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Pourquoi la loi Macron n'apportera ni croissance, ni activité

Auteur : Roland Hureaux | Editeur : Walt | Jeudi, 01 Janv. 2015 - 21h11

Pour l'essayiste Roland Hureaux la loi Macron ne s'attaque à aucun des fondamentaux -déficit, endettement, récession, chômage- qui plombent notre économie.

Même si une opinion sensible aux coups de com réussis semble bien accueillir la loi Macron, elle est, quant à son contenu, typique de toutes celles qui ont fait monter le Front national au cours des trente dernières années sans aucunement résoudre les problèmes de la France.

Laissons de côté tel ou tel point de cette loi qui peut sembler, au premier abord, intéressant, comme l'épargne salariale, de menues simplifications du droit du travail ou du permis de conduire.

Pour le reste, ce qui nous est proposé n'est rien de moins qu'un nouveau pas dans la déstructuration du temps (le dimanche), de l'espace (abandon prévisible de certains territoires) ou du tissu social (attaque des professions réglementées, symboles d'une classe moyenne par ailleurs laminée fiscalement). Ainsi se poursuit l'effacement progressif des repères qui restaient à des Français déjà « paumés » : la famille, l'histoire, la nationalité, mais aussi bien toutes les formes d'appartenance : corps spécialisés, région, commune, le département n'étant qu'en sursis. Pour qui sait écouter, c'est, plus encore que l'immigration, cette perte des repères qui fait monter partout le vote de rupture.

Et tout cela pour quoi ? On sait que rien dans la loi Macron ne changera quoi que ce soit aux fondamentaux macroéconomiques désastreux de la France : déficit, endettement, récession, chômage ; elle n'apportera ni croissance ni activité : qui prendrait au sérieux les 6 milliards de hausse promise du pouvoir d'achat ? Bien au contraire, comme à peu près toutes les lois depuis un quart de siècle, elle introduit subrepticement des dépenses publiques supplémentaires : indemnisation des professionnels ayant payé leur charge, recrutement de magistrats de profession pour les tribunaux de commerce.

Ignore-t-on que c'est dans le cadre qu'on veut bouleverser que la France a fait dans la seconde moitié du XXe siècle les magnifiques progrès que l'on sait ? La dénonciation obsessionnelle du prétendu « corporatisme » français est-elle autre chose qu'une forme de la haine de soi, pour ne pas dire du « suicide français ».

Tel est l'esprit de la loi Macron. Le principe précède l'application. Le point de départ, c'est que telle ou telle législation, tel ou tel statut ne sont pas jugés conformes à un principe idéologique donné, en l'occurrence le libéralisme pur et dur (ou ce que l'on croit tel).

On allègue les impératifs comptables : mais tout ce qu'on se propose de défaire existait dans les années 1950 et 1960 où la France avait vingt points de moins de prélèvements obligatoires. Comment faisait-on donc ?

Manquerait-on de capitaux pour autoriser la pénétration des professions libérales par des fonds de pension, selon le vœu de Bruxelles ? Bien sûr que non. Mais il faut absolument que ces professions soient dépersonnalisées ! Nous connaissons un quartier de Marseille où, hors des mafias, le seul encadrement social qui subsiste est assuré par le notaire et le pharmacien.

C'est à la qualité de ce genre de services réglementés que l'on reconnaît une société civilisée. Faute que ces secteurs posent, pour la plupart, des problèmes sérieux, on fait, en ce domaine comme en d'autres, des lois pour en créer !

Tel est l'esprit de la loi Macron. Le principe précède l'application. Le point de départ, c'est que telle ou telle législation, tel ou tel statut ne sont pas jugés conformes à un principe idéologique donné, en l'occurrence le libéralisme pur et dur (ou ce que l'on croit tel).

Avec un rare manque d'imagination, on y retrouve les propositions du rapport Rueff-Armand (1960), bible de générations d'élèves de Sciences Po. Si beaucoup n'ont jamais été appliquées, peut-être ne faut-il pas l'imputer, comme on le fait, au manque de courage, mais à la conscience, qu'ont des générations un peu plus pragmatiques, qu'il faut parfois faire des exceptions aux lois du marché.

Quels problèmes concrets pose donc notre système notarial ? Aucun. Tel qu'il a été organisé par la loi du 25 ventôse an XI, il est sûr, permanent, assure partout des conseils de proximité par des gens qualifiés. On ne lui reproche que de coûter trop cher : mais qui a calculé ce qu'on pourrait y faire ? Et à supposer qu'on ait chiffré les économies prévues, les a-t-on rapportées aux inconvénients qui en résulteront, tel l'appauvrissement de la couverture territoriale ? Le système reposerait sur des privilèges - inséparables d'une déontologie. M. Macron, qui a travaillé dans la banque, n'en aurait donc pas rencontré d'autres, et d'une autre envergure ?

Et quelle immense naïveté de croire qu'en réduisant d'un tiers le nombre des régions, on réduirait d'autant leur coût? ? C'est l'inverse qui nous attend.

Ouverture plus large des magasins le dimanche, sans doute en prélude à une ouverture tout au long de l'année ? Au profit de qui ? Pas d'une clientèle populaire qui a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts ; aucune augmentation globale de la consommation n'est à attendre.

Résoudre des problèmes qui ne se posent pas, tout en laissant en plan ceux qui se posent sérieusement (le chômage, la justice, l'école, l'immigration, les retraites), telle est la démarche d'un gouvernement idéologique : on en a vu un bel exemple avec la réforme régionale qui a déstabilisé une structure en réalité analogue à celle de nos voisins et qui ne posait, quoi qu'on ait prétendu, aucun problème réel. Et quelle immense naïveté de croire qu'en réduisant d'un tiers le nombre des régions, on réduirait d'autant leur coût ? C'est l'inverse qui nous attend.

L'idéologie est, comme le dit Hannah Arendt, la volonté de tout régir par un principe unique (ou deux ou trois) et d'y ramener tout ce qui, dans une réalité nécessairement complexe, y échappe encore. Curieusement, le libéralisme dogmatique d'un Macron se trouve en synergie avec l'égalitarisme tout aussi destructeur d'une Vallaud-Belkacem, qui, poussant jusqu'au bout la logique de Pierre Bourdieu, veut abolir la dernière hiérarchie existante à l'école, celle des notes. Trotsko-libéralisme ? L'important est de casser.

Dernier motif de ce remue-ménage : satisfaire Bruxelles ou Berlin qui demandent que la France « se réforme », en bien ou en mal, qu'importe. Seule importe l'illusion : il faut donner à nos partenaires celle que la France bouge. Comme ces artistes qui brisent les objets de la vie quotidienne ou des statues vénérables pour produire du soi-disant art contemporain, le gouvernement socialiste casse tout ce qui faisait la force de la France (la famille, l'État, l'armée, les classes moyennes) pour donner l'illusion de la modernité. Mais, sous les apparences de la modernisation, c'est, on peut le craindre, un grand désastre qui se prépare.


- Source : Roland Hureaux

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