Donald Trump contre l’alliance des « États profonds » par Thierry Meyssan

Alors qu’il y a neuf mois, toutes sortes de commentateurs qualifiaient Donald Trump de tous les noms, son plan de paix pour Israël et les territoires palestiniens ayant commencé à être appliqué, une foule de personnalités en ont revendiqué la paternité. C’est un sport chez les communicants, devenus responsables politiques, de n’avoir aucune idée, ni initiative, mais de s’approprier celles des autres lorsqu’elles réussissent.
Il est vrai que nul, hormis Donald Trump et son idole Andrew Jackson, n’avait pensé que l’on pouvait « substituer le commerce à la guerre » [1]. C’était un pari osé qui ne résout aucun des problèmes auxquels les populations sont confrontées, mais qui les balaie et ouvre des perspectives nouvelles [2].
Ainsi, Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, a prétendu avoir toujours recherché ce résultat, faisant oublier les crimes qu’il a commis contre les Palestiniens, les Libanais, les Syriens, les Irakiens, les Yéménites et les Iraniens. Mais il n’est pas le seul : Bridget Phillipson, secrétaire britannique à l’Éducation, a déclaré au nom du gouverneur Starmer, avoir joué un rôle décisif en coulisse [3]. On en aurait oublié les vols d’espionnage au dessus de Gaza de la Royal Air Force durant tout le conflit et les discrets allers-retours des chefs d’état-major israéliens à Londres [4].
Plus étrange, l’émir Tamim ben Hamad Al Thani du Qatar, et Recep Tayyip Erdoğan, président turc, tout en se félicitant de leurs relations avec les tortionnaires et les assassins de la branche palestinienne des Frères musulmans (le Hamas), sont venus signer la paix, sous les yeux du général Abdel Fattah al-Sissi, président égyptien, qui considère autant Israël que la Confrérie comme ses ennemis [5].
Cette signature ne ressemblait à aucune autre. En présence d’une vingtaine de chefs d’États occidentaux, on a continué à faire semblant de croire que ce conflit était tribal, qu’il opposait Israéliens et Palestiniens, incapables de s’entendre depuis 80 ans. Des politiciens stupides ont choisi leur camp selon leur proximité avec les juifs pour les uns, avec les arabes pour les autres. Pourtant tout ceux qui ont vécu au Levant, et particulièrement les Français, savent que ce conflit était artificiel, qu’il a été conçu par l’Empire britannique pour durer éternellement à son seul profit.
D’où cette question : comment Donald Trump est-il parvenu à détricoter ce piège sur lequel une longue liste de prédécesseurs se sont cassés les dents ?
Pour le comprendre, il faut envisager que le président des États-Unis avait réalisé que l’État profond Britanno-États-uno-Israélien tirait les ficelles de ce conflit sans fin. Il a lutté depuis vingt-quatre ans contre les straussiens (les disciples de Leo Strauss) aux États-Unis [6] et a reconnu Elliott Abrams (qu’il avait employé lors de son premier mandat) comme le vrai chef de la coalition au pouvoir en Israël.
De même, lorsque l’administration Biden avait envisagé de faire tomber Netanyahou et d’aider à placer Benny Gantz au pouvoir à Tel-Aviv (mars 2024), il avait compris que les Britanniques y faisaient obstacle parce qu’ils s’opposaient à ce que le général Gantz détruise le Hamas [7]. Oui, Londres protégeait toujours la Confrérie des Frères musulmans, tout en aidant militairement Israël. C’était sa stratégie impériale : « Diviser pour régner » et soutenir les deux camps à la fois, pour que chacun neutralise l’autre, et que les intérêts de la Couronne persistent sans effort.
Aussi Donald Trump s’est-il appuyé sur ses ennemis pour conclure la paix : il a fait entrer Tony Blair —déjà conseiller des Émirats arabes unis et de de l’Égypte [8]— dans l’accord, c’est-à-dire l’ancien Premier ministre britannique, qui s’était ligué avec les straussiens lors de la guerre contre l’Irak [9] .
Identiquement, le président Trump s’est appuyé sur Benyamin Netanyahou, dont il a réalisé depuis longtemps les obsessions et la versatilité. Jacques Chirac ne disait-il pas de lui qu’il était un menteur pathologique ne cherchant qu’à expulser les Palestiniens ? Le pari de Trump est que Netanyahou n’est pas subitement devenu nazi, mais qu’il suit les directives des sionistes révisionnistes le 7-Octobre comme George W. Bush suivait celles des straussiens, le 11-Septembre [10].
Donald Trump ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Il entend clore la guerre contre les Russes comme il a mis fin à celle contre les arabes. Son envoyé spécial, Steve Witkoff, lui a expliqué dès le début de sa tournée à Moscou et à Kiev, que les nationalistes intégraux ukrainiens sont alliés, depuis 1921 (le rapprochement entre Symon Petlioura et Vladimir Jabotinsky). Ensemble, ils ont massacré des Ukrainiens pro-Soviétiques et des Juifs non-sionistes [11].
Les nationalistes intégraux manipulent le président non-élu Volodymyr Zelensky, comme les sionistes révisionnistes manipulent Benyamin Netanyahou. Ils ont pénétré les institutions ukrainiennes avec Andriy Biletsky (aujourd’hui à la tête du 3° corps d’armée), Dmitryo Yarosh et Andriy Paroubiy (assassiné il y a deux mois), tandis que les straussiens ont pénétré les Nations unies et que les Britanniques ont pénétré le Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine.
Pour résoudre cet imbroglio, Donald Trump devrait retourner Volodymyr Zelensky comme il l’a fait avec Benyamin Netanyahou. Il devrait investir dans la reconstruction de ce qui reste de l’Ukraine pour faire oublier les territoires qu’elle a perdus. Pour cette mise en scène, il pourra compter sur son homologue russe, Vladimir Poutine, qui peut accepter de perdre aux yeux des Occidentaux, s’il gagne à l’évidence pour les Russes.
Pour commencer, Donald Trump a téléphoné au président Poutine, le 16 octobre. Ce dernier a rappelé à son interlocuteur que les alertes danoises aux drones russes n’étaient que des leurres. En effet, les danois, comme les autres État européens, protègent depuis longtemps leurs aéroports contre des attaques de drones (l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, la Finlande, la France, la Hongrie, les Pays-Bas, la République tchèque, la Roumanie, la Suède, la Slovaquie et la Slovénie le font aussi pour leurs centrales nucléaires). Or, le Danemark a refusé de détruire les drones qui survolaient ses aéroports et de donner la moindre information sur eux. Il a préféré accuser la Russie et fermer ses aéroports. À l’évidence, cette opération n’est qu’un montage pour justifier l’instauration d’une coupure du continent européen par un mur de drones, sous commandement de l’OTAN. Vladimir Poutine a insisté : jamais la Russie ne provoquerait l’Alliance atlantique.
Puis, Donald Trump a informé Zelensky, le lendemain, 17 octobre, qu’il devrait admettre avoir perdu les territoires libérés par la Russie [12], ce qui implique que le Groupe de contact sur la Défense de l’Ukraine, piloté par le Royaume-Uni et l’Allemagne, ainsi que le Tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, institué par le Conseil de l’Europe, sont nuls et non avenus.
Notes:
[1] « Donald Trump, un Andrew Jackson 2.0 ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 19 novembre 2024.
[2] « Erreurs d’interprétation sur l’évolution des États-Unis (2/2) », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 février 2025.
[4] « 70 questions the UK government must answer about Gaza », Declassified UK, August 7, 2025. « Israeli air force chief given special immunity to visit Britain », John McEvoy, Declassified UK, September 9, 2025.
[5] « Le Caire appelle à des sanctions contre les Frères musulmans », Réseau Voltaire, 2 janvier 2014.
[6] « Vladimir Poutine déclare la guerre aux Straussiens », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 5 mars 2022.
[7] « Washington, Londres et Tel-Aviv empêtrés en Palestine », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 19 mars 2024.
[8] « Blair embodies corruption and war. He must be sacked », Seumas Milne, The Guardian, July 2, 2014.
[9] The Report of the Iraq Inquiry, Chicot Commission, July 6, 2016.
[10] « Netanyahou et le nazisme », « Après le « Grand Israël », Netanyahou plaide pour une « Super-Sparte » et « finir le boulot à Gaza » », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 23 et 30 septembre 2025.
[11] « Le voile se déchire : les vérités cachées de Jabotinsky et Netanyahu », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 23 janvier 2024.
[12] « Donald Trump urged Volodymyr Zelenskyy to accept Putin’s terms or be ‘destroyed’ by Russia », Financial Times, October 19, 2025
- Source : Réseau Voltaire