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La justice est en grave danger,… et ce sont les juges qui le disent

Auteur : Gilles Devers | Editeur : Walt | Jeudi, 04 Févr. 2016 - 23h34

Sous Hollande, et après le travail de sape de Valls, de l’icône et de Cazeneuve, l’accès des citoyens à un juge indépendant et impartial n’est plus assuré. Ce n’est pas le blog qui le dit, ni un syndicat, mais la réunion, dans un unanimisme inédit, du premier président de la Cour de cassation et des premiers présidents des cours d’appel, depuis le site de la Cour de cassation. Hier soir, ça ne faisait pas la une des plateaux-télé, mais ne vous trompez pas : cette déclaration est d’une importance considérable pour ceux qui estiment que l’État de droit reste encore notre référence, et qu’il n’a pas sombré devant les vicieuses raisons de l’État sécuritaire.

Les magistrats, et surtout les juges du siège, sont tenus à une stricte obligation de réserve, laquelle joue particulièrement pour les chefs de juridiction. C’est dire si l’acte est déterminé. De plus, cette déclaration est inconcevable sans un consensus avec les magistrats des cours, les présidents des tribunaux, et le Parquet. Ce texte révèle un véritable séisme.

Deux données fondent de cet appel, qui est fondateur.

La première est liée à la lassitude de voir des gouvernements qui n’ont à la bouche que le mot-tiroir « valeurs de la République » mais qui refusent de donner au ministère de la Justice les moyens de son fonctionnement, par des apports budgétaires, l’indépendance du Parquet et une vraie réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Des décennies de promesses, des discours à en être saoulé, et rien de concret, laissant la justice française à l’épreuve des condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Le second volet est plus circonstanciel, mais il a été décisif dans cette déclaration. C’est ce que le texte appelle « des réformes et projets législatifs en cours », à savoir la loi du 20 novembre 2015 qui élargit les méthodes de l’état d’urgence, et le projet de loi qui va inscrire dans le Code de procédure pénale les méthodes de l’état d’urgence, pour le pérenniser. Fait significatif, cette déclaration est intervenue 48 heures avant que le Conseil d’État valide le projet de loi, lequel conforte le rôle du Conseil d’État.

Pour les non-juristes, cela peut paraître de l’argutie. En réalité, et quelles que soient les critiques qu’un avocat puisse faire sur les retards et déboires de l’autorité judiciaire, il est essentiel pour l’avenir de nos libertés dans les décennies qui viennent – donc la vie de nos enfants – de faire des choix justes : Où situez-vous la balance entre l’ordre et les libertés ? Voulez-vous que les juges soient indépendants et impartiaux ? Pensez-vous que la société de demain va se forger grâce au contrôle et à la répression, ou par l’attachement viscéral aux droits et libertés ?

DELIBERATION COMMUNE DU PREMIER PRESIDENT DE LA COUR DE CASSATION ET DES PREMIERS PRESIDENTS DES COURS D’APPEL ADOPTEE LE 1ER FEVRIER 2016

En ce début du XXIe siècle, la place faite à l’Autorité judiciaire au sein des institutions de la République suscite de légitimes et graves interrogations.

Le rôle constitutionnel de l’Autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est affaibli par des réformes et projets législatifs en cours.

Les mises en cause répétées de l’impartialité de l’institution et de ceux qui la servent portent atteinte à leur crédit et à la confiance que doivent avoir les citoyens dans leur Justice. La complexité de notre organisation juridictionnelle manque de lisibilité pour nos concitoyens.

Sans doute est-il temps que le constituant intervienne pour reconnaître et asseoir effectivement l’Autorité judiciaire dans son rôle de garant de l’ensemble des libertés individuelles, au-delà de la seule protection contre la détention arbitraire.

La pénurie persistante de ses moyens matériels et humains ne lui permet plus de remplir ses missions et conduit les chefs de juridiction à donner priorité au traitement de certains contentieux, en contradiction avec le principe d’égalité.

Il est ainsi devenu indispensable, non seulement de porter le budget de la justice judiciaire à la hauteur de ses missions, de revoir l’organisation des juridictions et de moderniser les procédures et voies de recours, mais également d’engager une réforme d’envergure de nature à garantir, de manière indiscutable et perceptible pour l’ensemble de la société, que l’Autorité judiciaire soit soustraite à toute forme d’influence.

Les premiers présidents des cours de l’ordre judiciaire sont d’avis que cette réforme doit conduire à un renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature.

Ils appellent solennellement toutes les autres autorités de l’Etat à engager ces réflexions et soulignent l’urgence qui s’attache à proposer des réformes qui garantissent, en toute circonstance, à nos concitoyens, l’accès à un juge indépendant et impartial.

Photod'illustration: Pierre-Paul Prud’hon, La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime, 1808


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