Comment faire disparaître les Palestiniens?

Depuis peu, Donald Trump arbore une casquette rouge sur laquelle est modestement inscrit “Trump a raison sur tout”. Il est apparemment en contact régulier avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le génocidaire. Selon ce dernier, lors de leur dernière conversation téléphonique, Trump a exprimé son soutien sans faille au contrôle total de la bande de Gaza et de la Cisjordanie par l’armée israélienne. Il a fait remarquer qu’Israël est en train de perdre la guerre des relations publiques (RP) face au carnage en cours, et qu’il doit mettre tout en œuvre “sans attendre” pour “finir le boulot” le plus rapidement possible.
Selon certains rapports, ce plan aurait été discuté lors d’une réunion à la Maison Blanche entre Trump, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair et Jared Kushner, le gendre de Trump, et offrirait aux Palestiniens, une fois le nettoyage ethnique achevé, une “prime de relocalisation” de 5 000 dollars et d’autres avantages pour quitter les lieux. On ignore où ils iraient, mais l’opération permettrait à l’armée israélienne de se faire étiqueter pour massacre généralisé. Le territoire de Gaza serait alors libéré pour bâtir la Riviera de Gaza tant convoitée par Trump, sous tutelle américaine, et construite sur les ruines et les dizaines de milliers de corps sans sépulture.
Alors que le massacre, principalement de femmes et d’enfants, s’intensifie à Gaza, l’opinion publique américaine ainsi que les électeurs de nombreux pays européens se retournent contre Israël, témoignant sans doute de “l’épineux problème de relations publiques” de Trump à l’égard de l’État juif. Mais Israël riposte avec ses propres armes, à savoir ses pratiques de corruption du gouvernement et des médias aux États-Unis et dans toute l’Europe. De nombreuses organisations juives et des églises sionistes chrétiennes, soutenues par les fonds considérables versés par des milliardaires juifs, veillent à ce que les politiciens et les journalistes sachent de quel côté leur pain est beurré. Il est communément admis que l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) est la composante la plus puissante du lobby israélien. L’AIPAC affirme ouvertement son objectif principal de resserrer les liens entre Israël et les États-Unis. Dans la pratique, l’AIPAC cherche en réalité à subordonner les intérêts américains à ceux de l’État juif. Mais aucun politicien ou journaliste en devenir ne se risquera à défier l’AIPAC et à se priver de ses largesses et son soutien politique. L’AIPAC affirme compter cinq millions de membres, 17 bureaux régionaux et “un vaste réseau de donateurs”. En 2022, l’organisation comptait 376 collaborateurs, disposait d’un budget de plus de 10 millions de dollars et réalisait un chiffre d’affaires de plus de 79 millions de dollars. L’AIPAC prétend être un organisme bipartite. Lors de sa conférence annuelle en 2016, il a invité les candidats des deux grands partis, soit la Démocrate Hillary Clinton et le Républicain Donald Trump.
L’une des pratiques les plus prisées de l’AIPAC consiste à organiser des voyages all-inclusive pour des membres du Congrès et autres individus influents en Israël, où ils sont dorlotés et abreuvés de tous les mensonges justifiant le scandaleux dessein israélien. Ces voyages enfreignent totalement la loi de 1938 sur l’enregistrement des agents étrangers (FARA), qui stipule que les organisations agissant pour le compte de gouvernements étrangers doivent être enregistrées et fournir des informations exhaustives sur leur financement et leurs interactions avec des représentants de gouvernements étrangers. Le dernier président à avoir réellement cherché à faire enregistrer une entité du lobby pro-israélien était John F. Kennedy, et son sort explique peut-être pourquoi aucun de ses successeurs n’a tenté de s’y risquer.
La dernière ruse de l’AIPAC a consisté à envoyer 22 représentants républicains à Israël pendant la pause parlementaire du mois d’août. Ils ont été accueillis par Benjamin Netanyahu en personne lors d’un “séminaire éducatif d’une semaine”. Selon un communiqué du bureau de Netanyahu, le Premier ministre a informé les membres du Congrès de la guerre dans la bande de Gaza, et a commenté la question de l’aide humanitaire ainsi que la campagne de désinformation menée par le Hamas contre l’État d’Israël. Le président de la Chambre, Mike Johnson, un sioniste chrétien ignare, dirigait une délégation distincte composée de cinq Républicains de premier plan. Il a été invité à un dîner privé avec le Premier ministre.
Pendant ce temps, un groupe de 23 Démocrates attendait dans les coulisses. Ils se sont rendus en Israël après le départ des Républicains, eux aussi financés par l’AIPAC. Pete Aguilar, de Californie, président du caucus démocrate de la Chambre des représentants, et Steny Hoyer, du Maryland, encadraient la délégation démocrate. Steny Hoyer a organisé 20 voyages du Congrès en Israël.
Le journaliste Glenn Greenwald a noté que les membres du Congrès américain se rendent bien plus souvent en Israël qu’en n’importe quel autre pays. En fait, ils effectuent “plus de voyages en Israël que dans tout l’hémisphère occidental et le continent africain réunis”. En plus des autres faveurs prodiguées par le lobby israélien aux “faiseurs d’opinion”, ces voyages forment le Congrès et les médias à afficher un soutien exceptionnel à Israël et une hostilité manifeste envers la Palestine, contrairement à l’opinion publique américaine. En Israël, ce problème ne se pose pas : un récent sondage indique en effet que la majorité de la population juive considère les Palestiniens comme des animaux et estime qu’ils “doivent être tués”.
L’administration Trump s’est en effet toujours montrée réticente à reconnaître l’existence des Palestiniens. La dernière initiative du genre du département d’État américain a consister à refuser l’octroi de visas à la délégation palestinienne censée assister à l’ouverture de la session de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre, à New York. Le département d’État a déclaré que cette mesure fait suite au non-respect des engagements de l’Autorité palestinienne et de l’OLP qui compromettrait les perspectives de paix. Il a également avancé des allégations non fondées selon lesquelles certains membres de la délégation auraient des liens avec le Hamas. Quelques jours plus tard, le département d’État a décidé de bloquer l’octroi de visas à tous les détenteurs d’un passeport de l’Autorité palestinienne, y compris aux Palestiniens dont la famille réside aux États-Unis. Ces nouvelles mesures concernent les visas accordés pour des raisons médicales, des études universitaires, des visites à des amis ou à des parents, ou encore des voyages d’affaires.
À cette liste s’ajoute l’histoire effroyable de ces enfants de Gaza, gravement blessés par les Israéliens, qui ont eu la chance de croiser la route de l’organisation caritative américaine HEAL PALESTINE. Celle-ci a pu les faire sortir de la bande de Gaza afin de leur prodiguer des soins médicaux aux États-Unis et ailleurs. L’état de santé de la plupart d’entre eux nécessitait des interventions chirurgicales complexes, et ces enfants étaient accompagnés par au moins un de leurs parents, sans lesquels ils n’auraient pu se débrouiller. Le blocage de ce voyage s’est produit peu après les déclarations de l’extrémiste sioniste américaine de droite Laura Loomer, qui a qualifié les Palestiniens de Gaza soignés aux États-Unis de “djihadistes” et de “menace pour la sécurité nationale”. Lorsque les partisans sionistes américains ont appris que soixante enfants environ ont été autorisés à entrer aux États-Unis, le département d’État américain a bloqué l’octroi de nouveaux visas et mène actuellement une “enquête approfondie” sur la manière dont le voyage a été organisé et approuvé.
Ces mesures restrictives à l’encontre des voyageurs palestiniens auraient été prises sur demande de Netanyahu au secrétaire d’État Marco Rubio, afin de réduire la portée d’une potentielle contestation publique des exactions israéliennes à Gaza et en Cisjordanie. Ces restrictions sur les visas et les voyages interviennent également en réponse aux déclarations d’un certain nombre d’alliés des États-Unis, dont la France, le Royaume-Uni et le Canada, qui ont annoncé leur intention de reconnaître un État palestinien à l’ONU dans les semaines à venir. Certains responsables de l’administration Trump, dont le président lui-même, se sont fermement opposés à cette campagne de reconnaissance internationale, que l’État d’Israël a immédiatement condamnée.
Les responsables palestiniens ont bien évidemment dénoncé ce geste des États-Unis qu’ils considèrent comme une tentative délibérée de les réduire au silence, alors que Gaza est confrontée à des déplacements massifs de population, à la famine et à ce que l’ONU et les tribunaux internationaux qualifient de génocide. La décision américaine a suscité de vives critiques de la part d’experts en droit international et de diplomates, qui affirment qu’elle viole l’accord de 1947 relatif au siège de l’ONU, lequel impose aux États-Unis, en tant que pays hôte, de faciliter l’accès de toutes les délégations officielles.
Les Nations unies ont immédiatement réagi en organisant la session d’ouverture de l’Assemblée générale à Genève plutôt qu’à New York. En 1988 déjà, l’ONU avait déplacé son siège à Genève, les États-Unis ayant refusé d’accorder un visa à Yasser Arafat, alors chef de l’OLP. Ce transfert permet de garantir la pleine participation des Palestiniens, notamment lors d’une session prévue le 22 septembre consacrée aux droits des Palestiniens.
Le président Mahmoud Abbas doit s’adresser à l’Assemblée à Genève, où il appellera à la protection internationale, à la reconnaissance de la souveraineté palestinienne et engagera la responsabilité d’Israël pour ses crimes de guerre.
Les groupes de défense des droits humains pressent l’ONU d’envisager le déploiement d’une force de protection internationale à Gaza et de suspendre les privilèges d’Israël aux Nations unies jusqu’à ce que l’accès à l’aide humanitaire soit pleinement rétabli. La suspension des privilèges des États-Unis, notamment leur droit de veto permanent au Conseil de sécurité, pourrait elle aussi s’avérer utile, bien que cet objectif semble quelque peu audacieux.
Traduit par Spirit of Free Speech
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L'auteur, Philip M. Giraldi, Ph.D., est directeur exécutif du Council for the National Interest, une fondation qui milite pour une politique étrangère américaine au Moyen-Orient davantage axée sur les intérêts. Son site web est councilforthenationalinterest.org, son adresse est P.O. Box 2157, Purcellville VA 20134 et son adresse électronique est [email protected]
- Source : The Unz Review (Etats-Unis)