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De l'Ukraine à la Grèce, une Europe ni pacifiée ni prospère

Auteur : Stephan A. Brunel | Editeur : Walt | Mercredi, 25 Févr. 2015 - 17h25

La guerre civile dans l’est de l’Ukraine est en passe de prendre une nouvelle dimension. Notre duo comique Merkel-Hollande aura tenté l’impossible, un an après que l’Ukraine a fait sa « révolution », la deuxième de l’ère post-URSS, révolution dirigée contre la Russie et les oligarques corrompus, encouragée par les Européens et les États-Uniens, et soutenue par la CIA en sous-main, en violant le principe immémoriel des zones d’influence, ou des États tampons entre puissances, et le droit de la Russie à ne pas se sentir assiégée par ses ennemis.

De bailout en plans de sauvetage, on en est toujours au même point avec la Grèce. Voilà cinq ans que ça dure. On est surpris d’apprendre que les réformes vitales tenant à la collecte des impôts, à l’évasion fiscale ou à la corruption n’ont pas été menées. Les Grecs ont beaucoup de torts, mais pourquoi les bailleurs de fond ont préféré exiger de baisser les salaires et les retraites ou démolir le système de santé ? Il est peu probable qu’Aléxis Tsípras osera refiler le mistigri de la dette à ses créanciers et mettre le pataquès dans la zone euro en déclarant son pays en faillite. Dommage.

Dans les deux cas, on est frappé par les atermoiements des Européens, leur incapacité à trouver des solutions fermes et durables, par l’usine à gaz qu’est l’Union européenne, avec son directoire à trois têtes, comme l’hydre, entre Bruxelles, Francfort et Berlin. Le résultat est patent : un double désastre qui apporte un démenti cinglant au propos de Manuel Barroso, dans son discours d’adieu en janvier, le catéchisme habituel, lénifiant et creux, sur « notre espace de paix et de prospérité ».

La guerre en Ukraine n’est pas la première qui ravage le continent depuis 1945. Croire que l’Union européenne a mis fin aux conflits, c’est confondre la cause et la conséquence : la construction européenne s’est faite parce que les guerres entre la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne sont devenues impensables. À l’inverse, conflits et dictatures sanglantes n’ont cessé à notre pourtour : Europe du Sud, Balkans, ex-Républiques soviétiques, tout le rivage méditerranéen, du Liban à l’Algérie, de la Syrie à la Libye. C’est le propre des empires à l’ancienne (Perse, Rome, Chine) que de tenir les guerres à distance, sous la conduite de vassaux, pour garantir la paix intérieure.

Les Grecs ont bien dû rire quand on leur a appris que l’Union européenne leur avait apporté la prospérité. Ils ont perdu 25 % de PIB en cinq ans, effaçant une décennie de croissance qui reposait sur du vent, alors que l’Allemagne bat des records et étale une santé économique qui doit aux déboires d’une périphérie – Portugal, Italie et France périurbaine y compris – qui se désindustrialise, s’appauvrit et se vide de ses habitants. C’est l’illustration de la théorie de la spécialisation de Paul Krugman, sur le modèle états-unien quand le malheur des uns (Detroit, Rust Belt) fait le bonheur des autres (Californie, Sun Belt) ou, en Italie, l’opposition entre le Nord et le Mezzogiorno.

On ne sait comment appeler ce machin qu’est l’Union européenne, qui n’est pas une fédération ou un État-nation, alors on la nomme espace ou construction. Bureaucratique, oligarchique, ploutocratique, notre union est un empire d’un genre particulier : l’empire du mou. Il faut lire et relire Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq pour savoir comment ces empires finissent.


- Source : Stephan A. Brunel

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