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Moscou et la diplomatie du béton ?

Auteur : Bob Woodward | Editeur : Walt | Lundi, 11 Sept. 2017 - 22h48

Moscou propose de construire deux ponts reliant l’Extrême-Orient russe au Japon à travers Sakhaline. Un projet très onéreux supposé attirer une pluie d’investissements vers une région russe économiquement déprimée.

La Russie a avancé l’idée de construire un pont reliant l’île de Sakhaline à celle d’Hokkaïdo pour contribuer au développement du tourisme et des relations d’affaires.

La Russie propose au Japon d’examiner le projet d’une éventuelle construction d’un pont supportant des voies ferroviaires et des chaussées pour véhicules automobiles depuis Hokkaïdo jusqu’à l’île de Sakhaline, a déclaré au Forum économique oriental le premier vice-Premier ministre russe, Igor Chouvalov.

«Nous sommes sur le point d’entamer notre part des travaux visant à prolonger le chemin de fer jusqu’à la côte du Pacifique et à construire le tronçon reliant l’île de Sakhaline au continent. Ce qui permettra de mettre à profit nos infrastructures ferroviaires et aidera le Japon à devenir une puissance continentale», a-t-il indiqué.

Igor Chouvalov a précisé que le projet prévoyait d’engager des technologies innovantes pour éviter des dépenses trop importantes.

Début août, les autorités de Sakhaline ont proposé d’introduire un régime sans visa de trois jours pour les Russes souhaitant visiter le Japon. Selon le gouverneur de la région de Sakhaline, Oleg Kojemiako, cette mesure contribuera au développement des échanges touristiques et des relations d’affaires entre les deux pays. La Russie a pour sa part autorisé les Japonais arrivés dans l’île à bord du ferry reliant Korsakov à Wakkanai à rester dans le pays sans visa pendant 72 heures.

Pendant le Forum économique oriental qui s’est ouvert à Vladivostok, la Russie a l’intention de présenter 32 projets d’investissement pour presque 1250 milliards de roubles (plus de 18 milliards d’euros). La plupart s’adressent aux investisseurs russes, mais Moscou a également des projets à proposer à ses partenaires étrangers. De nouveaux accords doivent être signés avec des partenaires devenus traditionnels depuis deux ans — la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Les investissements des sociétés asiatiques dépasseront 3 milliards de roubles (43 millions d’euros).

La Russie et le Japon n’ont toujours pas signé de traité de paix, mais cela n’empêche pas Moscou de faire miroiter à son voisin extrême-oriental la perspective de «devenir une grande puissance continentale», selon les mots du vice-premier ministre russe, Igor Chouvalov. Pour appâter les méfiants Japonais, le président Vladimir Poutine a dévoilé jeudi à Vladivostok un projet pharaonique de pont mixte (routier et ferroviaire) reliant les îles d’Hokkaido et de Sakhaline, puis cette dernière au continent. Les experts chiffrent ce projet à 600 milliards de roubles, soit 10 milliards d’euros. «C’est un projet à l’échelle planétaire», claironne Vladimir Poutine.

Moscou déploie d’intenses efforts diplomatiques depuis plusieurs années pour débloquer un flot d’investissements japonais sur son flanc extrême-oriental, profondément déprimé depuis l’écroulement de l’Union Soviétique. Cette région autrefois très militarisée connaît un exode de population continu depuis 20 ans. Le taux d’alcoolisme y est deux fois supérieur à la moyenne nationale.

La réaction japonaise est très prudente. «Il faut clarifier sa validité économique», a dit du projet le ministre japonais de l’Economie, Hiroshige Seko, ajoutant que «pour la réalisation de projets de grande envergure, il faut approfondir la confiance mutuelle entre les peuples des deux pays». Tokyo conditionne la signature d’un accord de paix à la restitution de quatre îles de l’archipel des Kouriles, prises par Joseph Staline dans les derniers jours de la Seconde Guerre Mondiale. Pour Vladimir Poutine, connu pour sa propension à étendre le territoire russe, pas question de toucher à la souveraineté. La diplomatie russe se limite à des carottes tendues aux milieux d’affaires.

Le lien routier et ferroviaire vers le continent est le dernier avatar de cette diplomatie du béton. Le représentant spécial du président russe pour le district de l’Extrême-Orient russe, Iouri Troutnev, a indiqué au quotidien Vedomosti que la décision était quasiment prise de construire le pont. Ce qui reste encore peu clair, c’est qui va payer l’addition. Vladimir Poutine n’a pas rechigné à dépenser 3,7 milliards d’euros pour un pont reliant la Russie à la Crimée, annexée en 2014. La construction de l’ouvrage de 19 km, qui sera achevé en 2019, a été confiée au milliardaire Arkady Rotenberg, un ami d’enfance du président.

Le projet Sakhaline-Hokkaido est autrement plus complexe. Le premier pont enjamberait le détroit de Nevelskoï (7 km de largeur) entre le continent et Sakhaline. Dans ce secteur, il n’y a ni ville ni route. La voie ferroviaire la plus proche se situe à 500 km. Le second pont traversant le détroit de La Pérouse vers Hokkaido fera au minimum 40 km. Pour Mikhaïl Blinkine, directeur de l’Institut du transport à la Haute Ecole d’économie, il faut tenir compte du climat, d’une forte activité sismique et de l’absence d’infrastructures. Le projet n’a de sens que s’il va jusqu’à Hokkaido. L’économiste Natalia Zoubarevitch est encore plus sceptique. «Les compagnies japonaises préfèrent utiliser le fret maritime, donc il vaut mieux développer ce type de transport à Sakhaline.» Selon elle, le projet de pont «est avant tout politique».

 


- Source : Decrypt News Online

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