www.zejournal.mobi
Vendredi, 26 Avr. 2024

Macron, ministre et lobbyiste pour une multinationale états-unienne?

Auteur : Pierre Duval | Editeur : Walt | Lundi, 11 Juill. 2022 - 16h22

L'information secoue les rédactions en France et l'opposition. Emmanuel Macron, alors qu'il était ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, a soutenu l'implantation de l'entreprise privée Uber qui tentait d'imposer une dérégulation alors que le service UberPop a été jugé illégal par la justice française. L'actuel président français est-il le VRP ou le lobbyiste pour une entreprise américaine? 

Les Uber Files. Le Monde titre: «révélations sur le deal secret entre Uber et Emmanuel Macron», précisant qu' «en 2015, Uber défie ouvertement le gouvernement français en maintenant son service UberPop, jugé illégal par la justice».  Le quotidien français affirme que «des documents internes à l’entreprise, analysés par Le Monde, montrent comment, entre 2014 et 2016, le [ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron] a œuvré en coulisse pour la société de VTC, qui tentait d’imposer une dérégulation du marché et affrontait l’hostilité du gouvernement [français]». 

A peine nommé un mois plus tôt au poste de ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron a invité dans son ministère quatre figures d’Uber: Pierre-Dimitri Gore-Coty, le directeur Europe de l’Ouest, aujourd’hui chargé d’Uber Eats; Mark MacGann, le lobbyiste en chef pour la zone Europe, Afrique, Moyen-Orient ; David Plouffe, l’ancien conseiller de Barack Obama, fraîchement nommé vice-président d’Uber; et le fondateur et PDG de l’entreprise en personne, Travis Kalanick.  

Le Monde précise que «cette rencontre restée confidentielle ne figurait pas à l’agenda d’Emmanuel Macron» et que les «Uber Files» «proviennent d' une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde».

Lobbying validé au sommet du pouvoir. Les informations trouvées dévoilent des informations via des mails, des présentations, des comptes rendus de réunion. C'est-à-dire 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, retracent - indique Le Monde - «les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier». Le groupe a utilisé les techniques du lobbying pour faire évoluer la loi en France à son avantage en opérant, si besoin était, dans l’illégalité.

France Info rajoute que «Travis Kalanick, PDG d’Uber, a rencontré Emmanuel Macron au moins quatre fois lorsque celui-ci était à Bercy».  En outre, le géant du transport en véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC) se trouvait, selon France Info, «dans le collimateur de la répression des fraudes». Et, «le 13 novembre 2014, des enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – un service sous la tutelle du ministère de l’Economie, ont visité les locaux d’Uber à Lyon.

France Info affirme qu' «Emmanuel Macron a annoncé que certaines des mesures phares souhaitées par les plateformes VTC seront adoptées par décret». Des documents indiquent, selon la cellule investigation de Radio France que lors d'une perquisition menée le 6 juillet 2015 par les services fiscaux au siège d’Uber France, les responsables d'Uber se vantent de pouvoir contacter en personne le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique d'alors pour intervenir sur la perquisition. 

Alexandre Quintard-Kaigre contacte Mark MacGann en l'avertissant de la visite d'agents la direction des finances publiques chez Uber: «Direction des finances publiques à l'accueil, sont une vingtaine au total». Mark MacGann demande de pouvoir les identifier pour les signaler à Emmanuel Macron: «Besoin de leur identification exacte avant SMS à [Emmanuel Macron]. Quel ministère de tutelle?».  Mark MacGann signale à Alexandre Quintard-Kaigre qu'il peut «les prendre au téléphone et brandir [la menace] d'Emmanuel Macron.

La cellule investigation de Radio France confirme, «selon les documents que nous avons analysés», que «Mark MacGann a bien contacté Emmanuel Macron, par SMS». Même si Emmanuel Macron n’aurait pas répondu pas au lobbyiste d’Uber, laissant le fisc poursuivre son travail, les liens très étroits entre le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique de l'époque et actuel président de la France, ont été ainsi démontrés.

Macron, ministre et lobbyiste pour une multinationale états-unienne? La présidente du groupe La France insoumise à l'Assemblée, Mathilde Panot, accuse dans un tweet le président de la République d'avoir orchestré le «pillage du pays»: «[Emmanuel] Macron ou le pillage du pays. Conseiller et ministre de François Hollande et lobbyiste pour multinationale états-unienne visant à déréguler durablement le droit du travail. Et ce même, en faisant fi des décisions de justice». Plus tard, Mathilde Panot tweete, réclamant la «fin de la blague» liée aux «Uber Files», révélant une autre imbrication entre le fonctionnement du gouvernement français et les liens de l’entreprise Uber: «Donc, [Emmanuel] Macron et [Elisabeth] Borne ont choisi comme ministre du numérique, Jean-Noël Barrot, soit le frère de la directrice de communication d’Uber France?»

Uber continue son lobbying auprès du gouvernement français. Thomas Thévenoud, l'ancien Secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur «fustige la relation qu'entretenait Emmanuel Macron et la plateforme de VCT américain Uber lors de son implantation en France», fait savoir France Info, continuant, ainsi de dérouler l'affaire des Uber Files sur la tête de l’actuel président français. L'ancien ministre et ancien député PS a affirmé ce lundi qu' «Uber continue son action de lobbying auprès du gouvernement français», en estimant que «le président de la République actuel a été une sorte de VRP ou de lobbyiste pour une entreprise américaine qui avait décidé de faire de la conquête du marché français sa priorité».

Thomas Thévenoud met, également, en cause Elisabeth Borne qui est aujourd'hui Première ministre: «Elle ne peut pas ne pas savoir un certain nombre de choses, puisqu'elle a été ministre des Transports au moment de la loi d'orientation des mobilités».  Et, il martèle ayant été ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, Elisabeth Borne connaît très bien le sujet Uber. 

Lors de la déclaration de politique générale de la Première ministre, Elisabeth Borne, la députée LFI, Mathilde Panot,  avait lancé: «En Macronie, l’essentiel est de simuler la démocratie pour mieux la bafouer».  Observateur Continental titrait à cette occasion: «Elisabeth Borne, un symbole délétère de la démocratie en France?» 

***

Uber Files : ce que disent les révélations sur Macron et Uber

Alors que les freins réglementaires n’accordaient aucune hospitalité à Uber en France, Emmanuel Macron aurait « personnellement » joué un rôle clé dans l’intégration de la société de VTC dans l’économie.

Des discussions secrètes, entre Emmanuel Macron et Travis Kalanick, auraient permis à la société de VTC Uber de pénétrer le marché français sans trop de difficultés réglementaires et juridiques. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), grâce à une investigation du journal anglais The Gardian, révèle que la société américaine serait venue en convoi faire du lobbying à Bercy et aurait reçu un accueil particulièrement chaleureux de la part de l’ancien ministre de l’Economie devenu chef d’État.

Les faits remontent au mois d’octobre 2014, au ministère de l’Économie, lorsque Emmanuel Macron aurait reçu le cofondateur d’Uber, son responsable du lobbying Mark MacGann ainsi que l’ancien conseiller de Barack Obama devenu vice-président d’Uber, David Plouffe. Ensemble, ils auraient tenu des échanges rapides (et efficaces !) pour mener à bien l’intégration d’Uber dans l’économie.

Une conversation jugée « spectaculaire », comme l’écrivait Mark MacGann dans un compte-rendu envoyé à ses collègues. « Un Meeting méga top avec Emmanuel Macron » grâce auquel le lobbyiste en chef concluait : « Du jamais-vu. Beaucoup de boulot à venir, mais on va bientôt danser ;) » suivi de « La France nous aime après tout ». À cette heure, Uber n’avait pas encore les mêmes facilités qu’aujourd’hui et venait à peine la question de la concurrence déloyale et de l’encadrement du statut de travailleur indépendant pour les chauffeurs.

Un deal entre Uber et Macron pointé du doigt

Les journalistes derrière ces « Uber Files » dénoncent l’existence d’un deal, entre Emmanuel Macron et la société Uber, à l’heure où la Répression des fraudes avait les VTC d’Uber dans son collimateur. Avec l’ancien ministre de l’Économie, Travis Kalanick et ses équipes auraient trouvé un vrai « partenaire », avec qui un « deal » aurait été passé. En l’échange de la fermeture du service UberPop, qui permettait à tout le monde de devenir chauffeur, Emmanuel Macron aurait permis « une simplification des conditions pour devenir chauffeur VTC ».

« Les journalistes derrière ces “Uber Files” dénoncent l’existence d’un deal, entre Emmanuel Macron et la société Uber. »

L’Élysée a bien compris les reproches faits dans l’enquête et se défendait d’avoir cherché, en 2015 de réduire la durée de formation de 250 à 7 heures pour obtenir une licence de VTC. Dans une réponse à la consultation de l’ICIJ, le service de presse du chef de l’État a déclaré que ses anciennes fonctions « l’ont naturellement amené à échanger avec de nombreuses entreprises engagées dans la mutation profonde des services advenue au cours des années évoquées, qu’il convenait de faciliter en dénouant certains verrous administratifs ou réglementaires ».

Des différents appels, SMS, comptes-rendus des rendez-vous récupérés par les journalistes d’investigation du Gardian, en ressort le message d’Emmanuel Macron appelant la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à ne pas se montrer « trop conservateur » à l’égard de la société Uber. Autre point clé des « Uber Files », la présence dans un décret promulgué de plusieurs amendements fournis par l’équipe de lobbying d’Uber et qui avaient été rejetés dans un premier temps par les différentes commissions.

Présence d’investisseurs français

Les « Uber Files » se penchent sur quatre années de croissance et 124 000 documents internes enregistrés de 2013 à 2017 chez Uber, dans lesquelles les discussions avec Emmanuel Macron font partie. D’autres chefs d’État sont cités, comme le Premier ministre israélien à l’époque, Benyamin Netanyahou, le Premier ministre irlandais d’alors, Enda Kenny, et Toomas Hendrik llves, ancien président d’Estonie. En tout, 1850 parties prenantes auraient été ciblées par Uber pour pouvoir dépasser un cadre réglementaire aux batailles juridiques certaines.

« En tout, 1850 parties prenantes auraient été ciblées par Uber pour pouvoir dépasser un cadre réglementaire aux batailles juridiques certaines ».

En France, d’autres parties prenantes ont peut-être pesé dans l’équation de l’ancien ministre de l’Économie. Xavier Niel et Bernard Arnault (l’actuelle deuxième plus grosse fortune mondiale derrière Elon Musk), ont tous deux investi dans Uber. Le responsable du lobbying d’Uber avait très bien compris leur importance, plus que pour l’argent. « Nous n’avons pas besoin de leur argent en soi. Mais ils pourraient être des alliés utiles pour gagner la France » écrivait Mark MacGann, dans un e-mail.

David Plouffe, qui travaillait avec Barack Obama sur sa campagne en 2008, a rejoint Uber en 2014 et en devenait le responsable de la communication et des politiques. Lui aurait aurait joué un rôle clé dans le lobbying en faisant jouer son carnet d’adresses côté américain comme européen. Le but : « adoucir l’image d’Uber » – qui a connu d’autres affaires douloureuses comme celles des chiffres sur les agressions sexuelles de ses chauffeurs aux États-Unis.

En réponse aux « Uber Files », la spécialiste des politiques publiques d’Uber a déclaré que « les réunions de David n’ont pas empêché ou retardé quoi que ce soit. Elles ont simplement servi à montrer que nous avions des dirigeants responsables et matures dans l’entreprise qui seraient des homologues professionnels avec le gouvernement. »

« Un an après le gros des discussions avec Macron, Uber n’a pas ralenti son rythme en lobbying ».

Un an après le gros des discussions avec Macron, Uber n’a pas ralenti son rythme en lobbying avec 90 millions de dollars dépensés rien qu’en 2016. Dans ces dépenses, les « Uber Files » dénoncent des rémunérations sous la forme de prime aux équipes de lobbying à chacune de leur percée, sur un marché ou un autre, mais aussi des propositions d’avantages données aux politiques qui leur viendrait en aide sur la bataille réglementaire.

Pour défendre le bilan et les projections d’Uber dans l’économie et dans l’emploi des différents marchés, des économistes se seraient fait rémunérer. En France, le professeur à HEC Augustin Landier est pointé du doigt, lui qui a récemment publié l’ouvrage « Le Prix de Nos Valeurs ».

« La police ne pourra pas obtenir grand-chose »

En dix ans, aucune de ces informations n’avait été révélée dans la presse malgré de multiples tentatives de perquisitions, rien qu’en France. Mais les 4Uber Files”, dans l’un des points les plus à charge sur la société américaine, dénonçaient ses pratiques en toute conscience de « kill switch ».

Un terme informatique pour appeler le bouton d’arrêt d’urgence permettant à tous les ordinateurs d’un réseau – ici celui de Uber – de se déconnecter des serveurs sur lesquels se trouvaient les documents sensibles. « L’accès aux outils informatiques a été coupé immédiatement, donc la police ne pourra pas obtenir grand-chose, voire rien », avait dit David Plouffe à Mark MacGann, dans un appel en mars 2015 depuis Paris.

« Nous avons utilisé cette technique tellement de fois que maintenant, le plus difficile, c’est de continuer à faire semblant d’être surpris ! »

Quatre mois plus tard, en pleine discussion avec le responsable d’Uber France, Thibaud Simphal, le lobbyiste en chef Mark MacGann aurait dit : « Ayez l’air confus lorsque vous ne pouvez pas obtenir l’accès. Dites que l’équipe informatique est à San Francisco et dort profondément. Et que de toute façon, tout cela est contrôlé par Uber BV [le siège de la société aux Pays-Bas], donc ils devraient écrire à Uber BV pour faire leur demande. » Thibaud Simphal lui aurait rétorqué : « Nous avons utilisé cette technique tellement de fois que maintenant, le plus difficile, c’est de continuer à faire semblant d’être surpris ! »

Sources : Presse-citronFrance TV


Cela peut vous intéresser

Commentaires

Envoyer votre commentaire avec :



Fermé

Recherche
Vous aimez notre site ?
(230 K)
Derniers Articles
Articles les plus lus
Loading...
Loading...
Loading...