiques avant de les faire chanter. Selon des associations de lutte contre les escroqueries sur Internet, les victimes débourseraient en moyenne entre 200 et 400 euros pour tarir le flot de menaces de publication sur les réseaux sociaux les vidéos des victimes filmées dans des postures intimes. Selon l’AFP, si la branche « cyber » de la police judicaire comptait 600 signalements de ce type en 2011, elle en recensait 2000 en 2012.

Ces nouveaux cyber-escrocs qui harponnent leurs proies dans les pays européens viennent principalement de la Côte d’Ivoire, un pays, où de nouveaux réseaux se sont formés, et où de nombreux cybercafés sont dédiés à cette activité. L’association des victimes des arnaques à la nigériane (Aven Europe) estime que ces escroqueries auraient rapporté aux malfaiteurs environ 5 millions d’euros en 2012.