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Poutine oblige le monde arabe à recomposer ses alliances

Auteur : L'Economiste (Maroc) | Editeur : Stanislas | Mercredi, 21 Oct. 2015 - 04h52

Il suffit de voir les lumières du ballet diplomatique de ce moment pour constater que, dans la géographie des déplacements arabes, Moscou est sournoisement en train de détrôner Washington.

Tout récemment, alors que la guerre russe en Syrie fait rage, les leaders des pays influents du Golfe, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, ont fait la photo-pause avec le président russe Vladimir Poutine. Les divergences de fond n'excluent pas les tentatives de rapprochement ou du moins les demandes d'explication et de perspectives.   
Car, en décidant de frapper militairement les bastions de Daesh en Syrie, la Russie n'a pas fait que donner un coup de fouet à la guerre internationale contre l'organisation terroriste, elle a aussi provoqué des dissensions au sein du monde arabe aux alliances et aux obédiences clairement définies. Un des exemples les plus flagrants de cette reconfiguration est l'axe Le Caire/Riyad qui vient de perdre la boussole de sa stratégie.

L'Arabie saoudite du défunt roi Abdallah ou celle de l'actuel roi Salman a été un soutien vital pour le régime de Abdelfattah Sissi. Le premier avait béni son coup de force contre le président Mohamed Morsi et lui a procuré le parrainage régional et international à travers une aide économique sans précédent, le second l'a aidé à conforter son pouvoir et son agenda.

À voir l'intimité de cette relation, il était presque impossible d'imaginer la moindre divergence politique entre les deux capitales. L'intimité stratégique entre les deux pays est si forte que le royaume d'Arabie finance deux gigantesques contrats d'armements que sont les ventes de l'armement français, les avions Rafale et des bateaux de guerre Mistral. L'Egypte se proposant d'une manière à peine déguisée d'assurer la protection des pays du Golfe contre les menaces terroristes de Daesh et les éventuels appétits de domination et d'expansion du concurrent iranien.

Or, tout ce bel échafaudage est menacé de tomber en ruine. Quand l'Arabie saoudite grince des dents face aux bombardements russes en Syrie, estimant qu'ils visent en priorité les organisations qu'elle soutient dans la très compliquée crise syrienne, le président égyptien Abdelfattah Sissi, visiteur assidu de Moscou depuis qu'il a été élu, applaudit des deux mains la démarche russe. Les sirènes militaires russes ont trouvé oreille compréhensive en Egypte.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri ne cache pas son enthousiasme: «L'arrivée de la Russie, compte tenu de son potentiel et de ses capacités, va, nous le pensons, avoir pour effet de contenir et éradiquer le terrorisme en Syrie». Cette position fait écho à la visite de Sissi qui s'est rendu en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine. Les deux hommes ont alors lancé un appel en faveur de la formation d'une coalition contre le terrorisme au Moyen-Orient.

 


Quand Riyad met tout son poids politique dans la balance pour exiger le départ de Bachar El Assad du pouvoir, Le Caire fait les yeux doux au rais syrien, ouvrant même la voie à une possible normalisation des relations. La stratégie saoudienne était bâtie sur une volonté d'isoler le président syrien alors que l'Egypte, siège de la Ligue arabe, tend à le réintégrer éventuellement dans le jeu politique arabe.  

La mauvaise humeur saoudienne à l'encontre de la démarche russe est si vivace qu'une cinquantaine de dignitaires religieux saoudiens ont lancé un appel aux Etats musulmans à appuyer militairement les rebelles syriens contre ce qu'ils appellent  l'alliance «occidentalo-russe»:  «Les moujahidines (les rebelles) défendent toute la Oumma. Faites-leur confiance et fournissez-leur un soutien moral, financier, militaire et politique». Dans ce même communiqué aux accents qui rappellent la guerre en Afghanistan, les religieux saoudiens accusent les nations occidentales d'échouer à protéger le peuple syrien et appellent en outre les pays arabes sunnites à protéger la Syrie «de l'influence des Russes et des Perses».

Logiquement inséparables alliés, l'Arabie saoudite et l'Egypte sont en train d'entonner sur la crise syrienne des chants différents. Les divergences existaient déjà mais elles étaient feutrées et souterraines. Aujourd'hui avec l'intervention militaire russe, elles apparaissent au grand jour, de manière vive et dangereuse. Le grand risque étant pour l'Arabie saoudite de devoir réécrire les bases de cette alliance et pour l'Egypte d'ajuster son attitude en conséquence.


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