Ces voix dans nos têtes – L’ingénierie sociale moderne dans le «monde libre» (3/3)

Bien que les démocraties modernes nient ou ignorent délibérément le concept d’âme, leurs services secrets s’emploient à élaborer les moyens qui rendent possible le contrôle de celles-ci tant au niveau individuel que collectif. Des techniques de fragmentation et de dissociation du programme MK-Ultra au contrôle des masses par les drogues, le plaisir et le divertissement mais aussi par la terreur, il y a moins d’un pas. Mais loin d’être une invention moderne, et loin de se confiner aux régimes dit autoritaires (selon la logique de la désignation de l’ennemi), le contrôle mental n’est pas une invention moderne et s’inspire largement de pratiques occultes ancestrales, dont il reprend les recettes ; la lettre mais pas l’esprit.
Cet article a été publié dans le numéro 483 de l’Antipresse, journal de Slobodan Despot.
Tout compte fait, lorsqu’on se penche sur les pratiques et les intentions du façonnement scientifique de l’âme humaine, on finit par retomber sur des «sciences» qu’on n’appelait pas «occultes» sans raison.
« Il y aura dès la prochaine génération une méthode pharmaceutique pour faire aimer aux gens leur propre servitude, et créer une dictature sans larmes, pour ainsi dire, en réalisant des camps de concentration sans douleur pour des sociétés entières, de sorte que les gens se verront privés de leurs libertés, mais en ressentiront plutôt du plaisir. » Aldous Huxley (discours prononcé en 1961 à la California Medical School de San Francisco)
MAGIE NOIRE AU GOÛT DU JOUR
Le philosophe Descartes avait introduit le ver mécanique dans le fruit biologique avec la théorie de l’animal machine. Si ni l’animal ni l’humain ne sauraient être réduits à des machines, ni le cerveau à un ordinateur, une relative mécanisation est possible (à l’échelle collective ou individuelle), à la condition d’une relative déshumanisation, c’est-à-dire atteinte à la psyché par des méthodes de manipulation psychologiques, scientifiques et techniques. C’est d’ailleurs le principe même de l’ingénierie sociale au service de la réduction des risques et de la paix sociale. Cette mécanisation a aussi fait l’objets d’approches plus invasives dans le cadre de la violence étatique et des services secrets, par exemple dans le cadre de programmes de contrôle mental comme MK-Ultra, Bluebird et Artichoke, entre autres, de la CIA.
Le programme MK-Ultra est de notoriété publique, si bien que même un article de Radio France explique que la série Netflix Stranger things en est largement inspiré (1). Incidemment, le 3 octobre 1995, face à l’accumulation de révélations (le programme avait été rendu public par la presse en 1975), le président américain Bill Clinton a été contraint de formuler des excuses publiques concernant les expériences ayant eu lieu sur le sol américain (2).
Il n’est pas forcément anecdotique que le directeur du projet MK-Ultra, Sidney Gottlieb, juif originaire de Hongrie, ait été surnommé le Sorcier noir dans la mesure où la science moderne renouait tout à coup avec des objectifs existant déjà dans des pratiques archaïques. Les recherches de Gottlieb portaient sur l’administration de diverses drogues, dont le LSD, mais aussi sur les électro-chocs. Fred Emery et Eric Trist travailleraient à l’Institut Tavistock sur les applications expérimentales de la forme de chaos social la plus achevée : la “dissociation” de l’individu. Il s’agit de l’état dans lequel la personne individuelle s’identifie à la société en elle-même et se dissocie de sa personnalité d’origine.
Le cinéma fournit des illustrations assez fidèle de ces expériences de programmation mentale de l’individu avec la trilogie Bourne ou The Mandchurian candidate, dans lesquels des personnages programmés accomplissent des actes sans en être conscients ni en conserver de souvenir. Ces théories, qui correspondent systématiquement à des découvertes expérimentales sur sujet humains, ouvrent la porte aux projets de la CIA Bluebird, renommé par la suite Artichoke, dirigé par Allen Dulles.
LES APPRENTIS SORCIERS
Tout à coup avec l’exploration des mystères de la conscience, de la volonté et de la mémoire, la “science” moderne rejoint donc les sciences occultes. Je préciserai ici qu’avant d’être les sympathiques morts-vivants que nous représente le cinéma depuis la fin des années 60 (probablement inspirées par les émeutes raciales, sur les braises desquelles avait probablement soufflé la CIA) les zombies étaient des êtres sous contrôle selon les pratiques de la magie vaudou (comme en donne une représentation le beau film de Jacques Tourneur I walked with a zombie), pratique à laquelle s’est intéressée la CIA, ainsi qu’à d’autres. C’est avec le cinéma contestataire que le zombie devient le mort qui marche ; il est vrai que d’un point de vue strictement spirituel, il n’y a guère de différence entre un mort et une personne ne vivant plus que par et pour la société de consommation (comme dans Dawn of the dead, George Romero, 1978).
La tâche de ces services secrets était d’explorer les techniques permettant de rendre le cerveau manipulable. Sur les individus comme sur les groupes, les premières conditions à créer sont ce que j’appellerais une sorte d’effet tunnel : une monopolisation de la conscience et de l’attention en vue de créer une réalité parallèle ou strictement encadrée, ce qui est une des fonctions de la télévision (avec l’aggravation de la pensée unique qui s’est observée depuis 2001) et aussi une des stratégies des psychopathes manipulateurs, qu’ils se présentent sous la forme d’individus ou de groupes organisés, publics ou privés (précisons que le psychopathe est celui qui est devenu maître dans l’art d’entretenir la confusion à son profit).
Les techniques employées sont la drogue (LSD synthétisé à la fin des années 30 et sur lequel a expérimenté Aldous Huxley), diverses formes d’hypnose, et des mesures encore plus extrêmes, telles, selon Daniel Estulin, celles développées par le docteur Ewen Cameron à Montreal : séances de privation sensorielle dans l’intention d’effacer la conscience pour pouvoir en « enregistrer » une nouvelle à la place. Ces recherches ne se contenteraient pas de converger avec les techniques des sciences occultes : les chercheurs essaieraient de mieux connaître leur fonctionnement afin, comme dans le programme MK-Ultra (MK = Mind control, c’est-à-dire contrôle de l’esprit) qui parviendrait à créer des personnalités fractionnées composées de faux souvenirs.
Ces pratiques se rapprochent des cultes anciens d’Eleusis, du tantrisme, des différents chamanismes et de la Kabbale (le mysticisme juif, qui est apparu en réaction au rigorisme talmudique) à ceci près que l’élévation spirituelle est évidemment absente des objectifs de la CIA (quelles que soient les critiques formulables à l’encontre de ces divers mouvements religieux et spirituels). Cela s’apparente donc à de la magie noire.
Il suffit de faire un pas mental en arrière pour deviner les véritables implications de l’expression “guerre psychologique” dont l’application est entre les mains de gouvernements qui ont tout pouvoir sur nous (dont une illustration possible serait le roman de Colin Wilson Les vampires de l’espace).
C’est en 1977 que le U.S. Senate Church Committee investigation a rendu publiques vingt-cinq années d’activités criminelles de la CIA : expérimentation secrète avec des drogues psychotropes, manipulation psychologique des masses, techniques de torture et de la lavage de cerveau à la nord-coréenne. Le New York Times a dénoncé le docteur Louis West comme un des principaux destructeurs de l’esprit au service de la CIA. Pour se former une idée des méthodes artisanales, je recommande de visionner le très sobre documentaire, malheureusement difficile à trouver, La décomposition de l’âme, sur les méthodes d’interrogatoire et de torture psychologiques employées en Allemagne de l’Est ; la tragique ironie de tous ces programmes étant que la destruction de l’âme implique qu’on croie à celle-ci, ce qui est le grand paradoxe des sociétés matérialistes, qu’elles soient libérales ou socialistes.
Dans un mémo obtenu par le New York Times, les drogues sont reconnues comme un moyen efficace de contrôle de la paix sociale en ce qu’elles détournent les contestataires de l’action. Sans dénigrer ce que les musiques pop et rock ont pu produire d’exaltant, il faut admettre qu’elles ont fait partie de mouvements pilotés par les divers organismes assujettis à la CIA : quel meilleur moyen de faire croire à la rébellion de la jeune population des pays occidentaux qu’en les séduisant grâce à un mouvement culturel contestataire axé sur la jouissance physique individuelle (atomisée) et la tolérance en matière de consommation de drogues, bref, la liberté de s’empoisonner et la « liberté » sexuelle (notion qui instaure une confusion entre les sphères intime et publique).
Il suffit d’observer la complaisance dont font preuve les gouvernements si préoccupés d’environnement et de santé publique vis-à-vis des techno-parades pendant deux décennies…
CONNEXIONS AVEC LE TERRORISME
Pendant américain de Tavistock établi en 1963, l’Institute for Policy Studies, financée par Rockefeller, était-il vraiment un instrument de lutte et de contrôle contre le terrorisme ? Il était censé surveiller toutes sortes de pseudo associations (groupes nationalistes noirs, mouvements anti-guerre, et groupes terroristes tels que les Weathermen Underground – équivalents américains de la bande à Baader et des Brigades rouges). Dans le même temps, les membres de groupes terroristes ou violents étaient recrutés soit parmi des personnes à tendance psychotique, soit parmi des personnes rendus potentiellement psychotiques par des programmes de lavage de cerveaux dans lesquels avaient été employées des drogues (principalement le LSD). Un des principaux théoriciens de l’IPS était Noam Chomsky (3), pour qui l’objectif principal de la création de l’IPS était de prendre le contrôle de la radicalisation de jeunesse étudiante et de la détourner des partis socialistes existants et de canaliser ce radicalisme étudiant afin de pourvoir l’appareil de contre-insurrection en expansion autour du concept de communauté de contrôle local conçu par John Rawlings Rees, aussi directeur du WFMW (World Federation for Mental Health).
Une des spécialités de la CIA est d’infiltrer et de détourner des mouvements contestataires, qu’ils soient à vocation violentes ou non afin d’en faire des instruments de déstabilisation, jusqu’à provoquer des coups d’État, dont l’Amérique latine a amplement fait les frais, tandis que dans les années 70, l’Italie souffrait de vagues d’attentats menés par les mouvements terroristes récupérés par les réseaux Gladio (faisant partie des cellules Stay-behind créées par l’OTAN juste après la deuxième guerre mondiale).
L’institut d’Études Politiques gérait aussi une filière estudiantine, appelées Students for Democratic Society dédiée aux drogues et à la révolution. Pour financer cette filière, Paul Warburg utilisa des fonds de la CIA (20 millions de dollars) pour assurer la promotion des émeutes estudiantines des années 1960.
Selon Daniel Estulin, la Nouvelle gauche américaine (New left), le Watergate, le mouvement hippie, le mouvement contre la guerre au Vietnam et la contreculture seraient des opérations d’ingénierie sociale directement ou indirectement développées selon les techniques de l’Institut Tavistock.
LIBERTÉ CHÉRIE
Dans sa préface au Meilleur des mondes, Aldous Huxley écrit : « À mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation. Et le dictateur (à moins qu’il n’ait besoin de chair à canon et de familles pour coloniser les territoires vides ou conquis) fera bien d’encourager cette liberté-là. » On omet systématiquement de rappeler qu’en plus du tableau d’une société entièrement conditionnée par l’eugénisme, Le meilleur des mondes est une dystopie où la famille est une institution dangereuse qui n’existe plus que dans des zoos humains, et où les “individus” sont encouragés à avoir des relations sexuelles les uns avec les autres, comme dans le roman Nous autres d’Eugène Zamiatine, précurseur et inspirateur du Meilleur des mondes, et à s’étourdir régulièrement grâce à des cocktails de drogues. Aujourd’hui, la famille subit les dernières attaques sous le forme des mythes de la culture du viol, de la masculinité toxique (elle ne l’est pas par essence, ce qui est pourtant ce que voudraient faire croire les mouvements « féministes » radicaux, et l’idéologie « trans » (mais aussi le lobby LGBT, ainsi que tous les groupuscules minoritaires dominants dits victimaires, véritablement fanatiques et dont la représentativité est le résultat de financements oligarchiques et de la pléthorique domesticité (expression de Guy Debord) médiatique ; tous ces mouvements pouvant être considérés comme de véritables grenades d’ingénierie sociale.
La tyrannie technocratique adopte donc les traits d’une maternité abusive et incestueuse, dans le sens fusionnel et non dans le sens sexuel de ce mot, car la fusion entre l’enfant et la mère n’est rien d’autre que l’indistinction, le contraire de l’individuation (c’est-à-dire la possibilité pour l’être dépendant de devenir autonome). Dans Gouverner par le chaos, Lucien Cerise la décrit comme un immense utérus artificiel, c’est-à-dire dénué de frontières (4) et de contradictions ». Encore une fois la fiction, avec la série de films The Matrix s’impose comme un reflet fidèle des ambitions démiurgiques du contrôle par la science. Cette tyrannie sécuritaire et matricielle est le projet d’individus sincèrement persuadés de mener l’humanité vers un avenir exempt de tout conflit ; ainsi le directeur du World Economic Forum Klaus Schwab est un pacifiste convaincu – même si la sagesse populaire est censée être armée pour se défier des pavés de bonnes intentions…
Plus près de nous, le cyber-technocrate et auteur du livre à succès : Homo Deus, Yuval Noah Harari, considère que l’humain est devenu « piratable » à partir du moment où une organisation le connaît mieux qu’il ne se connaît lui-même. Selon le même curieux personnage, le libre arbitre n’existe pas. Il n’y aurait de place que pour le déterminisme et le hasard. Harari lui aussi imagine un futur dans lequel les improductifs seront maintenus sous contrôle par un cocktail de drogues et de divertissements (voyons les choses en face : c’est déjà largement le cas, encore qu’il faudrait étendre la définition de ces mots).
Mais Harari se trompe : l’homme n’est pas devenu piratable, il l’a toujours été. C’est à la fois une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle puisque d’une part il est vrai que si tout système produit les êtres qui y sont adaptés, il contient aussi systématiquement le germe de sa propre destruction. L’homme piratable est en même temps armé contre le piratage il n’y a pas de raison pour que l’adage Knowledge is power (la connaissance, c’est le pouvoir) ne soit vraie que pour les puissants. L’oligarchie au pouvoir l’a si bien compris que ses efforts pour nous faire vivre dans une matrice de mensonge et l’agressivité de ses méthodes révèlent en négatif le danger potentiel que nous représentons pour elle.
Envoyé par Ludovic - Le blog de Ludovic Joubert
Notes:
- http://www.radiofrance.fr/franceinter/stranger-things-le-projet-secret-de-la-cia-qui-a-inspire-la-serie-netflix-14306002.
- Documentaire Les cobayes de la CIA : www.youtube.com/watch?v=87IRnJNsWCE ; voir également pour l’exemple la page wikipedia consacrée à Candy Jones, mannequin et espionne ayant probablement subi le programme MK-Ultra : https://fr.wikipedia.org/wiki/Candy_Jones
- Noam Chomsky, comme les principaux penseurs de la gauche plus ou moins radicale : Slavoj Zizek, et Alain Badiou, se convertirait automatiquement au covidisme. Ce n’est guère étonnant dans la mesure où les efforts conjoints de l’OMS et du FEM (avec son slogan hallucinant : « Vous serez heureux et vous ne posséderez rien »), vont dans le sens socialiste d’un contrôle total de l’humanité pour son bien. Il est vrai que l’esprit embrumé de la gauche radicale est singulièrement inapte à imaginer que le gouvernement puisse lui vouloir autre chose que du bien.
- Il faut entendre ici toutes les sortes de frontières possibles et imaginables : géographiques bien sûr mais aussi sexuelles, générationnelles (disparition de la distinction entre adulte et enfant), morales (dissolution de la différence entre bien et mal), sémantiques (dilution du sens des mots, qui n’est plus que l’objet du caprice du pouvoir, comme dans la formule « La guerre c’est la paix, la liberté, c’est l’esclavage, l’ignorance, c’est la force » (1984, George Orwell)). À propos du concept même d’adulte, et donc de responsabilité, remarquons que d’une part les programmes de l’OMS prétendent enseigner le consentement à des enfants ou des adolescents et que d’autre part, ils retirent aux parents tout exercice de ce consentement. Un précédent avait été créé lors du confinement, où en Belgique notamment, pouvaient se voir infliger une amende non seulement un client de magasin ne portant pas de masque, mais aussi le gérant ou propriétaire du magasin, réalisant ainsi la disparition du concept d’adulte responsable.
Articles précédents:
Ces voix dans nos têtes – L’ingénierie sociale moderne dans le «monde libre» (1/3)
Ces voix dans nos têtes – L’ingénierie sociale moderne dans le «monde libre» (2/3)
- Source : Antipresse