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Union européenne: le temps de l'euroscepticisme

Auteur : Michel Arnaud | Editeur : Stanislas | Lundi, 22 Avr. 2013 - 23h45

Un trader britannique et un marxiste grec, un nationaliste hongrois et un Italien nostalgique de la lire ont un point commun : le rejet de l’Union européenne, de ses oukazes financiers et de ses prétentions supranationales. Les formations qui condamnent l’Union ont décidé d’en finir avec les diktats de Bruxelles. Parfois d’idéologies diamétralement opposées, elles ont le vent en poupe depuis les élections européennes de juin 2009 et le déclenchement de la crise économique.

Un sondage réalisé les 14 et 15 février par BVA pour le Parisien et l’Institut des relations internationales et stratégiques montre que 75 % des Français estiment que « l’Union européenne a été ces dernières années nettement plus inefficace qu’efficace. Jamais, depuis dix ans que BVA teste cette question, la part des personnes percevant la construction européenne comme une source d’espoir n’avait été aussi faible, constate Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion. Elle est passée de 50 à 38 % en un peu plus d’un an ». Partout, les eurosceptiques relèvent la tête et s’organisent.

Le cas britannique. Un pied dedans, un pied dehors depuis leur adhésion, en 1973, les Britanniques pourraient être les premiers à quitter l’Europe. David Cameron a annoncé, au début de l’année, qu’il organiserait un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union après les législatives prévues en 2015. Dans le camp conservateur, les motifs de mécontentement ne manquent pas : limitation des bonus des financiers de la City, arrivée sur le marché du travail des Roumains et des Bulgares, crise de la zone euro…

Londres souhaite aussi se retirer de la Cour européenne des droits de l’homme. Le Royaume-Uni refuse d’appliquer certaines de ses décisions, comme le droit de vote des prisonniers. Le ministre de la Justice l’a annoncé après la défaite de la législative locale d’Eastleigh où la candidate des conservateurs n’est arrivée qu’en troisième position, derrière le candidat antieuropéen Ukip (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), passé de 3 % des voix à 28 %. Situé à la droite des conservateurs, l’Ukip dénonce sa bureaucratie et l’immigration venue d’Europe de l’Est. Plus d’un tiers des Britanniques affirment qu’ils pourraient lui donner leur voix. La concurrence serait susceptible d’entraîner les Tories dans une surenchère antieuropéenne.

La fièvre nordique. Longtemps agités par des formations eurosceptiques (le Mouvement de juin et la Liste de juin), le Danemark et la Suède font beaucoup moins parler d’eux, probablement parce que ces deux États ne font pas partie de la zone euro et que leur dette à long terme reste notée AAA. Ils ont passé le relais de la contestation européenne aux Pays-Bas et à la Finlande. Partisans d’une grande rigueur budgétaire, fiers de leur triple A, ces deux pays ont failli empêcher la création du Mécanisme européen de stabilité (MES), un fonds d’aide pour les économies en difficulté de la zone euro.

Aux Pays-Bas, les législatives de septembre 2012 ont donné 20 % des voix (à eux deux) au Parti pour la liberté (PVV) du populiste Geert Wilders, contempteur de l’islamisation de la société, et au Parti socialiste (gauche radicale), d’accord pour dénoncer « des mesures dictées par Bruxelles qui pénalisent trop le pouvoir d’achat des Néerlandais ».

En Finlande, Timo Soini, le leader des Vrais Finlandais, parti hostile à l’euro et aux étrangers, avait réalisé une percée aux législatives d’avril 2011 (19 % des voix, 39 députés). Il donne maintenant le ton aux partis traditionnels. Le 6 mars, la ministre de l’Intérieur, chrétienne-démocrate, s’est opposée à l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen.

La poussée sudiste. L’Espagne, le Portugal et la Grèce sont trois des quatre pays de la zone euro (le quatrième étant l’Irlande) à bénéficier d’un plan de sauvetage du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et de l’Union européenne, “troïka” vilipendée par des manifestants.

En Grèce, les partis antiaustérité ont été tout près de remporter les élections législatives du 17 juin 2012. Avec 26,89 % des voix et 71 sièges sur 300, la Coalition de la gauche radicale (Syriza) d’Alexis Tsipras est arrivée juste derrière la droite du premier ministre, Antonis Samaras. Syriza plafonnait à moins de 5 % des voix avant la crise ! Quatre autres partis opposés au plan de rigueur de l’Europe ont décroché des élus : les Grecs indépendants (7,51 %, 20 députés), les néonazis d’Aube dorée (6,92 %, 18), la Gauche démocrate (6,26 %, 17) et les communistes du KKE (4,5 %, 12). Favorables au maintien de la Grèce dans l’Union, la plupart souhaitent renégocier les plans d’austérité.

En Italie, le Mouvement 5 étoiles du comique Beppe Grillo, un parti antisystème, a raflé 25,5 % des voix à l’Assemblée et 23,8 % au Sénat, ce qui en fait le premier parti si on ne tient pas compte des alliés de gauche du Parti démocrate. Le “Coluche italien” veut consulter les citoyens et remettre tous les traités sur la table. En ajoutant les élus de la droite berlusconienne, les eurosceptiques sont majoritaires au Sénat.

Le frémissement germanique. « L’hostilité à l’Europe est devenue une force puissante en Autriche », affirmait en 2008 le politologue autrichien Thomas Hofer. Les élections européennes de 2009 lui ont donné raison. Le croisé anticorruption et eurosceptique Hans-Peter Martin (3 sièges, 17,7 %) en est sorti raffermi et l’extrême droite antieuropéenne de Heinz-Christian Strache, successeur de Jörg Haider, doublait son score (2 sièges avec 12,7 %).

En octobre 2010, le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) doublait son résultat de 2005 en remportant 27 % des voix aux municipales de Vienne. Si le parti de Strache vient de subir une défaite historique dans son fief de Carinthie, il espère se rattraper aux législatives de cet automne. Il devra compter sur l’irruption du milliardaire eurosceptique de 80 ans Frank Stronach (11,3 % obtenus le 3 mars en Carinthie). Quant à l’Allemagne, elle devrait connaître son premier parti eurosceptique. D’anciens membres de la CDU, le parti d’Angela Merkel, lancent l’Alternative pour l’Allemagne, antieuro.

Les pays de l’Est. Avec le décès du président polonais Lech Kaczynski, le 10 avril 2010, et la passation de pouvoir, le 8 mars dernier, entre le chef de l’État sortant tchèque, Václav Klaus, et l’europhile de gauche Milos Zeman, l’Europe centrale a perdu les deux “tontons flingueurs” de l’Union. Mais la Commission européenne s’est découvert un opposant redoutable en la personne du premier ministre conservateur hongrois, Viktor Orbán, vainqueur des législatives du 25 avril 2010.

Ailleurs, des manifestations antiaustérité ont fait tomber les gouvernements en Roumanie, en Slovénie et en Bulgarie sans que cela profite ou donne naissance à des partis eurosceptiques. Il leur reste une bonne année avant les élections européennes, au printemps 2014, pour s’organiser et monter en puissance.


- Source : Michel Arnaud

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