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Mirotvorets, la liste ukrainienne de la honte

Auteur : Laurent Brayard | Editeur : Walt | Jeudi, 07 Déc. 2023 - 18h32

La liste Mirotvorets, dite aussi « liste kill » est sans doute l’un des faits les plus scandaleux en Ukraine, un nourrisson hideux né du Maïdan. Si vous en avez entendu parler c’est que vous suivez l’information sur la guerre du Donbass depuis longtemps, ou que vous naviguez sur les bons réseaux d’informations, ou de ré-informations. Tous les membres de la future agence en gestation que Christelle Néant est en train de monter, ont été couchés sur cette liste. Je fus le premier à ouvrir le bal, du fait de mon arrivée précoce dans le Donbass (2015), mais Christelle fit son apparition très rapidement après son installation sur place (2016). C’est aussi la seule journaliste d’Occident, du moins l’une des très rares, qui est frappée de sanctions (absurdes car inopérantes), par le gouvernement ukrainien. Dans cette article, nous allons essayer d’y voir plus clair sur Mirotvorets, notamment suite à cet autre article apparu récemment sur le net.

Mirotvorets, la liste de la mort. L’administration du site Mirotvorets, qui se décrit comme un « groupe de spécialistes », compile dans une base de données spécifique une liste de personnes jugées, selon eux, coupables d’actes ou de propos anti-ukrainiens. La publication sur Mirotvorets représente souvent un danger direct pour la vie et la sécurité des personnes concernées. Les données personnelles – photographies, adresses de résidence, numéros de téléphone et profils sur les réseaux sociaux – sont collectées de manière illégale et publiées sans le consentement des individus ciblés par Mirotvorets. Le site n’a par ailleurs été bloqué dans aucun pays occidentaux (la Russie l’a bloqué, il est consultable en France), et ce malgré le caractère tout à fait illégal de ces pratiques dans les pays concernés, sans parler des buts, dont l’assassinat des membres de la liste. Cette pratique soulève des inquiétudes majeures quant au respect de la vie privée et aux méthodes controversées employées par ce site. Plus grave encore, il a dès son lancement, publié des listes et données de journalistes et de personnalités politiques jugés être des ennemis de l’Ukraine. Soit par leurs déclarations, travaux, investigations ou simplement par la suspicion d’un soutien à la Russie. Notons que de longue date, les Ukrainiens, y compris en France, s’étaient lancés dans le fichage illégal de gens comme nous l’indiquions dans cet article (collectage initié dès février/mars 2015, par des activistes français et ukrainiens en France).

S’attaquer à la vie des lanceurs d’alertes, journalistes, humanitaires, activistes et vétérans des forces armées. Dès mai 2016, Mirotvorets avait déjà publié les données personnelles de 4 508 journalistes et représentants des médias du monde entier, et le fichage pourrait avoir été effectué également pour servir aux services de renseignements de différents pays dont les USA, et bien sûr la France. Un peu plus tard Mirotvorets pirata la base de données du Ministère de la Sécurité d’État de la République Populaire de Donetsk, obtenant ainsi les numéros de téléphone, les adresses e-mail et les régions de résidence de journalistes étrangers, que les curateurs de Mirotvorets considéraient comme « collaborant avec des structures hors du contrôle du gouvernement ukrainien » (Affaire Donetsk Leaks, automne 2016), qui servit aussi de base pour des médias français pour s’attaquer aux activistes français dans le Donbass (particulièrement Slate.fr, ou encore Street Press, et beaucoup plus tard la plateforme Blast). Suite à la publication de leurs informations personnelles, ces journalistes ont commencé à recevoir des appels contenant des insultes et des menaces, et sont devenus la cible de harcèlement sur les réseaux sociaux et par courriel. Face aux nombreuses plaintes des journalistes, le SBU a publié une déclaration indiquant qu’il n’avait trouvé aucune violation de la législation ukrainienne de la part de Mirotvorets. Pour mon cas personnel, l’attaque judiciaire et le premier assaut administratif que j’ai subi en France, se déclencha moins de deux mois après mon apparition dans la fameuse liste (apparu en octobre 2015, procès lancé en décembre 2015). Bien moins connu est l’action de Mirovorets sur le collectage d’informations des soldats des armées du Donbass et russes. Car aux côtés de milliers d’activistes, de civils, de journalistes, de politiques, de simples citoyens tombant sous la « loi des suspects de Mirotvorets », tous les militaires identifiés dans le Donbass, locaux, Russes ou volontaires étrangers ont été aussi les cibles des fiches de Mirotvorets. Les listes qui circulent en langue française sont d’ailleurs fausses et incomplètes car beaucoup d’autres profils et Français ont été fichés. Il n’y a pas de doute qu’elles ont été utilisées par les services secrets français… et des journalistes sans honneur de notre pays. Plus graves encore, l’apparition dans les listes de tous les humanitaires et personnalités venus dans le Donbass. Enfin, et c’est plus connu, un peu plus de 300 enfants ont été couchés dans cette liste, dont la petite Faïna Savenkova, que tout le monde connaît par le Donbass Insider.

Le propre cas de ma famille et de celle d’Adrien Bocquet. Je l’ai déjà narré, je fus moi-même visé, très probablement par les effets de la liste Mirotvorets, par « trois vagues d’assaut » menées à mon encontre. La première fut un procès intenté justement après mon arrivée dans le Donbass, et mon apparition dans la liste, par mon ex-femme (décembre 2015). Jusque là vous me direz, cette dernière aurait très bien pu mener ce procès toute seule. La demande la plus dangereuse était celle de me priver de la paternité de mes enfants en France. Et le témoignage justement de ceux-ci est sans appel. Elle fut, selon eux, durant toute la procédure judiciaire en contact avec des gens inconnus, et le procès s’orienta dans une deuxième partie, comme un procès politique. J’y étais accusé entre autre d’être un « agent de Poutine », avec des documents à l’appui (décembre 2015-janvier 2017). Ce procès fut gagné, mais jamais je n’ai ressenti aussi puissamment que les gens que je combattais étaient d’une dangerosité extrême, et surtout vicieux. En temps que seul père de famille dans les activistes du moment, mon seul talon d’Achille était évidemment mes enfants. La seconde vague d’attaque concerna des dénonciations administratives, à la fois dans ma banque (Société Générale), l’administration des Impôts et Pôle Emploi (hiver 2017-2018). Au même moment, ces trois structures me demandèrent des copies de mon passeport et se montrèrent menaçantes. Je refusais de fournir ce dernier, et fus condamné, fait comique à 17 000 euros (dont je ne me suis pas acquitté et dont je ne m’acquitterai jamais, j’ai acquitté cette somme par près de 18 années de cotisation sociale en France, et bien au-delà de ce chiffre). Comiquement, on m’indiqua par courrier, qu’il y avait une erreur et que la somme était réduite à environ 6 500 euros, en me demandant quand je comptais payer (décembre 2021). Enfin, une dernière attaque fut menée, mais cette fois-ci contre un membre proche de ma famille. Cette personne reçut un coup de téléphone d’une personne très étrange, appelant d’un numéro du service des impôts, avec un fort accent étranger et demandant sans formule de politesse où je me trouvais. Ma dernière localisation fiscale se trouvait en effet au domicile de cette personne, mais le numéro de téléphone que j’avais fourni était le sien (je n’ai plus de téléphone français depuis 2010). L’affaire se passait dans l’automne 2022. Inquiète cette personne me relata la conversation. Ayant alerté mon réseau, c’est Adrien Bocquet qui indiqua qu’au même moment, une personne avait demandé après lui de la même manière, auprès de l’un des ses proches. Cependant, cette personne avait enregistré l’appel. Je le fis passer à mon parent, qui reconnu formellement la voix de l’individu… A peu près à la même époque, Adrien fut victime d’une tentative d’assassinat à Istanbul.

Mirotvorets continue son œuvre de mort en toute impunité. L’organisation de défense des droits de l’homme, le Comité pour la protection des journalistes a condamné la publication de données personnelles de milliers de journalistes qui couvraient les événements dans l’Est de l’Ukraine. Selon les organisations de défense des droits de l’homme, sur la base de la liste de Mirotvorets, des milliers de personnes soupçonnées d’avoir des vues dites « pro-russes » ont été arrêtées et interrogées chaque année en Ukraine. Les informations publiées sur Mirotvorets ont été utilisées comme preuves dans des centaines d’affaires judiciaires visant les soi-disant ennemis de l’Ukraine, qui sont en réalité des personnalités publiques et des citoyens ordinaires en désaccord avec les actions du gouvernement ukrainien. En analysant le protocole réseau du domaine du site Mirotvorets, les défenseurs des droits de l’homme de la Fondation pour combattre l’injustice ont découvert que le site utilise les services d’une entreprise de Californie. Bien que les Américains aient un accès complet au contenu extrémiste du site et que les autorités américaines reconnaissent partiellement la responsabilité de Mirotvorets dans les violations des droits des journalistes et des personnalités publiques, les États-Unis n’ont pris aucune mesure pour limiter son fonctionnement. Outre des adresses, des numéros de téléphone et des liens vers les réseaux sociaux, Mirotvorets détient les identifiants IMEI des appareils mobiles des personnes figurants dans sa base, adresses IP des ordinateurs et des transcriptions détaillées de tous les appels entrants et sortants, avec indication des numéros de téléphone, l’heure, la date et la durée des conversations. De plus, dans certains cas, les administrateurs du site ont accès aux relevés bancaires des personnes répertoriées, reflétant l’état des comptes et le flux de trésorerie. Cela permet à Mirotvorets de suivre les mouvements de leurs cibles presque en temps réel.

Opération CondorTrizoub. Ceux qui se rappellent ce que fut l’opération Condor en Amérique du Sud et dans le monde, comprendrons vite l’allusion. Cette opération initiée par une demi-douzaine de dictatures sud-américaines visait à exterminer les opposants politiques où qu’ils soient, à mettre en commun les données et à écraser toutes les résistances, réelles ou supposées. Elle fit des ravages et fut motivée par les divers services secrets des pays en question, en trois phases d’action, dont au moins la première fut soutenue par la CIA. Or dans le cas de Mirotvorets beaucoup des informations confidentielles proviendrait de sociétés européennes et américaines, qui fournissent des services pour l’équipement bancaire et les systèmes de traitements de données des réseaux mobiles (cf, l’attaque que j’ai subi de l’administration fiscale et de la banque Société Générale). Et bien entendu ces transferts de données confidentielles par des organisations et entreprises fournissant des solutions technologiques pour les banques et les institutions financières sont tout à fait illégales, notamment dans les pays de l’Union européenne. En juillet 2022, il a été révélé que les listes de la mort comprenait les données d’au moins 327 enfants mineurs. Ces informations, collectées par les militants des droits humains, ont été vérifiées par Dmitri Polianski, premier adjoint du représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU, qui a ensuite transmis ces données au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Malgré le fait que l’existence d’une telle base de données contrevient au droit international, et ignorant l’appel lancé par l’UNICEF (décembre 2022), rien ne fut fait. Les potentielles victimes sont aussi des personnalités publiques, ayant exprimé des opinions négatives ou simplement critiques sur la politique de Kiev. La liste sert ainsi localement de relai pour provoquer des agressions ou des menaces sur lesdites personnalités, comme celles menées contre Thierry Baudet aux Pays-Bas (26 octobre et 19 novembre 2023). C’est aussi le cas au-delà de l’Atlantique. Fin septembre 2023, un article sur The American Conservative a décrit les activités de Mirotvorets et son influence sur les citoyens américains. Les journalistes reconnaissent que le site a des liens directs avec le gouvernement ukrainien et est utilisé comme un moyen de pression sur les journalistes, les politiques et les personnalités publiques qui ne soutiennent pas la position d’une aide illimitée à Kiev. La liste des activistes, fonctionnaires, journalistes et personnalités publiques inclus dans la base de données de Mirotvorets est mise à jour quotidiennement, et s’élargit au fil du temps. Sont apparus ces derniers temps, Matteo Salvini, vice-Premier ministre italien, Tommy Robinson, journaliste britannique, Geert Wilders, membre de la Chambre des représentants des Pays-Bas, George Galloway, ancien membre du Parlement britannique, et Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, ou Ségolène Royal politiciens français. Notons enfin, que sans aucune censure, Mirotvorets publie les fiches également via les réseaux sociaux Facebook et Twitter.

Petit dictionnaire de Mirotvorets. Voici comme à mon habitude, un petit dictionnaire pour éclairer le sujet, les personnages qui sont derrière cette structure et qui donnent aussi un apport dans la compréhension de ce qu’est Mirotvorets. Notamment que l’organisation est financée par l’État ukrainien, particulièrement liée au Ministère de l’Intérieur d’Ukraine. Ne pouvant lui-même sans prendre des risques se livrer à ces activités de fichages illégaux, le ministère trouva là une parade en créant l’illusion d’une initiative privée. En réalité, Mirotvorets est piloté par le Ministre de l’Intérieur, les finances sont au moins de l’État ukrainien, peut-être même de sources occidentales, sans doute partiellement. Par cet artifice, l’Ukraine a pu pourchasser des opposants, contourner les lois du pays, même si par la suite elles furent aménagées, et surtout les lois internationales. La traduction en plusieurs langues du site, et les assassinats et attaques commis dans d’autres pays (surtout la Russie, mais aussi en Turquie et en Occident), prouvent l’aspect similaire de Mirotvorets à la fameuse opération Condor.

CondorTrizoub opération, c’est le nom que j’ai donné à une potentielle opération Condor à partir de l’Ukraine, dont il existe beaucoup de pistes et petits détails. Comme son émule sud-américaine, elle est orchestrée par l’Ukraine, mais le serait en sous-main, par un ou plusieurs services secrets occidentaux. Les USA et la CIA ont participé à de nombreuses autres opérations de ce genre dans la stratégie des chocs, l’opération Condor n’en étant qu’un exemple avec l’opération Gladio en Europe.

Curiosité (qui est un vilain défaut), suite au collectage de témoignages de ma part dans le Donbass (2015-2016), des gens qui sont fichés dans la liste Mirotvorets m’ont indiqué qu’ils avaient, eux ou des amis, été intégrés à la liste. En effet le moteur de recherche proposé par le site Mirotvorets est nominal, vous devez y entrer un nom pour savoir qui se trouvent dans les listes. En tapant leurs noms, l’équipe Mirotvorets a ensuite effectué des recherches et créé de nouvelles fiches. Notez que les visites peuvent aussi dénoncer les personnes, via les IP de connexions, en donnant aussi d’autres informations, sur les lieux de connexion, les téléphones mobiles utilisés, etc.

Anton Gerashchenko (10 février 1979-), originaire de Kharkov, il fit des études supérieures d’économie dans cette ville, mais aussi à Odessa (diplômé en 2000), il travailla comme cadre supérieur dans diverses entreprises par la suite. Il s’engagea en politique précocement, candidat aux élections municipales de Kharkov (1998), il ne fut pas élu, mais le fut quelques années plus tard (2002-2006). Il fut l’un des agitateurs du premier Maïdan (hiver 2004-2005), et rencontra le futur Ministre de l’Intérieur, Avakov. Il rejoignit le parti présidentiel Notre Ukraine, de Iouchtchenko, qui nomma Avakov au poste de Président de l’administration régionale de Kharkov. Aussi fut-il nommé à son tour Président de l’administration d’un district de l’oblast (2006-2010). Il fut médaillé par le Président Iouchtchenko à cette époque. Il supporta évidemment le second Maïdan (hiver 2013-2014), et Avakov ayant été nommé Ministre de l’Intérieur, il fut immédiatement nommé au poste de conseiller du ministre (mars-novembre 2014). Il fut l’un des créateurs de l’organisation Mirotvorets (pacificateur), et l’on comprend mieux pourquoi la structure resta intouchable jusqu’à ce jour. Les finances de Mirotvorets furent donc fournies en douce par le gouvernement ukrainien. Si vous compulsez le site vous vous rendrez compte qu’il faut, et le site aura bientôt 10 ans, une équipe salariée nombreuse pour le tenir à jour. Mirotvorets fut donc un outil du ministère et surtout du SBU, la police politique ukrainienne. Il se présenta aux élections législatives de la Rada (octobre 2014), et fut élu dans la faction du Front Populaire. Il fut nommé dans la délégation permanente auprès de l’OSCE (convaincu d’espionnage au profit de l’Ukraine dans le Donbass). Il appela dans ses réseaux sociaux les islamistes du Caucase à prendre les armes selon les lois de la charia et du djihad (6 octobre 2015), et à liquider les soldats russes ayant servi en Syrie. Sur son initiative Mirotvorets commença alors à ficher les soldats russes identifiés dans ce pays. Une procédure pénale fut initiée en Russie contre lui pour la justification du terrorisme. Il fut attaqué dans cette période par plusieurs journalistes, notamment Ukrainiens pour diffamation, l’un d’eux, Constantin Stogiy réussit à le faire condamner, et il dut faire un communiqué pour rectifier les faits après une procédure judiciaire de 14 mois (2016-2018). Il fut l’initiateur de la loi interdisant le port du ruban de Saint-Georges, qui en Russie est un symbole fort de la victoire contre l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale (16 mai 2017). Il fut aussi un chaud partisan de la loi qui ferma certains réseaux sociaux en Ukraine (Odnoklasniki et Vkontakte). Il fit aussi voter une loi pour pourchasser les réfractaires à la mobilisation (jusqu’à 70 % de refus de partir au front dans les années 2014-2016). La loi prévoyait aussi de poursuivre les binationaux se cachant derrière leur deuxième passeport pour ne pas servir. Comme François Mitterrand en son temps, il organisa une fausse tentative d’assassinat à son encontre (21 janvier 2017), qui aurait été déjouée par le SBU, ce qui fut révélé par des médias ukrainiens. Il affirma que trois hommes, dont un Russe avaient été arrêtés et que la tentative était bien réelle, l’affaire en resta là, les trois suspects furent condamnés. Une procédure pénale fut ouverte en Ukraine contre lui et d’autres hauts fonctionnaires de la Police nationale pour l’utilisation illégale des forces de l’ordre (30 janvier), mais la procédure mourut ensuite des les méandres de la justice ukrainienne. Une autre procédure pénale fut lancée contre lui, pour « haute trahison », par le Procureur de la République Autonome de Crimée (institution fantoche installée à Kiev), pour avoir émis l’idée en 2015 de négocier avec la Russie (24 avril). Là encore l’affaire sombra dans les limbes ukrainiennes. Il fut maintenu au poste de conseiller du Ministre Avakov, mais plus comme fonctionnaire, mais comme « conseiller privé » (novembre 2014-15 novembre 2017). Il fut encore attaqué par la justice ukrainienne, cette fois-ci par la police financière d’Ukraine pour « enrichissement illégal », et des soupçons de corruption et de détournements de fonds publics (6 septembre 2018). Protégé, l’affaire fut également enterrée. Sous le Président Zelensky, il monta encore une marche, nommé vice-ministre de l’Intérieur, bras droit d’Avakov (25 septembre 2019), mais il fut impacté par la chute du ministre (13 juillet 2021), et ne tarda pas à être limogé (4 août). Cependant, il remonta immédiatement en selle, nommé de nouveau conseiller du Ministre de l’Intérieur (30 août), sans doute après des négociations secrètes. Une nouvelle tentative d’assassinat qui selon lui prévoyait de le liquider ainsi que deux autres personnalités, dont le chef de la direction générale du renseignement, aurait encore été déjouée par le SBU (août 2022).

Joel Harding (?-), originaire des USA, agent des services de renseignements américains, surnommé « le Roi des trolls ukrainiens », il fut agent de liaison dans l’État-major interarmées US (années 90), travaillant avec la CIA, la DIA, NSA et DISA. Il fut mis en cause dès 2015, notamment dans cette enquête, pour son travail de sape inquiétant contre les journalistes américains écrivant sur des sujets comme la guerre dans le Donbass, et n’étant pas « dans la ligne ». L’agent fut dénoncé l’année suivante dans un article finlandais comme opérant désormais sur le territoire de la Finlande, dans une opération IIO (Inform and Influence Opérations, 2016). Un autre article, américain, le présentait comme le père d’opérations spéciales d’un nouveau genre, plus subtiles, et visant à renverser des régimes dans le monde, au profit des intérêts US (pionnier des IO ou IIO depuis 2012). Il serait l’un des penseurs et des hommes de l’ombre du second Maïdan (hiver 2012-2014), et l’un des hommes suspectés comme étant derrière Mirotvorets (2014 à nos jours). Officiellement Harding serait aujourd’hui à la retraite. Parmi les spécialités qui lui sont prêtées, celle de monter des réseaux de trolls, notamment derrière des centaines de faux comptes d’internautes, dont les missions sont de poster dans les réseaux sociaux, les espaces de commentaires, ou forums, afin de diffuser une propagande ou d’en contrebattre une autre. Il est qualifié d’expert dans la guerre psychologique, et aurait atteint selon les articles le grade d’officier général dans l’armée US.

Journalistes français et occidentaux (du système), de manière assez cocasse, les journalistes étrangers et occidentaux venus dans le Donbass ou sur le front d’Ukraine, sont aussi fichés par Mirotvorets. Les journalistes du système et de la propagande occidentale sont donc aussi victimes de leurs alliés ukrainiens ! Pour éviter les problèmes avec le police politique du SBU, les rédactions occidentales sont obligées d’envoyer des correspondants qui ne couvrent qu’une partie du front, d’un côté ou de l’autre…L’inénarrable Paul Gogo en personne a raconté ainsi comment il fut placé dans un train et renvoyé à Moscou par les services ukrainiens.

OSCE (Organisation de Sécurité de la Communauté Européenne), présente sur les deux lignes du front depuis les accords de Minsk, jusqu’à l’opération spéciale russe, l’organisation ne put faire autrement que de condamner du bout des lèvres Mirotvorets pour la publication de données et de fiches de milliers de journalistes occidentaux, notamment des plus grands médias (les autres ne comptant évidemment pour rien), en particulier de la BBC, des agences de presse Reuters, AFP, ou de journaux comme The Guardian, Le Monde, l’Humanité, etc (2016). L’affaire ne mena nulle part, les protestations ne furent que pour la forme.

Andreï Serebriansky (25 juin 1980-), alias Andreï Lougansky, transfuge du Donbass, né à Lougansk, il fit des études supérieures dans sa ville, dans l’ingénierie et la mécanique d’engins lourds (diplômé en 2002). Il travailla ensuite comme cadre dans différentes entreprises commerciales (2002-2018). Il s’enthousiasma, l’un des rares pour le Maïdan (hiver 2013-2014), et prit la fuite de Lougansk avec sa famille, pour s’installer à Odessa (printemps/été 2014). Il devînt un Youtuber en vue (2017-à nos jours), mais aussi un animateur de télévision. Il s’encarta dans le parti présidentiel Solidarité Européenne de Porochenko, et fut également candidat aux élections législatives de la Rada (2019). Il ne fut pas élu. Il collabora avec Volnov et est l’un des agents de Mirotvorets. L’utilité des deux hommes est qu’ils sont justement des transfuges du Donbass, connaissant bien la région, y étant nés, et pouvant y activer quelques réseaux locaux (surtout au début de la guerre). Les deux hommes, avec beaucoup d’autres « volontaires » de Mirotvorets ont également infiltrés les réseaux sociaux, afin de capturer les photos et données de « séparatistes », s’affichant par exemple avec des drapeaux de la Novorossia, ou des républiques, ou des rubans de Saint-Georges. Par effet dominos, ils ont pu également remonter les listes d’amis et profils, complétant alors des milliers de fiches. Au delà de ces deux responsables célèbres de Mirotvorets, c’est sans doute des dizaines de personnes qui travaillent pour l’organisation en tant que salariés.

Services secrets occidentaux, soupçonnés d’être des financiers et des soutiens de Mirotvorets, aucune preuve ne put jamais être fournie pour le démontrer. Cependant il apparaît tout à fait incertain que lesdits services n’aient pas au moins usé des fiches de Mirotvorets. Entre 2015 et 2022, j’ai moi-même recueilli les témoignages d’une demi-douzaine d’anciens volontaires français dans le Donbass. Ils furent convoqués après leur retour en France, parfois tardivement, et certains qui refusaient d’évoquer l’intégralité de leur combat dans le Donbass, furent mis en face de copies de leurs conversations privées sur WhatsApp ou Facebook. Aucun ne fut officiellement inquiété par la justice française (à ce jour). Les interrogatoires durèrent parfois des heures, en présence d’officiers de police, d’officiers du renseignement de l’armée française et de « personnages » qui refusèrent de se présenter. Les listes Mirotvorets furent certainement une source importante pour les services étrangers pour identifier tous les combattants venus dans le Donbass pour aider les Républicains, qu’ils soient d’ailleurs des soldats, des humanitaires, des activistes, des politiques ou des journalistes engagés. Heureusement, même si beaucoup des volontaires français furent identifiés, parfois avec l’aide du travail de journalistes français (Street Press et Slate.fr en particulier), certains jusqu’à ce jour n’ont jamais été repérés, Dieu merci.

Georgi Touka (24 novembre 1963-), originaire de Kiev, il fit des études supérieures à l’époque soviétique, à l’école Polytechnique de Kiev (1982-1986), puis dan une école d’ingénieurs à Sévastopol (diplômé 1991). Il travailla comme cadre supérieur dans de grandes entreprises en Ukraine ( ?-2014). Il fut contaminé par l’idéologie bandériste, mais fut aussi attiré par les révolutions colorées américaines. Il vînt notamment au Caire durant les événements du Printemps arabe (2011). Il est fort possible qu’il ait été recruté à cette époque par la CIA. Toujours est-il qu’on le retrouva en première ligne du Maïdan, quelques années plus tard. Il fut l’un des participants aux violences et émeutes à Kiev durant le coup d’État financé par les USA. Il fut même blessé dans des assauts contre les Berkuts (CRS ou gardes mobiles en Ukraine, 18 février 2014). Il fonda ensuite une association de « bénévoles », à buts humanitaires, mais s’occupant en réalité d’habiller et de financer des équipements et des armes pour les soldats des bataillons de représailles (Narodni Til, printemps 2014). Son organisation prit en charge le fourniment et l’équipement de dizaines de militaires, mais envoya au front également une centaine de véhicules, une trentaine de drones et beaucoup de matériels divers. Il se présenta comme candidat du Parti Ukraine, un pays, lors des législatives de la Rada (octobre). Il ne fut pas élu, prenant la cinquième place avec quelques pourcents. C’est lui qui fonda la liste Mirotvorets (2014), avec pour objectifs de référencer les profils d’un maximum : « de traîtres, de militants, de terroristes, séparatistes, etc. ». La conséquence fut qu’il fut bientôt médaillé par le Président Porochenko (23 août). Le premier assassinat avéré qui découla de la publication des informations personnelles d’un fiché, fut celui d’Oles Bouzina (16 avril 2015). Quelques jours après cette publication, le célèbre journaliste ukrainien fut assassiné dans la rue à Kiev. Interrogé sur le fait qu’il pouvait être complice de cet assassinat, il affirma que « plus de 300 personnes affichés sur le site, ont déjà été arrêtés ou liquidés, le concept du site ne changera pas, je ne vais pas m’inquiéter de ça ». Il est certain qu’il travaillait alors pour police politique ukrainienne, la terrible SBU, et que s’il ne l’avait pas été avant, il fut recruté à cette époque par la CIA. Son pouvoir prit encore de l’importance, lorsqu’il fut nommé par le Président Porochenko, à la tête de l’administration régionale du territoire encore aux mains des Ukrainiens, de l’ancien oblast de Lougansk (22 juillet 2015). Il déclara à la presse à cette époque : « chaque jour, je deviens de plus en plus un fervent défenseur, non pas de la démocratie, mais de la dictature, le pays a besoin d’un de Gaulle, Pinochet ou Somos » (confusion mentale totale d’un cerveau malade entre le Général et l’infâme Pinochet…). Sous ses ordres et durant son activité (jusqu’au 29 avril 2016), furent commis des crimes dont nous ignorons encore l’importance, arrestations, emprisonnements illégaux, tortures de prisonniers, assassinats et opérations de rafles et de persécutions des résistants et populations russes ethniques du Donbass. Il organisa également des colonnes mobiles, en principe pour « lutter contre la contrebande sur la ligne de front », mais dont on se doute du vrai rôle. Toutefois, il s’attaqua évidemment à cette contrebande et entra en conflit avec des unités célèbres de l’armée ukrainienne, dont la 92e brigade mécanisée et le sinistre bataillon Aïdar, qu’il qualifia « de véritable gang ». Il fut encore hissé plus haut par Porochenko, vice-ministre en charge des questions sur les territoires occupés, et les personnes déplacées (dans la dialectique ukrainienne ceux des insurgés républicains), poste qu’il occupa longuement (29 avril 2016-4 septembre 2019). A noter que marié et père de deux enfants, son fils aîné s’enrôla dans les bataillons de représailles, et sa tête fut mise à prix par les insurgés de la LNR. Il fut retiré du front et l’Ukraine lui donna une garde pour sa protection. Du fait de ses activités avec Mirotvorets et du caractère secret défense de ces dernières, les informations disponibles à son propos après 2015, sont très rares et font l’objet d’une surveillance avérée des services ukrainiens.

Evguéni Volnov (4 novembre 1986-), alias Mikita Kouvikov, alias Major Tchornobaev, transfuge du Donbass né à Donetsk, où il fit des études secondaires, mais sa famille déménagea en Crimée (1998), puis à Tcherkassy. Il fut arrêté et inculpé pour tentatives d’acquisition de stupéfiants (2005), puis lança une chaîne YouTube qui eut un grand succès en Ukraine (le canal a été fermé fin 2022, pour des raisons inconnues, il comprenait des dizaines de millions de vues). Il se rendit célèbre par des canulars et appels téléphoniques, et en ahanant de nombreuses insultes, propos racistes et antisémites, ou en pratiquant la provocation en surfant et dépassant les limites de l’acceptable. Il fit bientôt du Donbass et de la Russie, son fond de commerce en diffusant sans fin des incitations à la haine et à la russophobie (2014-), au point de provoquer l’ouverture d’une procédure judiciaire contre lui en Russie (2018). Il œuvre toujours sous le format des shows, notamment sur Telegram. Il fut nommé directeur de Mirotvorets (24 avril 2018), participa au programme depuis plusieurs années, notamment organisant des appels téléphoniques à des pro-russes, des Russes ethniques de Crimée ou du Donbass, voire de Russie, afin d’obtenir des renseignements complémentaires sur les cibles et leurs familles.


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