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Lundi, 13 Mai 2024

Attentats de Paris : l’exécutif français lance une vaste opération de contre-feux

Auteur : Arrêt Sur Info (Suisse-Guillaume Borel) | Editeur : Walt | Vendredi, 20 Nov. 2015 - 20h51

Dans un précédent article je pointais la responsabilité écrasante de l’exécutif et des services de renseignement français dans les attentats du 13 novembre dernier. En cause, la politique étrangère du pompier pyromane suivie par la France au Moyen et Proche orient, qui comprend notamment le soutien armé et opérationnel aux groupes salafistes en Syrie depuis 2012 dans le but de renverser le régime du président Bachar el-Assad.

Il convient également de dénoncer les liens privilégiés entretenus par le gouvernement français, et ce depuis le mandat de Nicolas Sarkozy, avec les principaux promoteurs du salafisme que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar. De nombreux membres de la coalition internationale luttant officiellement contre l’organisation État Islamique en Irak et en Syrie, ont dans les faits apporté un soutien financier et opérationnel à cette organisation tout en prétendant par ailleurs le combattre. La Turquie joue notamment un rôle central dans l’approvisionnement logistique des combattants de Daesh en facilitant leur passage et leurs allées et venues de part et d’autres de sa frontière, et en absorbant l’écoulement de la production de pétrole de l’organisation sur son sol, qui constitue sa première source de financement. Début octobre 2014, le vice-président américain Joe Biden déclarait ainsi à l’occasion d’une conférence à l’université de Harvard :

« Notre plus gros problème étaient nos alliés dans la région; les Turcs sont de grands amis, ainsi que les Saoudiens et les résidents des EAU et autres. Mais leur seul intérêt était de renverser le président syrien Bachar el-Assad et pour cela ils ont mené une guerre par procuration entre les  sunnites et les  chiites et ils ont fourni des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes à tous ceux qui acceptaient de lutter contre el-Assad. »

Cette dérive criminelle de la politique étrangère française s’est également traduite par le refus de collaborer avec les services de renseignement Syriens, notamment sur la question de la présence de ressortissants français dans les rangs des diverses organisations terroristes opérant en Syrie.

Selon l’ancien directeur de la DST, Bernard Squarcini, interrogé par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, le premier ministre français Manuel Valls a, en toute connaissance de cause, refusé de collaborer et d’échanger des informations avec les services de sécurité syriens, notamment sur le sujet des ressortissants français partis faire le « djihad » :

« Il y a déjà deux ans, les services syriens m’avaient effectivement proposé une liste des Français combattant en Syrie. J’en avais parlé à mon ancien service qui en a rendu compte à Manuel Valls. La condition des Syriens était que la France accepte de coopérer à nouveau avec leurs services de renseignements. On m’a opposé un refus pour des raisons idéologiques. C’est dommage car la proposition était une bonne amorce pour renouer nos relations et surtout, pour connaître, identifier et surveiller tous ces Français qui transitent entre notre pays et la Syrie. Résultat : on ne sait rien d’eux et on perd beaucoup de temps »

Ce parti pris idéologique en faveur des groupes terroristes opérant contre le régime syrien explique donc en partie l’aveuglement des services de renseignement français concernant les départs et les arrivées de combattants français dans ce pays, même si on ne peut pas exclure l’éventualité que ces départs aient, tout au moins jusqu’aux attentats de janvier 2015, été délibérément « ignorés » par les services dans le cadre du soutien opérationnel aux groupes terroristes. Ainsi, les premières frappes américaines en Syrie en octobre 2014, avaient visé un ancien officier des renseignements français opérant au sein du groupe Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda.

Selon le site américain McClatchy : « La combinaison de sa formation d’agent de renseignements et de ses croyances » ferait de l’officier français « l’un des plus dangereux agents d’Al-Qaïda ». Ce dernier serait également un expert en explosifs et aurait formé un groupe qui opérerait depuis une mosquée près d’Idlib. Toujours selon McClatchy, quatre agents de renseignements européens ont été en mesure de confirmer ou partiellement confirmer l’existence de cet agent…

L’aveuglement idéologique des services de renseignement peut ainsi en partie expliquer le fait que certains djihadistes français ayant perpétré les attaques du 13 novembre aient pu effectuer des séjours en Syrie destinés à leur formation opérationnelle, en toute impunité.

L’un des kamikazes du Bataclan, Samy Amimour, était ainsi placé sous contrôle judiciaire depuis 2012 après une première tentative pour partir faire le djihad au Yémen. Il devait pointer tous les mois au commissariat de son quartier. En septembre 2013, le jeune homme s’est pourtant envolé pour la Turquie d’où il a rejoint les rangs de l’État Islamique.

Ismaël Omar Mostefaï, un autre des kamikazes du Bataclan, était fiché par les services français depuis 2010 et, comme Samy Amimour, il a rejoint l’État Islamique en Syrie via la Turquie à l’automne 2013. Il serait rentré en France dans le courant de l’année 2014.

Ces parcours sont très semblables à ceux des frères Kouachi, les auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo en janvier 2015, qui avaient pu effectuer un séjour au Yémen en 2011 afin d’y recevoir une formation de la branche locale d’Al-Qaïda. Les deux frères étaient fichés et Chérif Kouachi faisait pourtant l’objet à cette époque d’une interdiction de sortie du territoire…

En septembre 2014, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve estimait ainsi à 930 le nombre de ressortissants français impliqués dans les groupes djihadistes en Syrie et en Irak. Ce chiffre illustre les difficultés de l’exécutif à endiguer le départ des candidats au djihad et le problème posé par le traitement des combattants de retour sur le sol français. A cet égard, le refus de coopérer avec les services de renseignement syrien apparaît comme une faute majeure.

Après Internet, l’Europe, nouveau bouc émissaire du gouvernement.

Alors qu’en janvier dernier, le réseau Internet était érigé en bouc émissaire et présenté comme le principal responsable de la « radicalisation » des terroristes qualifiés de manière mensongère de « loups solitaires », l’exécutif s’est aujourd’hui lancé dans une vaste opération de contre-feux médiatique destiné à prévenir les critiques visant ses services de renseignement et sa politique étrangère criminelle en Syrie, avec pour cible principale les services de renseignement européens. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a ainsi déploré le manque de communication entre les différents services de renseignement européens au sujet du « cerveau » des attentats de novembre, Abdelhamid Abaaoud :

« Aucune information émanant de pays européens dans lesquels il aurait pu transiter avant d’arriver en France ne nous a été communiquée. […] Ce n’est que le 16 novembre dernier, postérieurement aux attentats de Paris, qu’un service de renseignement d’un pays hors d’Europe nous a signalé avoir eu connaissance de sa présence en Grèce. »

On ne peut ici que se demander si la coopération avec les services syriens n’aurait pas pu, justement, pallier ce manque d’information…

Jeudi soir, c’est le premier ministre Manuel Valls qui remettait en cause les contrôles aux frontières défaillants au sein de l’Union européenne, affirmant que l’espace Schengen pourrait être remis en cause si l’Europe n’assumait pas « ses responsabilités en matière de contrôle des frontières« . Pour autant, la France s’est montrée incapable jusqu’à présent de prévenir les départs de ses ressortissants, en Syrie ou ailleurs, dans le but de bénéficier d’une « formation » auprès de certains groupes terroristes, comme Al-Qaïda / Al-Nosra, qu’elle a par ailleurs soutenu sur le territoire syrien. Ces accusations relèvent donc autant de la mauvaise foi que de la schizophrénie politique.

Dans la même intervention de jeudi soir, le premier ministre a pour la première fois remis en cause l’accueil massif des migrants que son gouvernement a pourtant soutenu depuis la fin de l’été. Il a ainsi estimé que certains auteurs des attentats avaient « profité de la crise  des réfugiés » pour se glisser en France, alors qu’il y a quelques mois, ce type de propos était qualifié de complotisme par les médias dominants qui s’étaient par ailleurs engagés dans une campagne d’influence de l’opinion publique à l’échelle européenne en faveur de l’accueil massif des « réfugiés » syriens.

Sur ce sujet également, l’exécutif français est donc en train d’opérer un revirement de sa politique que l’on peut encore une fois qualifier de schizophrénique. Rappelons ici qu’à la mi-septembre, le même Manuel Valls sermonnait la Hongrie qui tentait de rétablir un contrôle à sa frontière avec les Balkans, estimant qu’on ne pouvait « accepter ni les propos, ni les attitudes, ni les barbelés. »

Fin septembre le président François Hollande s’était félicité que « l’Europe prenne ses responsabilités » après avoir arraché aux ministres de l’intérieur des pays membres de l’UE un accord sur l’accueil de 120 000 migrants.

Fin octobre, le même François Hollande s’en prenait à l’Autriche alors que le pays envisageait de rétablir des contrôles aux frontières en appelant à « ne pas ériger de murs ou de barrières à l’intérieur de l’Europe. »

Le contre-feux allumé par l’exécutif afin d’étouffer les critiques légitimes sur sa politique de soutien au terrorisme en Syrie, que le président Bachar el-Assad dénonce depuis plusieurs années, et sa volte-face sur le sujet de la crise des « migrants » doivent ainsi être regardés pour ce qu’ils sont : une diversion destinée à masquer les incohérences de la politique suivie par le gouvernement français ainsi que ses alliances criminelles.


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