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Dimanche, 19 Mai 2024

Une révolution de couleur en Corée du Sud ?

Auteur : Avic | Editeur : Walt | Lundi, 07 Nov. 2016 - 11h06

Bien qu’aucune couleur particulière n’ait été arborée par les manifestants sud-coréens, les protestations actuellement en cours à Séoul ressemblent à s’y méprendre, par leur forme et leur dynamique, aux révolutions colorées que nous avons vues un peu partout dans le monde durant ces dernières années.

Que se passe-t-il au juste, en Corée du Sud ? Les Sud-Coréens semblent découvrir tout d’un coup que la présidente Park Geun-Hye subit l’influence de son amie et confidente de 40 ans Madame Choi Soon-sil, et que cette dernière utilise ses relations privilégiées pour ses propres intérêts. Les médias locaux, qui l’ont surnommée pour l’occasion « Raspoutine », ont dressé une longue liste de griefs qui ont conduit à l’arrestation de Mme Choi et à sa mise sous les verrous.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Les manifestations réclamant l’arrestation de Mme Choi ne se sont pas calmées après cette arrestation, au contraire, elles se sont amplifiées et les revendications semblent se modifier au fil des évènements. Dès le début de la crise, Mme Choi était revenue précipitamment de Berlin, pensant sans doute calmer le mécontentement de la population. Immédiatement après, elle a fait un mea culpa public, remettant son sort dans les mains de la justice, allant jusqu’à dire qu’elle méritait la mort. La présidente Park a également fait des excuses publiques, procédant même à des remaniements au sein de son administration. Peine perdue. Le processus de la contestation a suivi son cours selon le mode des révolutions colorées, chaque concession renforçant les contestataires et amenant d’autres revendications, jusqu’au but ultime. La revendication ultime semble être le départ de Mme Park.

Aujourd’hui, nous y sommes. Près de 100 000 Sud-Coréens se sont assemblés à Séoul pour réclamer la démission de Park Geun-Hye. La radicalisation du mouvement se fera désormais sur cette base d’autant plus confortable que la côte de popularité de la présidente est à peine plus élevée que celle de notre Hollande national. Choi Soon-sil n’aura été que le déclencheur d’un mouvement dont l’objectif serait, à première vue, le départ de Park Geun-Hye, il ne sera bientôt même plus fait mention du trafic d’influence dont on accuse Mme Choi, une influence qui était connue de tous et qui date de son père Choi-Tae-Min, ancien bouddhiste Monk devenu, après reconversion, chef du groupe religieux Yongsae-gyo  (Église de l’Eternité).

Comme pour toute révolution colorée, il y a une main agissante qui vient de l’extérieur. Dans le cas de la Corée du Sud, il est difficile d’imaginer que cette main soit étatsunienne. La Corée du Sud est plus qu’un allié des Etats-Unis, c’est le pivot de la politique américaine dans la région. Nous savons que les Etats-Unis n’ont jamais hésité à éjecter un dirigeant d’un pays allié s’ils considèrent que ce dirigeant a trahi leurs intérêts. Mais dans le cas de la Corée du Sud, il existe mille et une manières de procéder au remplacement de la présidente et de remanier la classe dirigeante sans avoir à faire une révolution qui créerait un chaos qui peut jeter les Sud-Coréens dans les bras de leurs frères du Nord ou, pire, dans ceux de la Chine. Il y a donc peu de chances que les Etats-Unis aient quelque chose à voir avec le mouvement réclamant la destitution de Park.

Dans le contexte géopolitique qui prévaut actuellement dans la région, qui d’autre que la Chine a intérêt à rebattre les cartes ? Le conflit entre les deux Corée est une épine dans le pied de la Chine dans sa recherche de stabilité régionale et dans son désir d’exclure toute ingérence extérieure (étatsunienne) près de ses frontières. Malgré plusieurs mises en garde de la part de Pékin, Washington persiste à entretenir les tensions en s’appuyant sur ses alliés régionaux. Bien plus, profitant du dernier bras de fer avec la Corée du Nord, Les Etats-Unis décident d’installer leur bouclier antimissile THAAD en Corée du Sud. Malgré les protestations de la Chine et de la Russie, les Etats-Unis ne veulent rien entendre. C’est peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Techniquement, le départ de Park n’annulera pas automatiquement sa décision concernant le bouclier antimissile THAAD, mais il pourrait en ralentir la mise en œuvre. Depuis que le Pentagone a décidé d’implanter le système THAAD en Corée du Sud, les manifestations anti bouclier se sont multipliées dans le pays. Cela signifie que, si c’est vraiment la Chine qui est à la base du mouvement réclamant aujourd’hui la destitution de Park, les buts de ce mouvement ne se limiteront pas simplement à la destitution de la présidente. C’est peut-être un mouvement de fond, qui pourrait aboutir à un bouleversement géopolitique de grande ampleur, avec à la clé, la réunification des deux Corée, ou au moins la réconciliation des deux parties.


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