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Mercredi, 08 Mai 2024

Une nouvelle intervention en Libye

Auteur : Alexander KUZNETSOV | Editeur : Walt | Samedi, 02 Juill. 2016 - 00h46

Quelque chose de surprenant s’est produit l’été dernier à la Maison Blanche: le président des États-Unis a admis que l’incursion américaine de 2011 en Libye, qui avait menée au renversement de Muammar Kadhafi avait été une erreur.

Et pourtant la décision américaine d’intervenir en Libye n’avait certainement pas été une action spontanée ou précipitée. Il s’agissait d’une idée réfléchie afin d’atteindre deux objectifs.

Premièrement il s’agissait de lutter contre la progression économique qui avait lieu en Libye et qui commençait à s’étendre en Afrique. Cette expansion menaçait de remplacer la domination des vieilles puissances coloniales que sont la France et la Grande-Bretagne. Pour cette raison, l’OTAN et l’Europe se sont alliés et ont mené des actions militaires en Libye.

Deuxièmement, les financiers occidentaux ont fait part ouvertement de leur hostilité à l’idée de l’introduction du Dinar libyen. Car il y avait de bonnes chances que d’autres pays de l’Union Africaine puissent également adopter cette monnaie, le Dinar libyen aurait pu écarter le dollar et cela aurait eu un impact considérable sur l’utilisation du dollar à l’échelle internationale.

Après la destruction de l’appareil étatique en Libye, les Américains et Européens ont réfléchi sur ce qui pourrait remplacer les ancienne structures. Dans un pays composé de tribus, la chute du régime, autoritaire mais stable, servant de lien entre les différentes tribus a mené à de nouveaux conflits et au « chacun pour soi » et cet environnement était propice au développement de l’État Islamique.

Il y a environ 1700 groupes armés actifs en Libye à l’heure actuelle qui se partagent le pouvoir dans ce pays.

En juin 2011, il a été annoncé que le port de Sirte avait été libéré ainsi que ses stocks de pétrole des militaires de l’État Islamique. Il est intéressant de constater que les libérateurs étaient des militants de Misrata, un clan non moins radical que Daesh. C’était par ailleurs des rebelles de Misrata avec des membres des clans situés à Benghazi qui ont débuté la nouvelle « révolution » en 2011. A cette époque, les clans provenant du Cyrénaïque et de Misrata étaient vus comme des proxies du Qatar. Doha qui était impatient de dominer la Libye post-Kadhafi, avait misé gros sur eux. Toutefois une fois le pays plongé dans le chaos, il est devenu évident que chacun voulait sa part du gâteau pour ce qui est du pétrole, mais comme il n’y avait pas assez de pétrole, les clans se sont dissous.

Abdelhakim Belhaj, le gouverneur de Tripoli et ancien leader d’un groupe local affilié à al-Qaeda, est un parfait exemple. En 2011, il a servi dans les rangs des rebelles comme agent au service du Qatar en Libye. Mais à partir du moment où il n’a plus reçu sa rémunération du Qatar, Belhaj a changé son allégeance au profit de dirigeants africains et à l’heure actuelle, entretient de bonnes relations avec les services de renseignements algériens. Il a troqué son camouflage de commandant des forces sur le terrain pour un trois pièces et il est devenu un respectable homme d’affaire. Abdelhakim Belhaj est maintenant le directeur de la plus grande compagnie aérienne libyenne, ainsi que directeur de plusieurs compagnies d’assurances, et de firmes travaillant dans l’import-export en Libye, Tunisie, Soudan, et en Turquie.

Déçus par leur alliance avec le chef de tribu, les Qataris ont finalement placé leur mise sur l’État Islamique. Mais la Libye n’est pas l’Iraq. En Iraq, la popularité de Daesh parmi les Sunnites était renforcée par la présence d’un ennemi commun: les Chiites. Mais cet ennemi commun n’existe pas en Libye et les conflits ethniques sont bien plus présents en Libye, à cause de ça, Daesh a été incapable de s’emparer de territoires importants.

A l’heure actuelle, la situation en Libye est de plus en plus dictée par les interventions étrangères. Lors de la bataille de Sirte, des troupes des forces spéciales anglaises ont travaillé main dans la main avec le clan Misrata. Il y a également des forces étrangères dans les divisions sous le commandement du général Khalifa Haftar, le plus sérieux rival des combattants de Misrata. Début juin, les forces spéciales françaises ont participé à l’assaut final du général Haftar sur Benghazi. Ce général qui commande l’armée loyale à la chambre des députés est basé à Tobruk et profite également du soutien de l’Égypte et de l’Arabie Saoudite depuis peu. Il ne faut pas oublier qu’il y a en Libye deux gouvernements et deux parlements: la Chambre des députés à Tobruk et le Congrès Général à Tripoli qui est tenu par les Islamistes. En décembre de l’année dernière, les leaders des deux côtés se sont vus contraints de former un gouvernement d’union nationale.

Mais la situation est en train de changer. Les Saoudiens ont commencé à activement collaborer avec les commandants de Tripoli et de Misrata sur le terrain, les aidant de manière financière ce qui affaiblit la position du Qatar. On peut citer comme exemple Ibrahim al-Jathran le chef de la milice de la tribu de Zuwaya et également Ismail al-Sallabi commandant des Brigades Martyres, et frère de Ali al-Sallabi, qui est un leader spirituel proche des Frères Musulmans. Tout cela se passe avec l’aval du gouvernement d’accord national de Fayez al-Sarraj qui est basé à Tripoli.

Il y a des hypothèses très intrigantes qui expliquent pourquoi d’un côté l’Égypte, les Emirats Arabes Unis, et l’Arabie Saoudite et de l’autre les puissances occidentales poursuivent des objectifs différents en Libye. Les Saoudiens veulent établir un gouvernement viable dans le pays mais placé sous le contrôle économique et politique de Riyadh. Mais l’Angleterre et la France ne seraient pas contre une nouvelle partition coloniale du pays. Avant l’indépendance, la Libye était un conglomérat de provinces, avec la Cyrénaïque sous contrôle britannique, la Tripolitaine sous contrôle italien, et le Fezzan sous le contrôle des français. Mais même maintenant en 2016, il n’y a aucune garantie que cette même répartition ne revienne pas à l’ordre du jour.

Traduit par Florent Guyard pour Réseau International


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