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Washington et Berlin se dirigent vers la collision par Pepe Escobar

Auteur : Pepe Escobar | Editeur : Walt | Samedi, 01 Juill. 2017 - 19h10

Le projet de loi de sanctions contre la Russie qui a été adopté par le Sénat américain par 98: 2 le 15 Juin est une véritable bombe; il diabolise directement le gazoduc Nord Stream 2, sous la mer Baltique, qui devrait doubler la capacité énergétique de Gazprom à fournir du gaz à l’Europe.

Le pipeline de 9,5 milliards d’euros est financé par cinq sociétés ; Uniper et Wintershall d’Allemagne; OMV d’Autriche; Engie de France; et l’anglo-néerlandais Shell. Toutes ces majors opèrent en Russie, et ont, ou établiront, des contrats de pipeline avec Gazprom.

Le Nord Stream 2 dépend de la « négociation politique » entre les Etats-Unis et l’Union Européenne

Dans une déclaration conjointe, le ministre des Affaires étrangères allemand Sigmar Gabriel et le chancelier autrichien Christian Kern ont souligné que « l’approvisionnement énergétique de l’Europe est une question qui regarde l’Europe, et non les Etats-Unis d’Amérique » ; « Les instruments de sanctions politiques ne devraient pas être liés à des intérêts économiques » ; et l’ensemble préfigure une « nouvelle qualité très négative dans les relations américano-européennes ».

Un négociant en pétrole dans le Golfe m’a dit sans prendre de gants, « les nouvelles sanctions contre la Russie reviennent en fait à dire à l’UE d’acheter le gaz américain qui est cher à la place du gaz russe à moindre coût. Donc, les Allemands et les Autrichiens disent en gros aux Américains de dégager ».

Une source des renseignements américains de haut niveau basée au Moyen-Orient et un dissident du consensus du Beltway (Ndt : toute la sphère du pouvoir à Washington), soulignent comment « le Sénat des États-Unis par un vote presque à l’unanimité a décidé de déclarer la guerre à la Russie (les sanctions sont des actes de guerre) et l’Allemagne a menacé les États-Unis de représailles s’ils initiaient des sanctions.

Le coup de grâce: l’Allemagne rumine après les sanctions … Cette fois-ci contre les Etats-Unis

L’Allemagne a accusé les Etats-Unis d’essayer d’arrêter le gazoduc Nord Stream 2 de la Russie vers l’UE pour permettre aux Etats-Unis d’exporter leur gaz naturel liquéfié vers l’UE, la mettant ainsi sous la dépendance des Etats-Unis ».

Seulement, il y a une conséquence possible de ce changement de jeu; « Cela signifierait la fin de l’OTAN si une guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis avait lieu ».

Les suspects Brexiteer habituels tombent évidemment comme une tonne de briques sur le « pipeline Molotov-Ribbentrop 2 » – une autre expression de la paranoïa, de marque polonaise.

Ils diabolisent même l’Allemagne pour avoir osé faire des affaires avec la Russie, « sapant la sécurité et les intérêts économiques de l’Europe centrale et orientale » et – oui, les éclats de rire sont de mise – sapant « le soutien émotionnel américain à l’OTAN ».

Tant « d’émotion » refoulée conduit même à l’horrible accusation de trahison; « Nous savons de quel côté est la Pologne. De quel côté se situe l’Allemagne ? »

Ce qui est vraiment impardonnable cependant, c’est que le Nord Stream 2, dans la pratique, enterre pour de bon 2 milliards $ de recettes provenant des droits de pipeline pour l’Ukraine déjà en faillite.

Le Nord Stream 2 est combattu par tous les suspects habituels; la Pologne ; les États baltes; Washington; mais aussi dans les pays nordiques. L’argument officiel qui vient en tête est qu’il « nuit à la sécurité énergétique de l’UE ». Ce qui est en soi une vaste blague, étant donné que l’UE s’est elle-même porté préjudice dans d’interminables discussions sur la « sécurité énergétique » à Bruxelles depuis plus d’une décennie.

Une destruction créatrice lucrative pour tout le monde ?

L’analyste Peter G. Spengler qualifie le projet de loi du Sénat américain comme un « acte de guerre déclarée, mais pas encore exécuté, un acte de (sanctions) guerre directement contre l’Allemagne et l’Autriche, et indirectement contre les bénéficiaires éventuels au sein de l’UE ».

« Mauvaise qualité du gaz russe »: surenchérit la Pologne à propos de la construction du Nord Stream 2

Spengler nous remet en mémoire l’Accord RFA/URSS sur la coopération économique de 1978, avec un accord 1978 de 25 ans de coopération économique entre la République Fédérale d’Allemagne et l’URSS, conçu pour durer 25 ans; « Cet accord avec tous les traités précédents entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Union Soviétique étaient la base sur laquelle [Helmut] Kohl a pu construire son « Haus Europa » avec l’Union Soviétique/Russie à partir de l’été 1989 à Bonn et ultérieurement ».

Crucialement, cet accord comprenait également un transport triangulaire de gaz entre Moscou, Téhéran et Bonn, et était « férocement mais entièrement combattu de manière clandestine par l’administration Carter, au milieu de tant de guerres silencieuses contre la République Fédérale d’Allemagne durant ces années-là ».

Et devinez qui tente de saboter l’accord 24/7; Zbigniew Brzezinski, le polonais maître du « Grand-Echiquier » récemment décédé.

Donc, il n’y a pas grand-chose qui ait changé depuis la fin des années 1970; Washington diabolise à la fois Téhéran et Moscou. La section du projet de loi du Sénat américain concernant la Russie est une sorte de suite à un autre paquet de sanctions encore plus dures contre l’Iran, le Countering Iran’s Destabilizing Activities Act (qui inclut les sanctions contre la Russie.)

Les sanctions de Trump contre la Russie : le stratagème des Etats-Unis pour dominer le marché énergétique de l’Europe?

Ce n’est pas un hasard si le projet de loi des sanctions du Sénat américain vise l’énergie; c’est un sous-produit d’une guerre féroce de l’énergie. Mais qu’est-ce que le Sénat des États-Unis est-il vraiment en train de faire? Appelez ça destruction créatrice (lucrative).

Le Sénat américain est convaincu que Nord Stream 2 « serait en concurrence avec les exportations américaines de gaz naturel liquéfié en Europe ». Ainsi , le gouvernement américain « devrait donner la priorité à l’exportation des ressources énergétiques des États-Unis afin de créer des emplois américains, aider les alliés et les partenaires des États-Unis, et renforcer la politique étrangère américaine ».

Pourtant, cela n’a absolument rien à voir avec le fait d’aider les « alliés et partenaires »; ce serait plutôt un cas où de grandes compagnies énergétiques américaines obtiendraient un peu d’aide de leurs amis/marionnettes au Sénat. C’est du domaine public la manière dont les majors de l’énergie des États-Unis ont fait des dons de plus de 50 millions $ en 2015-2016 pour faire élire ces personnes.

Regardez ces feux d’artifice de Hambourg

Par rapport au Sénat américain, le rôle de la Commission Européenne (CE) dans la saga est resté un peu obscur, jusqu’à ce qu’il soit devenu clair qu’elle interférera avec un « mandat ». Ce « mandat » devra être approuvé par un vote « à la majorité qualifiée renforcée » par les Etats membres, supérieure au seuil habituel de 72 pour cent des Etats de l’UE représentant 65 pour cent de la population.

Spengler observe comment, « les tentatives répétées de la commission pour obtenir un pied légal dans les contrats entre les entreprises européennes et Gazprom seraient beaucoup plus nuisibles et même potentiellement plus efficaces qu’une signature du président de la  loi sur les sanctions du Sénat (et de la Chambre) ».

Alors, où tout cela mènera-t-il ? Sans doute vers un affrontement extrêmement compliqué « entre la Commission Européenne/Cour de justice et la juridiction allemande/autrichienne (plus russe) ».

Le projet de loi du Sénat devra être soutenu par une majorité la mettant à l’abri d’un veto à la Chambre; ce vote ne se fera pas avant le G-20 à Hambourg. Ensuite, il deviendrait une loi – en supposant que le président Trump ne l’écrabouillera pas.

La clé, c’est que la question « nucléaire » est une clause facultative pour le Trésor américain pour sanctionner ces cinq entreprises occidentales impliquées dans Nord Stream 2. Si la loi est approuvée, la Maison Blanche ferait mieux de l’ignorer. Sinon, l’Allemagne, l’Autriche et la France l’interpréteront nettement comme une déclaration de guerre.

Trump et la chancelière Angela Merkel seront clairement sur une trajectoire de collision au sein du G-20, avec Merkel mettant l’accent sur les discussions sur le changement climatique, les réfugiés et le non-protectionnisme commercial, au grand dégoût de Trump. Le projet de loi de sanctions contre la Russie rajoute juste du désordre. Attendez-vous à beaucoup de feux d’artifice « pour fêter » ces accords bilatéraux à Hambourg.

Traduction :  Avic – Réseau International


- Source : Sputnik (Russie)

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