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Mardi, 23 Avr. 2024

La TV biélorusse rend publique la «communication interceptée» entre Berlin et Varsovie sur Navalny

Auteur : Julia Belyakova | Editeur : Walt | Samedi, 05 Sept. 2020 - 10h38

L’enregistrement de la «conversation interceptée» entre deux hommes présentés comme des représentants allemand et polonais a été rendu public par la télévision biélorusse. Ils évoquent l’«empoisonnement» de l’opposant Alexeï Navalny, en disant que les faits ne sont pas importants, car «la guerre est en cours» et «toutes les méthodes sont bonnes».

La chaîne de télévision d’État biélorusse ONT a publié ce vendredi 4 septembre un enregistrement, qu’elle a présenté comme des «négociations téléphoniques interceptées» entre Berlin et Varsovie.

Sur cet enregistrement rendu public, il est demandé à une personne, qui est présentée comme un représentant allemand du nom de Nick, si l’empoisonnement de Navalny a été confirmé. L’homme fait remarquer que dans ce cas ce n’est pas nécessaire, car «à la guerre, toutes les méthodes sont bonnes».

«Apparemment, tout est selon le plan… Le dossier de Navalny est prêt. Il sera transféré à l’administration du chancelier. Nous attendons sa déclaration», indique celui qui est présenté comme le représentant de Berlin.

«L’empoisonnement est-il confirmé?», demande son interlocuteur qui est présenté comme un représentant de Varsovie, nommé Mike lors de l’enregistrement.

«Écoute, Mike, ça n’a pas d’importance. La guerre est en cours… Et pendant la guerre, toutes les méthodes sont bonnes», répond-il.

Le Président biélorusse Alexandre Loukachenko a annoncé jeudi 3 septembre au Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine que les renseignements de son pays avaient intercepté une conversation entre Varsovie et Berlin montrant que les déclarations de Berlin sur l’«empoisonnement» de Navalny étaient une falsification. Alexandre Loukachenko a également promis de remettre l’enregistrement aux services de renseignement russes.

Suite à ces déclarations, le service de presse du gouvernement allemand a démenti à RIA Novosti qu’un enregistrement ait pu être intercepté.

«La déclaration de M.Loukachenko ne correspond pas à la réalité. Hier, la chancelière fédérale, le ministre des Affaires étrangères et la ministre de la Défense ont exprimé leur avis sur les nouvelles circonstances dans l’affaire de l’empoisonnement de Navalny. Il n’y a rien à rajouter», telle a été la réponse qu’a reçue l’agence RIA Novosti auprès du cabinet des ministres du pays.

Casser l’envie de Poutine de «mettre son nez» dans les affaires de Minsk

Dans un enregistrement dévoilé par la chaîne de télévision, un prétendu représentant de Varsovie a déclaré qu’il fallait casser l’envie du Président Vladimir Poutine de «mettre son nez» dans les affaires de Minsk et «le submerger» dans les problèmes de la Russie.

«Il faut casser l’envie de Poutine de mettre son nez dans les affaires de la Biélorussie… Le chemin le plus efficace est de le submerger dans les problèmes de la Russie, il y en a pas mal! En plus, bientôt, ils ont des élections, le vote dans les régions de Russie», a déclaré celui qui est présenté comme le représentant de Varsovie.

«C’est ce qu’on fait», lui a répondu son interlocuteur.

Hospitalisation de Navalny

L’opposant russe Alexeï Navalny a été placé le 20 août en réanimation dans un hôpital à Omsk, en Sibérie. Il a fait un malaise à bord d’un avion à destination de Moscou. Son entourage évoque un possible empoisonnement.

Selon les premières analyses faites par les médecins à Omsk, des troubles métaboliques ont provoqué une forte hypoglycémie. Ils ont par la suite déclaré qu’aucun poison n’avait été détecté dans son sang et son urine. Dans le coma depuis le 20 août, l’opposant a été transféré à l’hôpital de la Charité de Berlin.

Le 2 août, le gouvernement allemand a déclaré qu’il avait été empoisonné par un agent toxique de type Novitchok.
La partie russe a réagi en soulignant que personne jusqu’à présent ne lui en avait fourni la moindre preuve.

***

L’affaire Navalny va-t-elle révéler ses secrets ? Loukachenko détient-il vraiment la preuve que Merkel aurait sciemment menti ?

On n’en finit plus d’aller de surprise en surprise dans cette bien étrange affaire Navalny. J’en résume ici les grands traits (et je renvoie à ma vidéo du 26 août – mise en ligne le 28 – où j’expliquais déjà à quel point la version officielle me paraissait invraisemblable :

Pour résumer la situation, je récapitule ci-après :
1) la version occidentale des événements – le “narratif” comme on dit maintenant –
2) les points d’invraisemblance de ce narratif,
3) le président biélorusse assure avoir la preuve enregistrée du mensonge de Angela Merkel. Bluffe-t-il ?

1°) VERSION OCCIDENTALE OFFICIELLE

a)- Navalny est “le principal opposant” à Vladimir Poutine. C’est un héros de la démocratie, victime de la persécution incessante des autorités russes.

b)- Vladimir Poutine est un dictateur sanguinaire qui ne supporte pas que quiconque lui résiste.

c)- Vladimir Poutine a décidé de faire assassiner Navalny en le faisant empoisonner par ses services secrets. (Ce n’est pas affirmé explicitement mais toutes les déclarations officielles vont implicitement dans ce sens).

d)- cela n’a rien d’étonnant car les dirigeants russes ont une tradition très ancienne, remontant au Moyen-Âge, qui consiste à empoisonner les opposants au tsar. Vladimir Poutine a déjà tenté de faire assassiner l’agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia à Salisbury (Angleterre) en mars 2018.

e)- les services secrets russes ont donc, sur ordre du Kremlin, versé le 20 août 2020 du poison dans une tasse de thé que Navalny prenait dans la cafétéria de l’aéroport de Tomsk (Sibérie), dans l’attente de l’avion qui devait le ramener à Moscou.

f)- le poison a conduit Navalny à pousser des cris de douleur pendant le vol, au point que le pilote a décidé de faire une escale impromptue à l’aéroport d’Omsk pour y déposer le passager malade, afin que celui-ci soit soigné à l’hôpital d’Omsk.

g)- très rapidement, une ONG (Cinema for peace, dont le siège est à Berlin) a affrété un jet médicalisé privé pour aller chercher Navalny à l’hôpital d’Omsk, à la demande de sa femme et de ses proches qui dénonçaient déjà un empoisonnement.

h)- les médecins russes de l’hôpital d’Omsk ont mené des investigations sur le malade et ont annoncé qu’ils n’avaient trouvé aucune trace de poison.

i)- Ils ont traîné les pieds pour remettre aux médecins allemands le ressortissant russe Navalny, qu’ils avaient plongé entretemps dans un coma artificiel dans le but cynique de laisser le poison disparaître sans laisser de traces….

Mais – sans que l’on nous explique pourquoi – les Russes ont fini par remettre, le 23 août, le citoyen russe malade aux Allemands venus avec l’avion affrété par Cinema for peace.

j)- à peine arrivé à Berlin (23 août), Navalny a été conduit à l’hôpital de la Charité, où son statut a fait l’objet d’informations contradictoires.
Dans un premier temps (23 août – 17h41), il a été présenté comme “invité de la Chancelière” Merkel par la chaîne de télévision allemande ZDF, se référant au ministère de l’Intérieur du pays.

k)- dans un second temps, le 24 août, le porte-parole est revenu sur cette qualification en précisant que Navalny n’était justement PAS l’invité de la Chancelière (dépêche du 24 août – 15h00 – Sprecher: Alexej Nawalny kein förmlicher Gast der Kanzlerin :

Ce revirement de position de la Chancelière n’a pas été expliqué.

l)- le 24 août après-midi, les médecins allemands de Navalny ont annoncé à la presse qu’il présentait « des traces d’empoisonnement », diagnostic qui contredisait donc celui des médecins russes de l’hôpital d’Omsk.

m)- le 2 septembre 2020, le gouvernement allemand déclare que Navalny a été empoisonné par “un agent toxique de type Novitchok”.

Angela Merkel déclare : « Navalny a été victime d’une attaque menée par le biais d’une substance chimique […] de type Novitchok. Ce poison a été découvert dans les analyses. Ainsi il a été prouvé que Navalny a été victime d’un crime. Il devait se taire. Je condamne cela de la manière la plus ferme au nom du gouvernement allemand»

Le Novitchok est le même poison que celui qui avait été invoqué lors de l’affaire Skripal.

n)- aussitôt, les États occidentaux habituels emboîtent le pas de la Chancelière d’Allemagne et réclament en chœur des explications au Kremlin.

Le ministre français des affaires étrangères (Jean-Yves Le Drian) déclare :
« Je veux condamner dans les termes les plus forts l’utilisation choquante et irresponsable d’un tel agent. Il y a des interrogations fortes et il est de la responsabilité des autorités russes d’y répondre ».

Le ministre britannique des affaires étrangères (Dominic Raab) déclare :
« Il est évident que le gouvernement russe doit réagir à la situation. Il doit dire la vérité au sujet de ce qui s’est passé avec Monsieur Navalny ».
John Ullyot, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, déclare :
« Les États-Unis sont profondément préoccupés par les résultats publiés aujourd’hui. L’empoisonnement d’Alexeï Navalny est hautement répréhensible. La Russie a déjà utilisé le Novitchok, un agent neurotoxique chimique [renvoi à l’affaire Skripal, à propos de laquelle la Russie rejette toutes les accusations portées contre elle]. Nous travaillerons avec les alliés et la communauté internationale afin que ces personnes en Russie en répondent».

Ursula Von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne réagit sur Twitter en évoquant un acte «lâche» et «ignoble».

2°) LES INVRAISEMBLANCES DU NARRATIF OCCIDENTAL

a)- contrairement à ce qu’affirment les médias occidentaux, Alexeï Navalny n’est pas du tout le “principal opposant” de Vladimir Poutine.
Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2018, les sondages lui octroyaient entre 2 et 3% des suffrages alors qu’ils en octroyaient entre 5 et 7% à Vladimir Jirinovski et au représentant du Parti communiste.
Il y a des grands partis d’opposition en Russie (dont l’un compte plus de 2 millions de membres) mais celui de Navalny n’en fait pas partie

Du reste, lors de l’élection présidentielle de 2018 en Russie, Vladimir Poutine l’a emporté avec 76,69% des suffrages contre Pavel Groudinine (Parti communiste) qui a obtenu 11,77% des suffrages, Vladimir Jirinovski (5,65%) et 7 autres candidats.

b)- contrairement à ce qu’affirment les médias occidentaux, Alexeï Navalny n’est pas un démocrate scrupuleux ni un chantre de la non-violence.
Il a au contraire pris des positions d’extrême-droite à de nombreuses reprises (proposant de régler le problème des Tchétchènes à coup de pistolet, etc.), ce qui lui a valu d’être exclu du parti d’opposition Iabloko en 2007.

c)- les médias occidentaux cachent systématiquement les liens avérés de Navalny avec les services d’influence américains, et notamment la NED, qui a repris certaines des attributions de la CIA.

d)- si le régime de Vladimir Poutine est sanguinaire parce qu’on le soupçonne d’avoir commandité quelques empoisonnements (d’ailleurs ratés), que dire alors du régime de Washington qui a fait assassiner froidement, par drones et selon des “procédures extra-légales, quelque 4700 personnes au début des années 2010 ?

Pourquoi n’y a-t-il jamais d’indignation des dirigeants français, allemands, européens devant ces assassinats de masse décidés par les maîtres de la Maison Blanche ?!?

Et cela sans parler des centaines de milliers de morts civils provoqués par les conflits armés provoqués par les États-Unis en Afghanistan ou en Irak ?

e)- pourquoi Vladimir Poutine – qui est au sommet de sa popularité et de sa gloire – aurait-il voulu faire assassiner Navalny qui est un opposant marginal et qui ne représente aucune menace électorale ?

Pourquoi Poutine, qui doit songer à la place qu’il va laisser dans les livres d’histoire, accepterait-il de ternir son image par un assassinat gratuit ?

f)- à supposer même que Vladmir Poutine ait voulu faire assassiner Navalny, pourquoi le faire maintenant ?
La période serait spécialement mal choisie, alors que la Russie va connaître des élections régionales dans 10 jours, le 13 septembre 2020, donc au risque de créer une polémique nuisant aux résultats électoraux des candidats qui soutiennent son parti Russie Unie.

Notons d’ailleurs que l’empoisonnement allégué des Skripal était survenu quelques jours avant l’élection présidentielle de 2018 et ne pouvait que ternir son image de façon très inopportune alors que sa réélection haut-la-main était acquise.

g)- à supposer même que Vladmir Poutine ait voulu faire assassiner Navalny, pourquoi avoir choisi la méthode la plus visible et la plus facile à relayer sur les médias et les réseaux sociaux du monde entier (empoisonnement filmé en direct dans une cafétéria, puis dans l’avion) ?

Alors qu’il aurait été si facile d’organiser un faux accident par exemple, ou bien un empoisonnement ou un suicide maquillé en prison, comme de nombreux observateurs soupçonnent que cela a été le cas du suicide de Jeffrey Epstein en prison aux États-Unis ?

h)- si ce sont les autorités russes qui ont décidé d’empoisonner Navalny, pourquoi avoir choisi le Novitchok, qui avait déjà été prétendument utilisé contre les Skripal ?

Non seulement les Skripal ne sont pas morts – ce qui prouve que le “poison Novitchok” ne serait pas efficace – mais il est en quelque sorte devenu le synonyme du “poison utilisé par Poutine” dans l’opinion publique occidentale. On ne pouvait pas imaginer une procédure plus spontanément accusatrice contre Poutine !

i)- c’est d’ailleurs bien à tort que l’on fait croire que le Novitchok serait une exclusivité russe.

Depuis l’effondrement de l’URSS, la recette du Novitchok est passée en Occident et ce poison serait désormais produit aux États-Unis et en Angleterre

j)- Leonid Rink, docteur ès sciences chimiques et l’un des créateurs du Novitchok, est une source russe, donc sujette à caution. Mais son autorité scientifique vaut quand même qu’on écoute ce qu’il dit.

Il a expliqué sur la chaîne YouTube Soloviev Live qu’il était impossible que Navalny ait été empoisonné par cet agent toxique car le Novitchok est un «cocktail» composé d’une multitude de composants qui n’était pas prêt à être utilisé avant qu’il n’explose.

Selon lui, la thèse selon laquelle il est possible d’utiliser le Novitchok pour tuer une personne prise à part est ridicule, car c’est un système ultra-puissant capable d’éliminer toute une unité militaire.

Si Navalny avait été empoisonné au Novitchok, il aurait présenté des symptômes tels que le myosis, des convulsions et « la personne aurait été tuée au terme de quelques secondes » !

k) si ce sont les autorités russes qui ont commandité et organisé l’empoisonnement de Navalny, pourquoi ont-elles donné des visas aux médecins allemands et accordé un plan de vol à l’avion de l’ONG Cinema for peace pour qu’ils viennent chercher le malade et qu’ils le transfèrent en Allemagne ?

Et cela au risque de voir l’Allemagne affirmer que Navalny avait été empoisonné, ce qui vient exactement de se passer.
C’est l’une des plus grandes invraisemblances de toute cette histoire : si Vladimir Poutine avait décidé d’empoisonner Navalny, jamais, au grand jamais, il n’aurait autorisé le transfert du malade en Occident, au risque de se faire démasquer !

l) le gouvernement russe a relevé que personne, jusqu’à présent, ne lui a fourni la moindre preuve de l’empoisonnement de Navalny.

Pourtant, le ministère allemand de la Justice a confirmé qu’une demande d’assistance juridique dans l’affaire Navalny avait été reçue de la part de la Russie jeudi 27 août, selon le journal Welt am Sonntag.

Pourquoi les pays occidentaux – France en tête – se précipitent-ils pour réclamer des “explications” à la Russie sans avoir obtenu auparavant les moindres preuves de l’empoisonnement ?

m) rappelons enfin que Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, qui auraient été empoisonnés avec du Novitchok en Angleterre en mars 2018, sont sortis sains et saufs de leur hôpital britannique en avril 2018, mais que nul n’en a plus jamais entendu parler depuis.

Leur témoignage pourrait pourtant être très opportun pour confirmer les accusations formulées par les dirigeants occidentaux contre Vladimir Poutine, accusations qui occasionnèrent la plus grave crise diplomatique entre la Russie et les pays de l’Otan depuis la fin de la Guerre froide.
On est également sidéré qu’aucun journaliste d’investigation n’ait tenté de les joindre pour les interroger. C’eût été un scoop mondial.
La disparition totale des Skripal – qui vivaient au Royaume-Uni – reste à ce jour un mystère.

CONCLUSION : LOUKACHENKO BLUFFE-T-IL ?

On a appris, ce jeudi 3 septembre 2020 dans l’après-midi, que le Président biélorusse Loukachenko a affirmé que l’annonce de l’empoisonnement de Navalny faite par Angela Merkel hier était falsifiée.

Le président de Biélorussie s’est référé à une conversation que ses services de renseignements aurait interceptée et enregistrée entre Varsovie et Berlin.

Il a promis d’en fournir un enregistrement à la Russie et l’a expliqué dans ces termes :
« Nous avons intercepté une conversation intéressante. Je vous la donnerai à lire. Nous allons la préparer et la transmettre au FSB, [Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie, ancien KGB]. Il s’agit clairement d’une falsification ».

« Hier ou avant-hier, avant le discours de Merkel, elle a déclaré que quelqu’un voulait faire taire Navalny. Nous avons intercepté la conversation. Nous avons réalisé que Varsovie échangeait avec Berlin. Il y avait deux interlocuteurs en ligne. C’est notre service de renseignements militaire radioélectronique qui l’a interceptée ».
Affaire à suivre….

FA


- Source : Sputnik (Russie)

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