Les agriculteurs ne sont pas des alouettes !

Il fut un temps où nos hommes politiques, en disciples fidèles de Jacques Chirac, se bousculaient au Salon de l’agriculture pour flatter cette clientèle électorale. Un selfie avec une belle garonnaise par ci, une dégustation de monbazillac par là, et un cabécou bien crémeux en faisaient plus pour leur popularité qu’un passage au « 20 heures ». Le cul des vaches, il n’y avait rien de tel pour asseoir votre stature présidentielle. Mais les temps ont bien changé, hélas !

Désormais, nos agriculteurs ne sont pas flattés pour leurs produits qui fleurent bon le terroir et la France profonde. Non, ils sont tancés ! On vient leur faire la leçon. Car on leur prête de funestes intentions. Il se murmure que le vote FN pourrait être fort dans les campagnes.

Avant-hier, ce fut M. Valls : « Voter Front national, c’est détruire le modèle européen qui a aussi soutenu l’agriculture française. » Et hier, c’est notre Alain Juppé qui est venu prêcher la bonne parole : « J’ai un peu de mal à comprendre » le désir de certains agriculteurs de voter FN. « Sortir de la zone euro, c’est casser ce que nous avons mis 50 ans à construire », a-t-il ajouté. Il faut « regarder très précisément ce que c’est que le programme du Front national : un programme tout à fait démagogique qui conduira les finances françaises à la catastrophe. Ne croyez pas au miroir aux alouettes. »

C’est curieux, cette façon que MM. Valls et Juppé ont de ne voir, dans le programme du FN, que son volet « sortie de l’euro », et de l’agiter comme un épouvantail. Cette façon aussi de prendre les agriculteurs pour des « alouettes ». Pas plus que le reste de l’électorat les agriculteurs ne sont dupes. Ils savent bien que cette proposition est purement électoraliste et qu’elle sera vite abandonnée, comme MM. Juppé et Valls ont su eux-mêmes remiser, en 1995 et 2014, les propositions tout aussi démagogiques qui leur avaient permis d’accéder au pouvoir.

Et puis ce serait faire injure aux agriculteurs que de réduire leur vote à leur seul intérêt catégoriel. Après tout, ils sont des citoyens responsables, et même de bons gestionnaires, qui voient bien que la « catastrophe » des « finances publiques » est déjà là : plus de 2.000 milliards de dette et un budget constamment déficitaire depuis 40 ans. Cette « catastrophe », M. Juppé, ne doit rien au FN, mais tout à l’UMP et au PS…

Et puis les agriculteurs n’auraient-ils pas leur mot à dire, eux aussi, sur le terrorisme islamiste ? Et la politique de Mme Taubira ?

C’est vraiment curieux, ce procès d’intention intenté à une catégorie qui pèse électoralement si peu. MM. Juppé et Valls iront-ils faire la même leçon aux coiffeurs ? Aux notaires ? Aux médecins ? Aux ouvriers ? Aux policiers ? Aux enseignants ? Car ils doivent bien savoir qu’à un niveau de 25 % ou plus, le FN touche forcément toutes les catégories de la population.

Alors, M. Valls, épargnez-nous vos leçons ! Un selfie avec Filouse, et M. Juppé, si ça vous chante, sera tout aussi efficace.