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Mardi, 16 Sept. 2025

Contrôle du climat et Géo-ingénierie polaire : quand les scientifiques lancent l’alerte

Auteur : France-Soir | Editeur : Walt | Mardi, 16 Sept. 2025 - 13h50

Depuis quelque temps, ce ne sont plus seulement les ONG ou les journalistes qui mettent en garde contre les promesses de la géo-ingénierie. Des scientifiques sérieux, des institutions publiques, et des régulateurs commencent à tirer la sonnette d’alarme. C'est maintenant la géoingénierie polaire dont il est question. Qu’il s’agisse d’éclaircir les nuages marins pour réfléchir davantage de rayonnement solaire, d’augmenter artificiellement l’albédo de la glace, de pomper de l’eau pour la recongeler, de fabriquer des blocs de glace flottants ou encore de construire des digues pour retenir les calottes, attise les convoitises de certains États et industriels. Or, rappellent plus de quarante scientifiques dans une étude publiée le 9 septembre dans Frontiers in Science, ces projets sont écologiquement plus que risqués et financièrement colossaux.

L’idée de modifier ou de contourner les effets du changement climatique à grande échelle — en jouant avec la nature — semble séduisante pour certains, mais beaucoup de chercheurs soulignent que les risques et incertitudes sont largement sous-estimés.

Des techniques déjà utilisées

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la géo-ingénierie n’est pas qu’une hypothèse futuriste. Plusieurs techniques sont déjà testées, voire déployées, et parfois à grande échelle, le plus souvent secrètement.

Aux États-Unis, la start-up Make Sunsets, dirigée par Luke Iseman, a lancé des ballons contenant du dioxyde de soufre (SO₂) dans la stratosphère, dans le but de réfléchir une partie des rayons du soleil — ce qu’on appelle une forme de gestion du rayonnement solaire (Solar Radiation Management, SRM). Et l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a fini par demander des comptes à Make Sunsets, car elle s’interroge sur la légalité, l'impact sur la qualité de l’air, et les implications de ces déploiements.

Encore aux États-Unis, Augustus Doricko, PDG de Rainmaker, une startup spécialisée dans l'ensemencement des nuages s'exprimait devant le Sénat de Floride en mars 2025, expliquant la technologie, sa sécurité, tout en insistant sur la nécessité de la poursuivre sa démarche, afin d'éviter de perdre le contrôle face à des concurrents comme la Chine...

En Chine, des programmes d’ensemencement de nuages sont déjà anciens : l’iodure d’argent est utilisé depuis des années pour stimuler la pluie ou éviter la grêle. Lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, la Chine avait eu recours à cette technique pour disperser les nuages et empêcher la pluie pendant certaines épreuves. La Chine accélère son programme de manipulation du climat avec pour objectif un système d'ensemencement des nuages pour générer pluie ou neige artificiellement qui pourrait concerner plusieurs millions de kilomètres carrés, soit une zone équivalente à la moitié du territoire chinois.

La géo-ingénierie n’est pas seulement un débat théorique. Des acteurs privés ou publics manipulent déjà certains variables naturelles, souvent sans transparence, souvent sans que les populations ne soient pleinement informées des effets possibles, qui plus est, traitant de complotistes ceux qui abordent le sujet. Un seul but, maintenir le contrôle et éviter toute remise en question.

Les scientifiques affirment : nous ne savons pas ce que nous faisons

Malgré ces expérimentations, les experts insistent sur le fait qu’aucun scientifique ne peut aujourd’hui garantir les conséquences réelles des interventions géo-ingénieries à court, moyen ou long terme. Plusieurs arguments reviennent systématiquement :

Rétroactions complexes et effets en cascade : quand on modifie un aspect du système climatique — la couverture des nuages, la quantité de rayonnement solaire réfléchie, l’albédo de la glace, etc. — cela peut affecter d’autres processus (tempêtes, écoulements océaniques, cycles de l’eau, biodiversité). Et certaines conséquences pourraient même être irréversibles.

Effets géographiques inégaux : ce qui pourrait « calmer » les températures d’une région pourrait aggraver la sécheresse ou les phénomènes extrêmes dans une autre. Les modèles climatiques montrent souvent qu’on ne contrôle pas tous les effets — il y a des compromis et des zones de risques non maîtrisés.

Risque de dépendance à une techno-solution : si les gouvernements ou entreprises misent sur la géo-ingénierie comme solution, cela pourrait les dispenser de réduire leurs efforts pour changer les modes de production, réaménager les territoires.

Questions de gouvernance, d’éthique, de responsabilité : qui décide d’un tel déploiement ? Quels États ou entités auront le droit de modifier les paramètres climatiques ? Et si les effets secondaires affectent des pays tiers ou des populations vulnérables, qui paiera ?

Une alternative réaliste : s’adapter plutôt que forcer

Plutôt que de jouer avec des techniques potentiellement dangereuses, beaucoup d’experts recommandent de concentrer les efforts sur l’adaptation, la prévention et la préservation de la biosphère. Quelques pistes concrètes :

Ne plus délivrer de permis de construire près des côtes ou dans des zones inondables : ces zones deviendront de plus en plus exposées aux montées d’eau, aux tempêtes, aux événements extrêmes liés aux changements climatiques.

Favoriser le verdissement des espaces urbains, la restauration des zones humides, la reforestation avec des espèces locales ou résistantes à la sécheresse : cela renforce la résilience, stocke du carbone, régule les températures locales, améliore la biodiversité.

Réorienter les pratiques agricoles vers des cultures moins consommatrices d’eau, mieux adaptées aux régimes pluviométriques futurs, réduire le gaspillage d’eau.

Mettre en place des politiques de planification territoriale qui intègrent les risques climatiques : inondation, élévation du niveau de l’eau, tempêtes, incendies, etc.

Renforcer la recherche publique, transparente, et le contrôle réglementaire : toute expérimentation ou déploiement de géo-ingénierie doit être soumis à des études rigoureuses, des évaluations des risques, des sols, de l’air, de l’eau, mais aussi impliquer les populations concernées.

Humilité et précaution

Le changement climatique pose des défis majeurs. Mais la géo-ingénierie comme solution miracle est loin d’être prouvée, et promet des risques difficiles à maîtriser. Les scientifiques appellent à la prudence, au respect des limites de notre compréhension, et à un recentrage sur les stratégies d’adaptation et de prévention — moins spectaculaires mais plus sûres, plus justes, plus durables.

Jouer « aux apprentis sorciers », comme certains le formulent, est peut-être trop risqué quand on ne peut prédire ni les effets ni les conséquences. Il vaut mieux agir avec réalisme, pour adapter nos sociétés aux changements, plutôt que forcer la nature et découvrir ensuite les dégâts.


- Source : France-Soir

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