Front ukrainien : vers de nouveaux pourparlers entre la Russie et l'Ukraine à Istanbul ?

Devant les journalistes, venus pour la conférence de presse suite aux cérémonies du 9 mai, le Président Poutine a proposé le 10 au soir de relancer les négociations directes entre les délégations russe et ukrainienne, dès le 15 mai à Istanbul. Les Atlantistes après hésitation envoient Zelensky, qui déclare y attendre Poutine. Au-delà du triste spectacle de nos élites globalistes, que peut-on attendre de ces énièmes pourparlers ? Strictement aucun résultat concret qui permettrait de résoudre les sources de conflit, les positions étant incompatibles et la trahison n'étant pas au menu. Donc, le processus est plus important, aujourd'hui, que le résultat. Si l'intérêt est évident pour les Atlantistes, quel est l'intérêt pour la Russie ?
Les Atlantistes européens, en la personne de Macron, Starmer et Mertz, se sont rendus en Ukraine le 9 mai pour non seulement assurer leur soutien, mais envoyer un ultimatum à la Russie : soit elle cesse les combats immédiatement et ensuite on "négocie", soit les pays de l'Axe atlantiste feront plier la Russie. Trump a alors soutenu cette action.
En réponse, Poutine a fait une contre-proposition : on reprend les pourparlers directs entre les délégations ukrainienne et russe à Istanbul, précisément le 15 mai, sans conditions préalables. L'intérêt est de discuter de la faisabilité d'éliminer les causes profondes de ce conflit. Ensuite, et ensuite seulement, la question d'un cessez-le-feu pourra être soulevée.
Tout d'abord, les leaders européens ont exigé un cessez-le-feu préalable, position qui a été docilement suivie par Zelensky. Mais ensuite Trump, qui soutenait déjà la position des Atlantistes européens, s'est mis à également soutenir la proposition de Poutine et Rubio, le Secrétaire d'Etat américain, a annoncé se déplacer en Turquie à cette période.
Les Atlantistes ont écouté le maître et Zélensky annonce se déplacer à Istanbul, même sans cessez-le-feu ... et y attendre Poutine.
A priori, la participation directe de Poutine n'est pas - à ce jour - prévue.
Que peut-on attendre de cela ? En fait, pas grand-chose. Quelques remarques.
1 ) Rappelons tout d'abord, que Zelensky n'est pas une figure autonome, il n'est pas un sujet politique. Quelle que soit la position qu'il soutiendra un instant à Istanbul, celle-ci doit être actée par les tuteurs atlantistes, américains et européens. D'où certainement, le déplacement de Rubio dans ces négociations "directes".
2 ) La source du conflit en Ukraine n'est pas à Kiev, mais à Washington. C'est la volonté de toute puissance des globalistes, qui a conduit à ce conflit sur le front ukrainien. Donc l'intérêt de réduire les pourparlers à un entretien avec Zelensky, si la Russie veut réellement régler les sources de ce conflit, est en soi nul.
3 ) Alors que les Atlantistes, parfaitement unis autour de Trump comme nous le voyons, exigent de la Russie qu'elle négocie et appellent à un cessez-le-feu définitif de la Russie, ils activent le réarmement du front à long terme. Les Européens financent la relance de l'industrie militaire sur le sol ukrainien en plus de la fourniture d'armes et de la formation des troupes. Les Américains, en plus de la coordination et du Renseignement militaire, reprennent justement le 11 mai la fourniture directe d'armes, notamment de missiles :
"Les États-Unis ont approuvé la livraison de 125 missiles à longue portée pour les systèmes HIMARS et MARS, ainsi que de 100 missiles de défense aérienne Patriot précédemment achetés par l'Allemagne".
Par ailleurs beaucoup de questions se posent sur l'intention véritable des Américains. D'un côté, Kellog rejette immédiatement l'offre de Poutine :
« D'abord un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours, suivi d'une transition vers des négociations de paix globales. Et non l'inverse ».
D'un autre côté, le message de Trump est à la limite de l'insulte diplomatique envers la Russie :
Certes, Trump envoie l'Ukrainien en Turquie pour négocier sans cessez-le-feu préalable, mais la manière dont cela est formulé devrait attirer l'attention. Car la forme a autant de signification que le fond en politique. Cette injonction faite à l'Ukraine est immédiatement suivie d'une menace de rétorsion par les élites globalistes unies (et américaines, et européennes) contre la Russie en cas de non-capitulation de sa part. Puis, un mépris sans nom est adressé à Poutine, "trop occupé par sa victoire" quand cette victoire n'aurait pas été possible sans les Etats-Unis, selon Trump.
Autrement dit, Trump méprise ouvertement la Russie et son Président. Il ne met en scène une apparence de respect, que tant qu'il pense pouvoir obtenir ce qu'il veut. Et il veut une victoire des Globalistes, au moins éviter une défaite. Il veut que la Russie se plie, que la Russie se taise.
Or, les positions de ces deux camps (atlantiste - dont évidemment américain, et russe) sont objectivement incompatibles, rien n'a changé à ce sujet. 1) Une présence des armées atlantistes ou amies en Ukraine est indispensable pour les Globalistes, inacceptable pour les Russes. 2) Une reconnaissance juridique des nouveaux territoires russes est inacceptable pour les Globalistes, indispensable pour les Russes. Le reste n'est qu'un détail, notamment la question de l'entrée ou non de l'Ukraine dans l'OTAN (comme l'exemple finlandais l'a déjà illustré) ou celle du départ et remplacement de Zelensky par un nouveau gouverneur de l'administration locale, toujours dans l'intérêt atlantiste - puisque la Russie ne maîtrise pas le territoire.
A l'époque des accords de Minsk, les Atlantistes pouvaient encore prendre le temps de tromper la Russie et signer un certain document, ils ne peuvent plus se permettre cela aujourd'hui, leur position est désormais beaucoup trop rigide. Le conflit est trop engagé.
Donc, les Globalistes jouent le temps. Si jamais la Russie est prête à capituler, ils sont prêts à accepter, mais ils n'ont pas trop d'illusion à ce sujet et la tonalité du discours atlantiste le prouve. En attendant, le temps passé à négocier leur permet de réorganiser le front, son approvisionnement, la répartition des coûts et la gestion du territoire ukrainien. Le tout évidemment dans l'intérêt américain, au détriment des satellites européens.
Quel est l'intérêt de la Russie ? Montrer à l'ennemi sa volonté de paix, n'est pas franchement le meilleur moyen de le dissuader d'aller plus loin ... En dehors de l'attachement manifestement profond des élites russes pour l'ordre, dont elles sont in fine issues, il existe un seul et véritable intérêt.
Si la Russie décide de légitimer une réponse plus ferme, elle a besoin de montrer à sa population et aux autres que la voie des négociations est épuisée.
Sinon, nous allons entrer dans une période de marécages politico-diplomatiques, qui aura inévitablement une incidence sur le front - car on ne peut pas à la fois produire en Russie un discours atlantiste sur le mode "Vive la paix, vive Trump" et demander aux militaires de se battre de toutes leurs forces pour la Patrie, tout en se prenant des missiles américains sur la tête. Ce sont deux approches incompatibles, au minimum du point de vue de la psychologie humaine. Et du bon sens politique.
Donc, si la Russie ne prépare pas une montée en puissance de la réponse militaire, elle ouvre la voie à un renforcement de l'armée ennemie, qui reprendra inévitablement l'initiative, dès qu'elle aura reconstitué ses forces, grâce au temps qui lui aura été ainsi gracieusement offert pendant une parodie de négociations.
- Source : Russie politics