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Mardi, 14 Oct. 2025

La Françafrique ou l’art de mettre un cheveu dans la soupe des autres

Auteur : Ilyes Bellagha | Editeur : Walt | Mardi, 14 Oct. 2025 - 12h21

De Senghor à Sarkozy, la Françafrique n’a cessé d’empoisonner les relations entre paris et l’Afrique. Derrière les discours et la morale diplomatique, c’est une double trahison qui se joue : celle d’une Afrique humiliée et celle d’une France défigurée par ses propres illusions.

On se croit toujours plus malin lorsqu’on pense avoir en face de soi des crétins. C’est ainsi que la France, voyant ses colonies lui coûter plus cher qu’elles ne rapportaient, choisit de les confier à des «pseudos chefs de nation». Même Senghor, le poète-président, ou Houphouët-Boigny, le sage supposé, conciliaient l’image d’hommes d’état respectables. Mais aucun ne se risqua jamais à remettre sérieusement en cause les intérêts de notre «ami et frère», l’ancien colon devenu partenaire obligé.

Et que dire des autres margoulins de l’histoire ? Tel l’«empereur» autoproclamé de Centrafrique, Bokassa Ier, grotesque caricature de grandeur qui ne fut que le pantin de ses maîtres. Ce continent, saturé de chiffres terribles sur les coups d’État, n’a cessé de voir ses destins basculer en un clin d’œil. un jour, un chef d’État ne se réveille pas ; le lendemain, il a changé de camp. Hier, il offrait des câlins diplomatiques à sa dulcinée, la France ; aujourd’hui, il lui tourne brutalement le dos. La constance, en Françafrique, n’a jamais été la fidélité mais l’opportunisme.

La France, quant à elle, a même raté l’occasion, à la limite, de ne rien faire. Au lieu de laisser le temps apaiser les plaies, elle a préféré en rouvrir d’anciennes. qu’on se souvienne du discours de Dakar, prononcé par Nicolas Sarkozy : une rhétorique condescendante, présentée comme un hommage à l’Afrique mais résonnant comme une gifle. Ce jour-là, on rappela aux peuples que, malgré les indépendances proclamées, l’ancien maître restait convaincu d’avoir des leçons à donner. Plutôt que le silence, c’était l’arrogance qui reprenait le micro.

Et voici que l’histoire se poursuit. Les dirigeants français, et les médias qui leur servent de porte-voix, aiment encore se présenter comme les arbitres de l’histoire. Mais aujourd’hui, la scène a changé. Les peuples et les États qui se débarrassent du fardeau français ne le font pas seulement par colère ou nostalgie révolutionnaire. Ils le font pour regarder ailleurs. Et ce «ailleurs», de plus en plus souvent, se nomme la chine. Non pas par amour des nouveaux partenaires, mais parce qu’entre deux maîtres, on choisit parfois celui qui, au moins, vous construit une route ou une centrale électrique. La soupe française, avec son cheveu rance, a fini par dégoûter tant d’invités qu’ils préfèrent désormais s’asseoir à une autre table.

Mais au moment même où les peuples africains tournent le dos à paris pour se tourner vers pékin, les médias français continuent de psalmodier leur rôle de vigies démocratiques. dans les colonnes du monde, sur les ondes de RFI ou dans les plateaux de France 24, on répète les mêmes refrains : corruption endémique, coups d’État inquiétants, manipulation des foules. tout est vrai, en partie. Mais la vérité qu’ils taisent, c’est que ces maux ont été nourris des décennies durant par la Françafrique elle-même. Et à force de servir les discours officiels, ces médias ne sont plus perçus comme des observateurs mais comme des procureurs, ou pire : comme des porte-parole d’un pouvoir qui se délite.

L’Afrique ne veut plus de ce rôle de victime qu’on lui colle, comme une étiquette commode pour nourrir les dîners mondains et les salons des bobos parisiens. Là où l’on verse une larme attendrie sur le sort du continent, c’est bien souvent la larme d’un héritage mal digéré : celle du «papa» qui a trop mangé et qui demande pardon sans jamais rendre ce qu’il a avalé. Mais les peuples africains, eux, ne veulent pas de cette compassion intéressée. Ils ne réclament pas des larmes, ils réclament du respect.

La majorité d’entre eux sont des noirs, mais certains portent en eux un «cœur blanc», un héritage mêlé qui leur vaut souvent un regard suspect. Doivent-ils alors être considérés comme des réfugiés de l’histoire ? Un agressé n’accepte pas d’être éternellement malmené. Chacun traîne son passé comme une croix, mais ce fardeau ne doit pas condamner au rôle de victime perpétuelle. La France n’a pas à demander pardon éternellement ; elle a à regarder vers l’avenir, en prenant soin non seulement de sa propre maison, mais aussi de la soupe de ses voisins, là où un cheveu mal placé peut tout gâcher.

L’histoire n’a pas besoin d’être soutenue par des colonnes de chiffres ni même par les statistiques des migrations. Elle repose sur une vérité plus simple : celle de la dignité. Non pas seulement la dignité des peuples africains, mais aussi celle du peuple français lui-même. Car en fin de compte, ce cheveu que l’on a jeté dans la soupe de l’Afrique n’est autre qu’un cheveu arraché du cuir chevelu français. Ce n’est pas seulement l’Afrique qui en a pâti, c’est aussi la France, trahie par ses propres dirigeants, qui a laissé son image et sa dignité se diluer dans ce plat amer.


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