Un article paru en décembre comme source

S’appuyant sur les informations de Wenweipo, l’article de Straits Times précise qu’à la différence des exécutions précédentes des prisonniers politiques, réalisées par des pelotons militaires avec des mitrailleuses, Jang Song-thaek aurait été déshabillé et mis nu dans une cage avec cinq de ses proches collaborateurs. Ensuite, 120 chiens, qui n’ont pas été nourris depuis trois jours, auraient été lâchés sur les prisonniers jusqu’à ce que les condamnés soient entièrement dévorés. Selon le journal singapourien, la scène s’est déroulée en présence du leader de la RPDC et 300 de ses collaborateurs. Cette exécution, dénommée quan jue (exécution par des chiens), aurait duré une heure.

Les articles sur ce sujet se basent tous sur une seule et même source : l’information parue dans Wenweipo. Or, le quotidien hongkongais ne se réfère à aucune source dans son texte. L’information officielle des autorités nord-coréennes publiée le 13 décembre dernier ne donne aucune précision sur la manière dont l’oncle de Kim Jong-un a été exécuté.

Une version des faits mise en doute

Si le quan jue semble être un moyen d’exécution répandu en Corée du Nord (sur cette vidéo du Telegraph, on voit une marionnette à l’effigie de l’ancien président de la Corée du Sud, Lee Myung-bak, dévoré par une horde de chiens), rien ne prouve que l’exécution de Jang Song-taek se soit produite de cette manière. D’abord, parce qu’il s’agit de l’oncle de Kim Jong-un, et d’un haut fonctionnaire du gouvernement du pays. Ensuite, parce que l’article de Weiwenpo, un journal présenté par les médias occidentaux comme « pro-chinois », n’a pas été repris par d’autres médias en Chine populaire à sa parution. Et selon Chad O’Carroll, le fondateur du site NK News, spécialisé dans les informations sur la RPDC, les médias Sud-coréens ont également ignoré l’information. « Le fait qu’on n’en ait plus parlé pendant près d’un mois dans les médias asiatiques est assez révélateur », considère-t-il.

En outre la récente enquête sur l’indice de fiabilité des médias hongkongais, réalisée par l’Université chinoise de Hongkong confirmerait le doute que suscite la version de l’exécution de Jang, donnée par Wenweipo. D'après cet indice, le journal se classe à la 19e position sur 22.

Les experts interrogés par NK News donnent des avis différents sur cette exécution. Si certains considèrent la version avec les chiens comme plausible, compte tenu des témoignages horribles rapportés par les anciens prisonniers des camps de rééducation par le travail, d’autres critiquent les journalistes peu scrupuleux qui ne vérifient pas leurs sources et donnent une version des faits « qui fait de l’audience ». « Après tout comment peut-on calculer les chiens à un moment pareil », s’interroge sur son compte Twitter le satiriste libanais Karl Sharro.

L’ancien « numéro 2 » de la RPDC devenu « ennemi numéro 1 »

Jang Song-taek, qui avant son limogeage, administrait le Parti des Travailleurs de la RPDC, avait été exécuté le 12 décembre suite à une décision du tribunal militaire. Il était accusé d’avoir fomenté un complot contre Kim Jong-un pour renverser le pouvoir. Jang aurait notamment vendu des ressources minières nationales à bas prix et aurait cédé pour 50 ans « à un Etat étranger » des terrains dans la zone économique spéciale de Rason (Rajin-Sonbong), aux confins de la Russie et la Chine. La longue liste des délits qui sont incriminés à l’oncle de Kim Jong-un compte aussi le détournement de fonds et l’enrichissement personnel.