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Les journalistes : obéissants, ou traités comme des « délinquants ? »

Auteur : Nexus | Editeur : Walt | Lundi, 21 Sept. 2020 - 08h54

Le titre de l’article du journal Libération du 18 septembre 2020 nous a immédiatement interpellés en tant que journalistes : « Journalistes et observateurs pourront être interpellés en couvrant des manifs ». Si nous n’avions jamais lu un tel contenu jusqu’à présent, il est vrai que ce que nous avons vécu pendant les récentes manifestations que nous avons couvertes nous a donné un aperçu de ce qui se préparait.

Une expérience cuisante

Pris dans la nasse, il n’a pas été facile pour nous d’en sortir à la manifestation du 29 août 2020 contre le port du masque obligatoire, place de la Nation à Paris, ainsi qu’à la manifestation organisée par les Gilets jaunes le 12 septembre 2020. Rappelons que la carte de presse n’est pas obligatoire pour pouvoir exercer le journalisme, mais le 29 août, elle nous l’a été demandée pour pouvoir sortir de la nasse. À défaut de pouvoir en présenter une, à force de négociations, nous avons pu finalement sortir, mais le 12 septembre, alors que l’un d’entre nous en avait une, il a fallu profiter d’une faille dans l’encerclement pour pouvoir nous échapper.

Sommés de quitter le navire comme tout le monde

D’après le schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) rendu public par le ministère de l’Intérieur le 17 septembre 2020 partir de maintenant, après sommation de dispersion, même les journalistes seront tenus de ne pas rester. « Il importe à cet égard de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations. Dès lors qu’ils sont au cœur d’un attroupement, ils doivent comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser. En clair, les journalistes et les observateurs des différentes ONG pourraient ainsi être interpellés et poursuivis, faisant fi de leurs impératifs professionnels ».

Des journalistes considérés comme délinquants ?

Si les journalistes seront considérés comme commettant un délit, et donc une infraction, qui donc pourra être témoin de ce qui se passe pour les manifestants qui refusent de se disperser ? Et qu’en sera-t-il de leur protection étant donné que « Eu égard à l’environnement dans lequel ils évoluent, les journalistes peuvent porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ou provocation » ? Qu’allons-nous encourir comme risques et sanctions si nous souhaitons filmer un évènement contestataire jusqu’au bout ? Être considérés automatiquement comme des contestataires nous-mêmes ? Avoir des amendes ? Finir en garde-à-vue ? Être privés nos équipements de protection ? Comme si le fait de mettre la lumière sur un évènement témoignait de notre adhésion aux valeurs qui y seront défendues ? Et quand bien même cela serait le cas, ne pourrons-nous plus exercer notre profession librement ?

Une protection sous conditions

Il faudra coopérer avec les forces de l’ordre et se tenir là où ils nous le demandent si on comprend bien ce que le ministre de l’Intérieur répond à Libération : « Le SNMO prévoit un meilleur contact des forces de l’ordre avec les journalistes, ce qui concourt à un meilleur positionnement de leur part, permettant un déroulement optimal de l’opération de maintien de l’ordre. (…) En revanche, la loi ne prévoit aucune exception. L’opération d’évacuation (tir de grenades, vague de refoulement, charge) ne peut discriminer, notamment lorsque journalistes et manifestants sont imbriqués. La présence de journalistes ne doit pas venir gêner la manœuvre de maintien de l’ordre. Il n’y a donc pas de garanties permettant aux journalistes de se maintenir en place ».

Dominique Pradalié, secrétaire générale de Syndicat national des journalistes (SNJ) a -t-elle raison lorsqu’elle déclare : « On veut transformer les journalistes en propagandistes, comme les États-Unis l’ont éprouvé pendant la guerre du Golfe » ? Elle évoque les 200 journalistes empêchés de travailler selon le SNJ depuis un an et demi. Argument auquel le média fait écho dans un article du 14 septembre 2020 intitulé « Des journalistes empêchés de travailler pendant la manifestation des Gilets jaunes »  qui dresse une liste de journalistes interpellés, mis en garde à vue, au matériel de protection détruit, voire frappés. Heureusement, Dominique Pradaliée semble bien déterminée à protéger la liberté journalistique : « Nous allons donc réaffirmer la liberté des journalistes, qui est de pouvoir être témoin de tout, partout et en tout moment ».

Reporterre du 14 septembre 2020


- Source : Nexus

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