«Gouvernement démissionnaire» : usurpation en bande organisée
LFI a donc mis sa terrible menace à exécution et lancé la procédure de destitution d’Emmanuel Macron en application de l’article 68 de la Constitution.
Deux petits préalables avant de jeter un coup d’œil sur le fond de cette question.
Tout d’abord l’article 68 qui permet de destituer le président de la République est le fruit d’une modification récente pour atténuer la totale immunité accordée au chef de l’exécutif par le texte initial. Le premier alinéa de l’article présente cette possibilité de façon très restrictive : «Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute-Cour». L’utilisation de la formule «ne peut être destitué qu’en cas de manquement…» démontre que le manquement invoqué doit être particulièrement sérieux. La destitution du chef de l’exécutif est prononcée par le pouvoir législatif réuni en congrès à une majorité de 66% des parlementaires. Cet article n’a évidemment jamais été utilisé et auparavant, seule une piètre tentative à vocation médiatique avait été lancée contre François Hollande sans que personne n’y prête d’ailleurs attention.
Une gauche minoritaire
En second lieu, pour apprécier la valeur politique de la démarche des amis de Jean-Luc Mélenchon, il faut évaluer la pertinence juridique et institutionnelle du reproche. Si l’on comprend bien, Macron est accusé de ne pas respecter la Constitution et de piétiner la tradition républicaine en ne nommant pas Lucie Castets premier ministre, alors que l’Assemblée nationale élue le 7 juillet dernier est installée et que le gouvernement Attal est démissionnaire. La présentation qui est faite du «manquement incompatible» interprète l’article 8 de la Constitution comme donnant au président de la République ce que l’on appelle une compétence liée. Il serait tenu de nommer Premier ministre la personnalité qui lui serait présentée par l’alliance électorale répartie en cinq groupes parlementaires disposant du plus grand nombre de députés. La Constitution ne dit rien de tel, le président dispose du pouvoir souverain de nommer le Premier ministre qu’il veut. À charge pour celui-ci de composer son gouvernement et d’obtenir sous une forme ou sous une autre la confiance de l’Assemblée nationale. Ce à quoi les dirigeants composant les partis membres de l’alliance électorale NFP répondent mécaniquement par l’incantation : «la gauche a gagné les législatives». Cela n’est pas sérieux. Les élections européennes du 9 juin dernier qui ont quand même constitué un sondage en grand et en vrai ont accordé aux organisations qui vont constituer ensuite l’alliance électorale NFP un total cumulé de 33%. Le 30 juin au premier tour des législatives il sera ramené à 27%, c’est-à-dire un des plus bas étiages de la gauche depuis 1958. On connaît la suite, avec la nième application de la stratégie du castor mise en place entre les deux tours, avec une nouvelle alliance électorale à la clé entre le NFP et Ensemble, le parti macroniste. Désistements réciproques aboutissant à la réélection de Gérald Darmanin et d’Élisabeth borne avec les voix LFI, celles de Mathilde Panot et Sébastien Delogu par les électeurs de Macron. Jusqu’à François Hollande par ceux de Philippe Poutou…
Réussite de l’opération avec la progression du RN stoppée et l’arrivée à l’Assemblée de la majorité constituée par «l’arc républicain», le bloc bricolé entre les deux tours. C’est la raison pour laquelle, toutes les gesticulations de la «gauche» depuis le 7 juillet, toutes ces mises en cause d’Emmanuel Macron n’ont pour seule motivation que d’effacer les traces de ce nouveau sauvetage du système. Qu’elle avait participé à mettre en place en 2017 en l’envoyant à l’Élysée et en l’y maintenant depuis. Histoire de donner le change, le parti socialiste a trouvé dans les cartons de Pierre Moscovici et d’Anne Hidalgo une candidate improbable, sorte de Macron en jupon. Arrogance, suffisance, narcissisme, démagogie, gauchisme culturel, Lucie Castets incarne de façon caricaturale la haute fonction publique socialiste qui a tout trahi avant d’organiser l’arrivée de Macron au pouvoir. En multipliant les provocations, Jean-Luc Mélenchon soucieux de son image usurpée d’opposant irréductible, a veillé soigneusement à empêcher son arrivée à Matignon. Au grand dam de ses amis socialistes qui piaffent à l’idée de réintégrer les palais de la république.
Et c’est bien le refus d’Emmanuel Macron de marcher dans cette combine qui permet d’alimenter cette colère surjouée et de se lancer dans une procédure de destitution dont les initiateurs, savent très bien qu’elle n’ira nulle part. Cette destitution n’est absolument pas leur objectif.
Destituer Macron : les vrais motifs
Ces choses-là étant dites, force est cependant de constater qu’une procédure permettant de destituer Macron serait à la fois légitime et justifiée. Car si l’article 8 de la Constitution lui donne la compétence de nommer le Premier ministre, et qu’il n’est pas tenu par une tradition républicaine inventée d’obéir aux ordres que lui lancent les gens du NFP, il doit le nommer. C’est une proposition qu’il fait à l’Assemblée nationale, à charge pour celle-ci d’utiliser ses propres compétences pour l’accepter ou le refuser. Et cette compétence qu’elle exerce en continu, participe du contrôle dont elle dispose dans une démocratie parlementaire. En refusant d’utiliser la sienne jusqu’à présent, Emmanuel Macron ne remplit pas ses obligations qui sont de veiller, aux termes de l’article 5, au respect de la Constitution.
En effet, depuis le 16 juillet et la démission de Gabriel Attal, la France n’a plus de gouvernement légitime. L’article 20 de la Constitution nous dit : «Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50». Pour que sa légitimité institutionnelle à remplir sa mission soit incontestable, le gouvernement doit se présenter devant l’Assemblée nationale. Or, la bande des anciens ministres à qui Macron a demandé d’expédier les affaires courantes, ne dispose absolument pas du statut institutionnel lui permettant de remplir la mission prévue à l’article 20. Armée de son insondable stupidité, Amélie Oudéa-Castera l’ancienne ministre des sports (et de l’éducation nationale aussi) a tranquillement et fermement craché le morceau et revendiqué le fait de piétiner les règles fondamentales de la démocratie républicaine. Interrogée à propos de sa «mission» lors du déroulement des jeux paralympiques elle a tranquillement répondu en souriant : «Je ne ressens pas un statut démissionnaire. On est à fond, un gouvernement mobilisé. Je suis totalement engagée».
Elle n’est plus ministre. Elle n’a plus aucun droit de gouverner, juste de coller les timbres sur les enveloppes. Elle viole la Constitution et n’essaye même pas de donner le change.
Et c’est là qu’on apprend que le secrétariat général du gouvernement a produit à l’usage des ministres une note absolument sidérante. De laquelle il résulte que le gouvernement démissionnaire peut prendre deux types de décisions : les décisions ordinaires, et les décisions urgentes. Il ne peut pas prendre de décision politique, mais on voit bien que plus la situation dure, plus les décisions politiques deviennent des décisions urgentes. C’est la raison pour laquelle, aucun des ministres démissionnaires ne se gêne. Ils occupent tous les médias, parcourent les plateaux, donnent interviews sur interviews. Madame Belloubet organise des réunions de rentrée scolaire, Monsieur Séjourné fait des voyages, porte la parole diplomatique de la France, Madame Oudéa-Castera «mobilisée» ne se «ressent pas» «démissionnaire». La note ajoute benoîtement que le «gouvernement démissionnaire» ne peut pas être renversé puisqu’il est déjà démissionnaire… Tant qu’à se moquer du monde, pourquoi ne pas continuer.
Usurpation en bande organisée
Le résultat est que la France est désormais gouvernée par une bande en dehors des règles constitutionnelles françaises qui sont celles d’une république parlementaire. Une bande organisée de délinquants qui plus est, puisque l’article 433-12 du Code pénal prévoit que : «Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, par toute personne agissant sans titre, de s’immiscer dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant l’un des actes réservés au titulaire de cette fonction».
Cette situation invraisemblable à laquelle Emmanuel Macron s’accroche sous de mauvais prétextes justifierait à elle seule de mener à son terme la procédure de l’article 68. Il y aurait bien sûr d’autres raisons qui permettraient de charger la barque, les nombreuses affaires de corruption, la soumission à des intérêts étrangers comme dans l’affaire Durov par exemple, les rodomontades bellicistes oubliées du printemps, mais le refus de nommer un Premier ministre quel qu’il soit, même Lucie Castets si ça lui chante, est une violation de ses obligations de veiller au respect de la Constitution.
Alors pour faire durer et essayer de pérenniser cette situation, qu’il arrange et qui lui permet de continuer à gouverner, il prétend qu’il anticipe et veut éviter de nommer un premier ministre qui n’aurait pas la confiance des députés. Non seulement il se fout du monde, mais il empiète sur les responsabilités du pouvoir législatif.
Débarrasser la France, d’un irresponsable de ce calibre est désormais une urgence.
- Source : Vu du droit