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Le coût des sanctions contre Moscou : des données édifiantes

Auteur : Laurent Dauré | Editeur : Walt | Lundi, 03 Juill. 2017 - 11h55

Les dirigeants européens ont décidé le 22 juin de prolonger de six mois les sanctions contre Moscou, arguant que la partie russe ne respecterait pas les accords de paix de Minsk.

L’UE et les États-Unis ont imposé les premières sanctions en mars 2014, suite au rattachement de la Crimée à la Russie après un référendum au résultat massif (96,77 %). Rappelons que la péninsule est russe depuis le XVIIIe siècle et qu’elle avait été transférée de la Russie à l’Ukraine en 1953, une décision strictement interne à l’URSS.

Les sanctions, qui ont été étendues à plusieurs reprises, portent sur des personnes (au nombre de 189, issues des sphères politique et économique) et des entreprises (plus de 400 en comptant celles qui sont ciblées à cause de leur association avec une firme figurant sur les listes noires). Elles sont de divers types : gel d’avoirs, impossibilité d’obtenir un visa pour venir dans un pays de l’UE ou aux États-Unis, embargo sur certaines exportations – notamment dans les domaines de la défense et de l’énergie –, interdiction pour les entreprises américaines et européennes de commercer avec les firmes russes ciblées ou d’investir dans celles-ci, etc.

En réaction à ces punitions euro-atlantiques, Moscou a pris des contre-sanctions. Outre des interdictions de visa, il s’agit principalement d’un embargo mis en place en août 2014 sur un grand nombre de produits alimentaires en provenance des pays de l’UE et des États-Unis (la Norvège, l’Australie et le Canada sont également concernés).

Une étude issue du département d’État US publiée en janvier 2017 tente d’évaluer l’impact des sanctions et contre-sanctions. Comme l’indique son titre – « Measuring Smartness » –, le but est aussi de déterminer si les sanctions sont « intelligentes », c’est-à-dire, selon les auteurs, si elles frappent « les objectifs visés avec des dommages collatéraux relativement limités ».

Les deux chercheurs à l’origine de ce travail méticuleux précisent que la chute du prix du pétrole complique les calculs, isoler l’effet des sanctions s’avérant parfois difficile.

Selon l’étude, les sanctions contre Moscou sont à la fois « efficaces » et « intelligentes », causant une baisse du PIB russe de l’ordre de 1 % à 1,5 %. Un rapport du FMI de 2015 utilisant une méthodologie différente anticipait les mêmes résultats.

Les sanctions et contre-sanctions ont coûté à la France 900 millions d’euros pour la seule année 2016. Une donnée que les médias dominants ne s’empressent pas de porter à la connaissance des Français.

Les deux universitaires écrivent : « En moyenne, une entreprise ciblée par des sanctions (ou une firme partenaire d’une entreprise ciblée) perd environ un tiers de ses revenus d’exploitation, plus de la moitié de sa valeur d’actif et autour du tiers de ses employés par rapport à des entreprises non ciblées (ou non associées à des entreprises ciblées). » Derrière les sanctions, il y a donc des licenciements massifs, conséquence sociale que les médias et partis installés se gardent bien de signaler.

Pour les pays membres de l’UE, l’impact médian des sanctions et contre-sanctions est évalué à -0,13 % du PIB. En 2016, les données indiquent une baisse de 0,11 % du « PIB européen », soit 16 milliards d’euros. Pour la France seule, même si la perte peut sembler minime à première vue (-0,04 % du PIB), elle équivaut tout de même à 900 millions d’euros sur la seule année 2016. Là encore, les commentateurs autorisés ne s’empressent pas de porter à la connaissance des Français cet élément d’appréciation, particulièrement pertinent en période d’austérité.

C’est le secteur agricole qui a été le plus durement touché. D’après une étude du Centre analytique (un organisme rattaché au gouvernement russe) citée par Le Monde, le « volume des exportations françaises […] serait ainsi passé de 386,8 millions de dollars (347,3 millions d’euros) à 23,3 millions ». Mais il est indécent de compter, les agriculteurs français ayant le devoir moral de se sacrifier pour mater l’ours russe.

Autres données intéressantes qui montrent au passage que la politique étrangère prime parfois l’intérêt économique : les États membres de l’UE les plus affectés par les sanctions et contre-sanctions sont les pays baltes (avec un record de -1,44 % du PIB pour la Lituanie), la Pologne et la Finlande. Les pays européens les plus enthousiastes vis-à-vis des sanctions contre la Russie sont donc ceux qui en subissent les conséquences les plus lourdes sur le plan économique.

L’étude du département d’État américain permet en somme de mesurer le coût de l’hystérie anti-russe (largement dictée par le néoconservatisme US qui reste dominant malgré l’élection de Donald Trump). Où l’on voit que parfois le capitalisme doit s’effacer devant l’impérialisme. Quand on hait, on ne compte pas.

Et justement, qu’en est-il de l’impact des sanctions et contre-sanctions sur les États-Unis eux-mêmes ? D’après EUobserver, leur PIB n’a baissé que de… 0,005 %. Avec un tel bilan, on comprend que le Sénat américain ait récemment adopté un projet de loi visant à encore renforcer les sanctions contre Moscou.


- Source : Ruptures

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