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Mercredi, 24 Avr. 2024

Ukraine – Le jeu trouble de la Turquie face à la Russie

Auteur : Karine Bechet-Golovko | Editeur : Walt | Mercredi, 14 Avr. 2021 - 07h36

Alors que le 9 avril, les présidents russe et turc discutent par téléphone du Covid et de la vente de vaccins en même temps que du tourisme, des sujets économiquement non-négligeables, le lendemain, le 10 avril, le même président Erdogan, rencontrant son homologue ukrainien, lui assure de son soutien dans sa lutte contre « le séparatisme » (le Donbass ?) et se prononce fermement pour l’intégrité territoriale ukrainienne, dénonçant « l’annexion » de la Crimée et soutenant l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Soit il y a eu un bugue du calendrier diplomatique, soit il y a un conflit des priorités – aussi surprenant qu’inquiétant dans le contexte géopolitique actuel.

Le 9 avril, Erdogan et Poutine discutent par téléphone de la situation du coronavirus – c’est quand même un impératif global, manifestement incontournable. Cela est d’autant moins incontournable, que certains intérêts économiques sont en jeu, notamment les vaccins, dont l’export à Ankara pourrait suspendre l’envie d’interruption par la Russie des lignes aériennes à l’ouverture de la saison touristique, alors que les chiffres officiels covidiens sont en hausse en Turquie.

Le 10 avril, Erdogan reçoit Zelensky et fait un certain nombre de déclarations montrant si besoin est, à quel point la Turquie n’est pas un allié de la Russie, quels que soient les intérêts économiques en jeu. Ainsi, Erdogan dénonce « l’annexion » de la Crimée et soutient l’intégralité territoriale ukrainienne. Bien que se posant en défenseur des accords de Minsk (qui prévoient le maintien du Donbass dans l’Ukraine) et pour une solution politique au conflit dans le Donbass, il annonce renforcer la coopération militaire avec l’Ukraine – pour l’aider à lutter contre le terrorisme et le séparatisme. Il s’agit bien d’un double discours, mais conduisant finalement à presque proposer son aide pour lutter contre le Donbass. Sur le plan diplomatique aussi, il soutient la « Plateforme de Crimée », qui est lancée pour le retour de la Crimée en Ukraine.

De plus, malgré les déclarations fermes de Moscou mettant en garde contre un risque d’escalade du conflit, Erdogan a formellement soutenu justement l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Par ailleurs, l’on soulignera l’intérêt porté aux fameux Tatars de Crimée, dont l’instrumentalisation est parfaitement utile à Erdogan, afin de renforcer l’islamisation de la région, de la terre sacrée orthodoxe.

Par ces prises de position, Erdogan met directement la Russie au défi et annonce accepter a priori le conflit avec elle.

Autrement dit, après avoir eu une gentille discussion de business men avec Poutine, le lendemain, en chef d’État, il développe ses intérêts stratégiques et s’invite ouvertement, cette fois, dans le conflit du Donbass, à nouveau aux portes de la Russie, comme avec le Haut-Karabakh.

Question provocatrice : la Crimée vaut-elle bien un vaccin ?

***

La Turquie met un pied en Ukraine…

Il est assez clair que la Turquie poursuit des objectifs géostratégiques spécifiques en Ukraine sous couvert d’un partenariat stratégique avec Kiev. Ces objectifs turcs n’ont rien à voir avec les objectifs stratégiques d’hégémonie poursuivis par Washington et l’OTAN visant à affaiblir la Russie.

La Turquie vise la récupération d’une partie du territoire ukrainien.

La proposition d’assistance militaire turque à Kiev et la tenue d’un Conseil stratégique turco-ukrainien à Istanbul vise moins la Russie avec laquelle la Turquie entretient une relation fort ambiguë mais souvent proche qu’une entrée de plein pied de la Turquie dans le pandémonium ukrainien.

Source: TRT

Avec un allié comme Erdogan, le président ukrainien Zelensky n’a désormais besoin d’aucun ennemi. La vague allusion turque à une assistance pour la “libération de la Crimée” en dit long sur la nouvelle stratégie turque telle qu’elle s’est déployée en Syrie, en Libye et en Irak. Pour la Turquie, la Crimée demeure un ancien territoire Ottoman et l’influence d’Ankara sur les musulmans de Crimée demeure un levier assez redoutable. La Russie a d’ailleurs récupéré la Crimée grâce à l’apport décisif de ses propres populations musulmanes du Caucase et plus particulièrement les forces spéciales tchétchènes.

Or le Sultan a évoqué le maintien de la Crimée dans la zone influence de Kiev. Une affirmation politicienne tactique qui ne reflète en aucun cas le fond de la pensée du président turc Reçep Tayyip Erdogan selon des analystes russes. Pour ces derniers, Erdogan est beaucoup trop habile par rapport à son homologue ukrainien manquant cruellement d’expérience. La vente de drones turcs à l’Ukraine suit l’implication de plus en plus flagrante des services spéciaux turcs en Ukraine et pour des observateurs militaires russes, cet activisme préfigure une situation dans laquelle le pouvoir de Kiev pourrait se faire “dévorer” par le Turc sous le nez de l’ensemble des autres pays de l’OTAN qui poussent Kiev à déclencher une guerre suicidaire contre la Russie.

En discours diplomatique, la Turquie appelle à la réduction des tensions dans la région du Donbass au moment où l’Ukraine veut intégrer l’OTAN à n’importe quel prix. Les ukrainiens ont déjà perdu des fleurons de leurs industries militaires, partagées entre les américains et les chinois. La venue des Turcs vise ce qui reste et, comme l’a si bien résumé un analyste turc, tout le reste.

Strategika51


- Source : Russie politics

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