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Lundi, 06 Mai 2024

Le curieux baromètre mondial de la liberté de la presse

Auteur : Denis Churilov | Editeur : Walt | Jeudi, 13 Juill. 2017 - 16h15

Selon le laïus de l’opinion majoritaire, le parc médiatique russe est l’un des moins libres du monde, cette profession de foi étant étayée par des études faites par de nombreuses ONG indépendantes. Si vous écoutez, les fameux « experts ès Russie » et les grands pontes de la télévision, vous entendrez qu’il n’y a pas de liberté de presse en Russie, que le gouvernement maîtrise totalement le paysage médiatique, que les opposants de Poutine sont assassinés et ses critiques embastillés. Ces « experts » citent souvent les organisations non gouvernementales, apparemment indépendantes et sans but lucratif, comme Amnesty International et Human Rights Watch. Ils citent les chiffres du Word Press Freedom Index, préparés par Reporters sans frontières, qu’ils considèrent comme l’autorité suprême et impartiale, dont les classements et les chiffres sont étayés par des données empiriques.

Mais qu’en est-il en réalité du sérieux de ces chiffres et de ces classements ?

Bon, tout d’abord, il faut réaliser qu’il ne peut exister d’ONG complètement indépendante (sauf si entièrement financée par le public ou la publicité). Financées par quelqu’un, elles ont l’obligation d’agir plus ou moins dans l’intérêt de ce quelqu’un.

En 2005, Robert Menard (secrétaire général de Reporters sans frontières) a reconnu avoir reçu de l’argent de la NED (National Empowerment for Democracy, une organisation financée par le Congrès US, créée depuis des lustres pour propager le ‘rayonnement’ des USA à l’étranger), même si ce fait était nié avant le milieu de l’an 2000.

Amnesty International a signalé avoir reçu dans le passé des fonds du Département du développement international du Royaume-Uni et de la Commission européenne. Cette ONG reçoit régulièrement des fonds de l’Open Society Foundation de Soros (George Soros a évidemment un ordre du jour économique et, par conséquent, politique pour de nombreuses régions du monde ; d’ailleurs, il a été affilié aux Clinton).

The Human Rights Watch a reconnu ouvertement avoir reçu de l’argent de Soros.

Ainsi, toutes ces ONG sont loin d’être libres et impartiales.

Inutile de dire que les organisations comme Reporters sans frontières, Amnesty International et Human Rights Watch, semblent toujours agir dans l’intérêt du gouvernement US et des institutions financières transatlantiques. Elles soutiennent la ligne de politique étrangère officielle des USA, que ce soit leur activité en Amérique latine, en Asie ou en Europe de l’Est.

Voyons à présent comment est évaluée la liberté de presse. Prenons le rapport annuel Press Freedom Index de Reporters sans frontières, dont les chiffres sont souvent cités dans les discours sur la liberté des médias. Tout le monde peut visiter son site officiel et lire la description de leur méthodologie.

Ils y expliquent qu’ils choisissent eux-mêmes une poignée de « professionnels des médias », d’avocats et de sociologues dans chaque pays, et leur demande de remplir les 87 items d’un questionnaire. Non seulement des données objectives et empiriques servent à établir l’index, mais aussi la PERCEPTION SUBJECTIVE des gens interrogés qui sont choisis. L’étude n’est pas randomisée, et les gens sondés peuvent être choisis de manière à créer un parti pris ou même des réponses totalement contrefaites. Ils pourraient même questionner les gens des agences locales de la BBC ou des ambassades US locales, et dire qu’il s’agit de « professionnels des médias » et d’avocats.

Du fait de ce grave problème méthodologique, le classement de Reporters sans frontières est sans fondement pratique.

Il est aussi possible d’évaluer la fiabilité du Press Freedom Index en analysant directement son contenu.

Par exemple, dans la dernière version de 2017, l’Ukraine est classée en 102ème position, alors que la Russie occupe la 148ème. Comment cela pourrait-il être l’image de la réalité ?

Le gouvernement ukrainien a interdit les chaînes de télévision russes après le changement de régime en 2014. Certains organes de presse ukrainiens ont été contraints de fermer après les événements de l’Euromaidan. Des journalistes ont été assassinés par les nationalistes enragés (Kalashnikov et Buzyna étant les principaux exemples), certains ont été emprisonnés (ces temps-ci, même le simple quidam ukrainien qui pond et administre, sur les médias sociaux, des pages pro-russes ou contre le gouvernement de Kiev, est poursuivi en tant qu’« agent russe » par le Service de sécurité ukrainien, le SBU, qui s’en vante ouvertement). L’Ukraine a désormais un service Internet, Myrotvorets, qui sert de base de données pour ceux qui « manifestent des signes de délinquance contre la sécurité nationale. » Des documents publiés en ligne peuvent servir à n’importe qui pour dénoncer leur auteur, qui est soupçonné d’être un « agent russe » ou un « collaborateur des séparatistes » et, au risque de le mettre en danger, ses données personnelles (numéro de téléphone personnel, lieu de travail et de résidence) sont rendues publiques.

De ce fait, même certains journalistes occidentaux ont été qualifiés de « collaborateurs des terroristes » pour avoir juste voulu obtenir l’accréditation des autorités des provinces rebelles.

Juste avant d’être assassinés, Kalashnikov et Buzyna, dont nous avons déjà parlé, ont vu leurs informations personnelles détaillées affichées sur le site Internet Myrotvorets.

Ce service Internet est tenu par Anton Gerashenko, conseiller du ministre de l’Intérieur.

Comme ça, dans la pratique, des fonctionnaires du gouvernement ukrainien s’occupent ouvertement de services servant d’appareils répressifs contre les journalistes et les citoyens ordinaires.

Il existe de nombreux cas d’attaques désinvoltes, délibérées et ouvertes contre la liberté d’expression dans l’Ukraine de l’après Euromaïdan. Il faudrait plusieurs gros volumes pour décrire tous les cas de violations et d’attaques connus du public, contre la liberté d’expression (pour ne parler que des plus récents, il y a quelques semaines, par exemple, Channel 5, qui appartient au Président Poroshenko, a diffusé des détails confidentiels, dont l’adresse du domicile, d’un journaliste exilé, Anatoly Sharij, qui critique le gouvernement actuel), mais toutes les ONG parrainées par la NED et Soros se taisent.

Comment peuvent-ils comparer cela à la Russie ? La Russie a bien entendu ses propres problèmes, mais il est loufoque de dire qu’elle a l’un des parcs médiatiques les moins libres du monde. La Russie abrite beaucoup de grands médias qui sont fortement opposés à Poutine. Des organes de presse tels que RBK, Rain TV/Dozhd’, Echo of Moscow, Gazetta Ru, Kommersant’, travaillent tous en toute liberté. Ils emploient une centaine de journalistes qui ne cachent pas être anti-Poutine.

L’un des journalistes les plus célèbres de Russie, Vladimir Posner, ne cache pas être un critique du gouvernement et de Poutine. Or, il a sa propre émission télévisée sur Channel One, l’une des chaînes de télévision publiques les plus regardées du pays, et son émission lui sert de tribune pour exprimer ses opinions politiques personnelles.

Il est vrai qu’il y a en Russie de grands conglomérats médiatiques financés par l’État, comme VGTRK, mais il y a aussi d’autres médias qui sont indépendants du gouvernement. En fait, en Russie, les médias privés sont majoritaires en nombre.

Inutile de dire que les grands médias occidentaux, comme la BBC, DW et Euronews, ont aussi des filiales régionales émettant en langue russe, qui peuvent être vues librement sur le réseau de la télévision câblée.

Quand on compare cela à l’Ukraine, où le gouvernement actuel interdit les médias étrangers, met délibérément en danger la vie de ses critiques et poursuit systématiquement ceux qui ne suivent pas sa ligne sur les réseaux sociaux.

Il est incohérent que la Russie soit 46 rangs après l’Ukraine dans le classement Freedom of Press Index de 2017. Cet exemple montre à lui seul l’honnêteté et la fiabilité du classement de la presse. Et il nous en dit long sur l’intégrité de ces ONG.

Il s’agit d’utiliser des normes différentes, et de les appliquer en fonction de la région et de l’ordre du jour politique de ceux qui financent ces ONG.

L’idée que, selon certaines ONG, le parc médiatique russe et l’un des moins libres du monde, est fausse à plusieurs niveaux : 1) Ces ONG ne sont pas indépendantes et sont financées par des gens et des organisations qui ont des objectifs politiques. 2) La méthodologie de leurs études souffre de défauts systémiques invalidants. 3) Avec les connaissances de base du sujet et du bon sens, on peut facilement réfuter leurs classements. 4) Contrairement à ce qui est prétendu, la Russie abrite, en fait, de nombreux organes médiatiques opposés au gouvernement et à Poutine, qui sont dans la situation de courant dominant.

Aussi, vaut-il mieux prendre avec des pincettes les chiffres fournis par ces organisations, ou carrément les considérer comme de la propagande, s’ils sont ressassés sans être étayés par des faits, pour servir un ordre du jour.

Traduction Petrus Lombard


- Source : Fort Russ

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