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Vendredi, 03 Mai 2024

Le mensonge d’État de l’affaire Merah

Auteur : Panamza | Editeur : Stanislas | Lundi, 21 Avr. 2014 - 17h42


Article publié le 16.10.2013, mis à jour le 14.04.2014

Le 22 mars, interrogé par Karl Zéro, Claude Guéant, ancien ministre de l'Intérieur, a formulé une contre-vérité à propos de la traque policière de Mohamed Merah. Décryptage.

[Nota bene: la vidéo ci-dessus, mise en ligne le 14 avril, reprend et corrobore les informations relatées dans l'article ci-dessous, initialement publié le 16 octobre et intitulé "Affaire Merah : le dernier mensonge de la version officielle"].

L’avocat associé Hugues Moutouh, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy (jusqu’en février 2011) et de l’ancien ministre de l’Intérieur Claude Guéant (2011-12), vient de publier «168 heures chrono», témoignage -au plus près- des derniers jours de l’affaire Merah. 

Présent alors sur les lieux, l’homme y relate, de manière élogieuse, les tentatives policières pour repérer et capturer l’auteur présumé des sept crimes, perpétrés du 11 au 19 mars 2012, à Toulouse et Montauban.

Jeudi dernier, il avait entamé sa tournée médiatique de promotion en compagnie de Thomas Sotto d’Europe 1. Voir vidéo.

Le lendemain,  RTL lui consacra une demi-heure.

A la 25ème minute de l’entretien, assisté du journaliste (et promoteur de la version officielle) Eric Pelletier, l'animateur Jacques Pradel le sollicita sur l’un des mystères du récit officiel : la sortie de Mohamed Merah de son domicile, alors encerclé par plus de 80 policiers. Ce sujet fut également abordé par Thomas Sotto (à 4’43).

Voici ce qu’écrivait l’auteur de ces lignes à ce propos, dès le mois de juillet 2012 :

"4/ Comment s’explique le prétendu coup de fil de Merah à la chaîne France 24 ? Dans la nuit du mercredi 21 mars, vers 0h45, la journaliste Ebba Kalondo a reçu l’appel d’un homme revendiquant en détail les sept meurtres de Toulouse et Montauban.  Depuis une cabine téléphonique située à 800 mètres du domicile de Merah, l’individu se serait servi d’une carte prépayée, renvoyant vers un opérateur espagnol, pour s’entretenir durant onze minutes avec la rédactrice en chef.Hormis l’absence de tout enregistrement permettant d’identifier avec certitude la voix de Merah, un autre problème apparaît : comment le jeune Toulousain a-t-il pu quitter son domicile autour duquel deux caméras, gérées par la DCRI, étaient disposées depuis mardi matin ? Une surveillance humaine était déjà en place la veille et les policiers admettent aujourd’hui que le visage de Merah a été aperçu à sa fenêtre, mardi vers 10h. Alors qu’il est encerclé depuis lundi par plusieurs agents, issus de la DCRI en première ligne et de la Brigade de Recherche et d’Intervention en arrière, comment Merah a-t-il pu quitter mardi son domicile librement, visiter une amie vers 21h et s’entretenir longuement avec des camarades des Izards en plein air, autour de minuit, avant de passer un coup de fil à France 24 puis de regagner son appartement et garer tranquillement sa Mégane à l’arrière de son immeuble, tout cela sans être interpellé ni même aperçu ?"

Face à un désinvolte Thomas Sotto, peu incisif pour explorer cette énigme, Hugues Moutouh évacue rapidement, et confortablement, la question:

« Vous savez, les filatures sont des opérations humaines avec des failles, des défaillances…C’est la seule erreur dans cette affaire ».

Sur le plateau de Jacques Pradel, l’ex-bras droit de Claude Guéant est plus loquace sur la question (abordée de 23’40 à 26’35):

« -Il y a eu une erreur dans cette affaire, une seule, et je le dis en toute franchise. Effectivement, Mohamed Merah est sorti de chez lui. Alors, il a échappé à la surveillance technique et humaine qui était, heu…, engagée… autour de chez lui.- On a compris qu’il a pris un escalier qui ne descendait pas que sur la cave mais qui donnait sur une cour, à l’arrière de l’immeuble.- Il est parti par derrière… Il faut comprendre qu’on prend des précautions pour que les hommes ne se fassent pas repérer…- Vous n’avez pas compris qu’il y avait une issue à l’arrière de l’immeuble ?- On n’a pas pu le vérifier parce que, tout simplement, dans ce type d’affaire, on devient très vite parano. Et on ne sait pas qui est au courant de quoi. On ne sait pas si on a affaire à un réseau, à un groupe ou à un individu isolé. On ne prévient pas le gardien, on ne prévient pas le propriétaire. On n’a pas les plans de l’immeuble et on ne sait pas qu’il y a une sortie par-derrière. Et il y une sortie par-derrière et il a un véhicule que personne ne connaît. Et il part avec ce véhicule et il part téléphoner. Effectivement.»

C’est faux: les policiers de la Direction centrale du Renseignement intérieur, en charge de l’encerclement de l’immeuble (en tandem avec la Brigade de recherche et d’intervention -soit 80 hommes en tout- et avant l’assaut du RAID) avaient préalablement connaissance de l’existence d’une issue de secours.

Le 11 octobre, le journaliste François Vignolle de M6 révélait incidemment un élément nouveau à propos de la vidéosurveillance policière de l’appartement de Merah au printemps-été 2011.

« La mère des deux frères Merah est également une visiteuse assidue de la rue Sergent-Vigné. Sur ces clichés, les hommes du renseignement intérieur peinent à identifier trois à quatre personnes dont une femme.Les espions [de la DCRI] ont également remarqué que les différents protagonistes empruntent la sortie de secours, située derrière l'immeuble. La même que Mohamed Merah empruntera la nuit du 20 au 21 mars 2012 lors de l'intervention du RAID.Ce soir-là, aucun enquêteur ne l'aurait vu sortir de chez lui passer un appel dans une cabine téléphonique ni revenir le plus tranquillement du monde dans son appartement ».

La contre-vérité formulée par Hugues Moutouh reprend exactement celle employée par Claude Guéant dans un entretien accordé au Figaro en novembre 2012.

« -Vous avez reconnu que Mohamed Merah était sorti de chez lui durant la surveillance du Raid. Est-ce, à vos yeux, la seule défaillance?-Oui. Il est effectivement sorti durant la surveillance. Pourquoi ensuite est-il revenu chez lui? Je n'en sais rien. Il est sorti pour téléphoner à une journaliste de France 24, pour revendiquer ses actes, puis il est revenu à son domicile. Par où est-il passé? On suppose – c'est ce qui m'a été dit – qu'il est passé par les sous-sols de sa résidence. Cela n'a pas eu d'incidence sur les événements, mais cela était évidemment fâcheux. Merah connaissait des voies de sortie que les nôtres ne connaissaient pas… »

Un mensonge à nouveau formulé par l'ancien ministre de l'Intérieur lors d'un entretien mené par Karl Zéro et diffusé le 22 mars 2014 par la chaîne RMC Découverte.

Les policiers connaissaient cette issue de secours. Une caméra était également braquée à l’arrière de l’immeuble durant l’encerclement. Comment, dès lors, Merah aurait-il pu quitter sa résidence et la regagner sans être vu ?

Un an plus tard, en mars 2013, la chaîne France 3 diffusa un documentaire controversé à propos de l’affaire. Voir vidéo ici. A 36’55, Claude Guéant affirme, à propos de la sortie de Merah, qu’il s’agit là d’un « point complètement nébuleux ». La séquence suivante (37’-39’) montre, en compagnie du concierge Pascal Lopez et de son épouse, le garage à vélos qu’aurait emprunté le jeune homme.      

Deux heures après le quadruple meurtre survenu dans le collège-lycée juif de Toulouse, Claude Guéant était sur place pour -officiellement- superviser lui-même l’enquête et l’identification du criminel. Par une curieuse et tragique ironie, c’est le même homme qui, la veille, promettait solennellement à la communauté juive de protéger l’accès à ses écoles confessionnelles. En compagnie de Jean-François Copé et Manuel Valls, Claude Guéant était convié à un débat organisé par le Consistoire israélite de Paris. Là aussi, le destin est déroutant : Arié Bensemhoun, responsable de la communauté juive de Toulouse, ex-candidat pour la présidence du CRIF et directeur éxecutif d'ELNET-France, racontera, quelques semaines plus tard à un média local, s’être alors personnellement entretenu avec le ministre de l’Intérieur, le soir du débat dans un restaurant, avant de le quitter pour se reposer et pouvoir regagner sa ville, le lendemain matin. Les deux hommes se retrouvèrent ainsi, à nouveau, dans l’enceinte du collège-lycée Ozar Hatorah. Quelques jours plus tard, Claude Guéant, de retour à Paris, commettra d’ailleurs un lapsus à propos du drame, évoquant "la peine éprouvée par la communauté israélienne" (au lieu d’employer le mot "israélite").

C'est toujours le même homme -admiratif envers Israël (qualifié d'"État messianique")- qui sera l'invité d'honneur, près de deux ans plus tard, au colloque parisien du KKL, un groupuscule ultra-sioniste qui s'est rassemblé, début février, au Palais Brongniart. Cet intime de longue date de Nicolas Sarkozy aurait pu d'ailleurs y croiser un certain Paul Bismuth…

Si certaines anomalies de l’affaire Merah ont été dissipées depuis le printemps 2012, d’autres sont apparues entretemps. Le mystère relatif à sa disparition -durant près de six heures- demeure. Et la flagrante contre-vérité du tandem Guéant-Moutouh, révélée aujourd’hui par Panamza, met en doute la crédibilité des autorités sur ce dossier.

Reste à savoir si Manuel Valls, ex-ministre de l'Intérieur impliqué dans le dossier, est véritablement l’homme de la situation pour faire la lumière sur les mensonges d’Etat relatifs à l’affaire Merah. Comme le soupçonna la mère de l’une des victimes des tueries de Toulouse et Montauban, rien n’est moins sûr.

Rappel. Depuis deux ans, quatre théories se concurrencent dans l’espace public :

1* Mohamed Merah était un « loup solitaire ». C’est la thèse "psychiatrique" rapidement élaborée par le clan Sarkozy, avec Claude Guéant, Bernard Squarcini, François Molins (procureur -politisé- de la République de Paris) et Hugues Moutouh comme porte-paroles officiels.

2* Merah était assisté par un ou plusieurs hommes de la mouvance fondamentaliste. C’est la thèse alarmiste et idéologique favorisée par Manuel Valls, promue avec zèle par le CRIF (constitué partie civile dans le procès) et relayée médiatiquement par le tandem Abdelghani Merah-Mohamed Sifaoui. Militant d’un rapprochement renforcé entre Israël et l’Union européenne, Arié Bensemhoun a d’ailleurs profité d’un débat organisé par France 3 pour affirmer qu’il y aurait des « centaines de Merah » dans la nature avant d’ajouter qu’il faudrait davantage surveiller les mosquées dans lesquelles seraient formées, selon lui, les « Merah de demain ».

3* Merah était un bouc émissaire à qui l’on a imputé les assassinats en raison de son profil de « coupable idéal ». Qualifiée sommairement de « théorie du complot » et condamnée par Le Monde, cette thèse, qui présente obscurément le clan Sarkozy comme le commanditaire -ou le complice passif- des meurtres, est populaire si l’on en juge par le succès des vidéos internet en sa faveur ou les commentaires régulièrement exprimés sur Twitter.

4* Merah était le (principal) assassin des sept meurtres mais il a été manipulé, voire assisté,  par une partie tierce et non identifiée à ce jour. Le jeune homme croyait être un soldat de la "cause djihadiste" alors qu’il servait, à son insu, un agenda politique particulier. Plus complexe, cette thèse renvoie dos à dos les partisans de la version d’un attentat uniquement « islamiste » et ceux qui clament l’innocence entière du jeune Toulousain.

A ce jour, une seule chose est certaine : l’affaire Merah n’a pas dit son dernier mot. La question d’une responsabilité, au sein de la DCRI ou de la DGSE, pour camoufler la nature exacte des relations du jeune Toulousain avec la mouvance djihadiste et les agents du renseignement reste ouverte. L’auteur de ces lignes aura prochainement l’occasion de revenir en détail sur cette affaire rapidement enterrée par le nouveau Premier ministre Manuel Valls, les parlementaires socialistes (tel Jean-Jacques Urvoas) et la plupart des grands médias.


- Source : Panamza

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