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Annulation de la condamnation d’Anne-Sophie Leclère : et si on posait enfin les bonnes questions ?

Auteur : François Teutsch | Editeur : Walt | Mercredi, 24 Juin 2015 - 21h22

La cour d’appel de Cayenne vient d’annuler, ce 22 juin 2015, le jugement inique rendu à l’encontre d’Anne-Sophie Leclère le 15 juillet 2014, la condamnant à 9 mois d’emprisonnement et 5 ans d’inéligibilité. Un arrêt qui, s’il ne met pas fin aux ennuis judiciaires de la prévenue, rétablit quand même un semblant de droit dans notre système judiciaire parfois tenté par la folie.

Au cours de la campagne pour les municipales, Anne-Sophie Leclère, commerçante à Rethel (Ardennes), avait publié sur sa page Facebook personnelle un montage douteux représentant un petit singe et Christiane Taubira. Si des poursuites devaient être engagées, elles devaient l’être à la requête de la principale intéressée (qui s’est gardée de déposer plainte) ou du parquet de Charleville-Mézières, voire de celui de Paris, de manière à permettre à l’auteur de ce délicat montage de se défendre comme n’importe quel citoyen. Surprise : c’est de Cayenne que la citation à comparaître est partie ! Cayenne, la ville d’origine de Christiane Taubira, qui en fut député, y est domiciliée, et qui partage son domicile avec une association dénommée Walwari, dont elle est membre fondateur. Et c’est cette association qui a procédé par voie de citation directe devant la juridiction guyanaise, en se présentant donc comme victime, alors que le parquet de Paris intentait de son côté une procédure en métropole.

Incapable de se déplacer à Cayenne, mal conseillée, Anne-Sophie Leclère a été lourdement condamnée. Exclue du Front national, le moins qu’on puisse dire est que cette lourde condamnation (pour un délit de presse) n’a suscité aucune émotion dans la presse mainstream. En appel, elle a confié la défense de ses intérêts à Me Jérôme Triomphe qui, avec la fougue qu’on lui connaît, a fait le déplacement en Guyane pour le compte de sa cliente. Et la cour a rendu son arrêt qui annule le jugement du 15 juillet 2014.

Sa motivation est simple, et tient en quelques lignes. L’association Walwari n’a aucune qualité pour agir à l’encontre de la prévenue. En effet, ses statuts fixent son objet social : « Défendre la démocratie, la paix, contribuer à développer la responsabilité et la dignité de l’homme. » Comme l’ont relevé les juges, l’association ne peut pas se prévaloir, depuis plus de 5 ans à la date des faits incriminés, d’un objet social lié à la défense de la mémoire des esclaves ou de leurs descendants, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination. En application de l’article 48-1 de la loi de 1881 sur la presse, elle est donc irrecevable en son action.

Cette excellente décision ne doit cependant pas dissimuler d’autres questions qui, soulevées par la défense, sont restées sans réponse. Notamment la question du dépaysement de la procédure : il est anormal que ce soit une juridiction située à 7.000 km de son domicile qui ait eu à juger madame Leclère ; juridiction par ailleurs située dans la ville de Christiane Taubira, dont le procureur général avait donné un avis favorable au renvoi devant une juridiction métropolitaine. Par ailleurs, le parquet est hiérarchiquement soumis au ministre de la Justice… La lourdeur excessive de la condamnation, dont nous avions parlé dans ces colonnes à l’époque, ne pouvait s’expliquer par la jurisprudence habituelle en la matière…

Mais l’autre question est celle du Code de procédure pénale qui, au terme d’une longue litanie de 23 articles, permet à toute une séries d’associations défendant des causes « nobles » de saisir les juridictions pénales alors même que le parquet estimerait inopportun de poursuivre certains délits. C’est ainsi qu’un montage photo imbécile a permis à une obscure association guyanaise de faire condamner une obscure commerçante ardennaise, dont les talents artistiques ne méritaient qu’un silence réprobateur.

Restaurer l’État de droit passe évidemment par la restauration d’une justice indépendante et impartiale. Mais aussi par l’abrogation de ces textes de circonstance qui permettent à n’importe qui de saisir les tribunaux pour n’importe quoi. L’opposition manque d’idées ? En voilà une !

 


- Source : François Teutsch

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