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“Les accidents type Mediator vont se répéter”

Auteur : Le Figaro | Editeur : Stanislas | Lundi, 23 Sept. 2013 - 19h17

On se souvient d’elle pour son ouvrage sur la prison de la Santé, dont elle fut médecin-chef. Aujourd’hui à l’hôpital Saint-Antoine, cette femme de cran récidive avec Santé, le grand fiasco (1), que Lefigaro.fr/madame a lu en avant-première. Failles de la sécurité sanitaire, lobbying agressif des labos, boulimie chimique des Français… Elle nous livre un diagnostic inquiétant.

Lefigaro.fr/madame. - Des dizaines de molécules aussi dangereuses que celles du Mediator circulent encore, écrivez-vous. Comment l’expliquez-vous ?
Dr Véronique Vasseur. -
Par le lobbying intensif et souvent sans scrupule de l’industrie pharmaceutique, qui s’exerce à l’Assemblée nationale, chez les médecins et les associations de malades… Résultat : un médicament sur deux est inutile, et 5 % sont potentiellement dangereux. Citons l’Arcoxia, par exemple, un anti-inflammatoire non stéroïdien toujours en vente, alors que sa molécule voisine, le Vioxx, a été supprimée en 2004 en raison de sa dangerosité ! Chaque année, 18 000 personnes meurent en France à cause des effets secondaires des médicaments.

La réforme engagée par le ministère de la Santé après le scandale du Mediator, cet antidiabétique détourné comme coupe-faim qui aurait causé entre 1 300 et 1 800 décès, vous semble insuffisante. Pourquoi ?
Car les failles des agences de sécurité sanitaire existent toujours. La transparence entre laboratoires et médecins, qui devait être l’axe fort de la loi Bertrand, votée fin 2011, n’est pas totale.

À ces conflits d’intérêts s’ajoutent le manque de réactivité et de poids de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). On l’a vu lors du scandale de la Diane 35, un antiacnéique utilisé à tort comme pilule. Interdit par l’ANSM au vu des risques de thrombose, il va bientôt revenir sur le marché sous la pression de la Commission européenne ! Je pense que les accidents type Mediator vont se répéter. Par ailleurs, la plupart des grands scandales sanitaires (pilules de 3e et 4e génération, THS, prothèses PIP, Distilbène…) concernent la santé des femmes, car elles sont plus vulnérables socialement.

Vous pointez aussi la boulimie chimique des Français…
Nous consommons une boîte de médicaments par semaine et par habitant – un record mondial. Certains patients viennent me voir à l’hôpital Saint-Antoine avec des listes de produits à commander. Je leur dis : « Vous n’êtes pas à l’épicerie ! » La santé devient un bien de consommation comme un autre. Et les labos tirent profit de nos peurs, inventant, tel des Dr Knock, des pathologies imaginaires pour vendre des médicaments aux bien-portants. Grâce au prétendu « syndrome de la bedaine », le laboratoire Sanofi a commercialisé pendant un an et demi l’Acomplia (rimonabant), avant de le retirer de la vente en 2008 en raison d’effets secondaires trop importants. L’inflation est sidérante : on dénombre sur le marché plus de 9 000 médicaments, dont 6 000 remboursés par la Sécu. Alors que l’OMS n’en juge que 350 essentiels.

Et les risques d’effet cocktail sont nombreux…
D’autant que les médecins sont mal formés en pharmacologie. Cette surconsommation entraîne des risques pour la santé, ainsi qu’un surcoût pour la collectivité inacceptable en période de crise. Chaque année, nous jetons l’équivalent de 5 milliards d’euros de médicaments à la poubelle, dont 4 milliards sont remboursés par la Sécurité sociale. Cette manne attire les escrocs. L’Ordre national des pharmaciens vient de repérer des centaines de sites pirates d’officines en ligne, et a porté plainte contre neuf d’entre eux. Pour lutter contre cette consommation excessive, le projet que le gouvernement envisage de mettre en place pour 2014 serait de contraindre les labos à afficher sur les boîtes des médicaments remboursables le service médical rendu, estimé « important », « modéré » ou « insuffisant ». Mais pourquoi rembourser des médicaments inefficaces ? Mieux vaut les retirer du marché ! Ce gâchis m’indigne d’autant plus que j’ai beaucoup travaillé avec des populations démunies, prisonniers, toxicomanes ou travailleurs pauvres, qui auraient le plus besoin d’être aidées.

Vous appelez à une écologie du soin. Quelle est-elle ?
Il faut réduire les autorisations de mise sur le marché des traitements non innovants. Rappelons qu’aucun médicament miracle ne remplacera le sport, une nourriture saine et une bonne hygiène de vie. Les médecins doivent marteler ce message préventif. Cette éducation pourrait commencer à l’école, par des cours d’équilibre alimentaire dès la maternelle. Les Français, comme la Sécu, s’en porteraient mieux.

(1) Avec Clémence Thévenot. Le 25 septembre chez Flammarion.

 


- Source : Le Figaro

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