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Face à la juge, DSK l’économiste plaide l’incompétence en matière financière

Auteur : Sylvain Tronchet | Editeur : Walt | Mardi, 25 Févr. 2020 - 07h17

Empêtré dans l’affaire de la faillite de la société qu’il avait créée avec un homme d’affaires sulfureux, DSK plaide l’incompétence et l’inconséquence. Face à la juge, l’ancien patron du FMI a raconté qu’il ne savait rien de la société dont il était pourtant le président.

Le 23 octobre 2014, le suicide de Thierry Leyne à Tel-Aviv fait éclater l’affaire « LSK ». La société avait été créée à peine un an plus tôt par l’homme d’affaires franco-israélien, associé à Dominique Strauss-Kahn alors à peine sorti de l’affaire du Sofitel de New York, mais pas encore de celle du Carlton de Lille. La faillite de LSK (Leyne Strauss-Kahn & partners) laisse un trou béant de 100 millions d’euros de dettes. La banque d’affaires et le fonds d’investissement annoncés n’ont jamais vu le jour.

Mais que savait DSK de la situation financière d’une société qui était en état de quasi-faillite au moment où il en devient le président ? La cellule investigation de Radio France a eu accès au contenu de son audition par la juge d’instruction le 3 juillet 2019, ainsi qu’à de nombreux documents qui apportent un éclairage sur son rôle dans cette affaire.

Placé sous le statut de témoin assisté à l’issue de son audition, l’ancien ministre de l’Économie affirme que son ex-associé lui avait caché la réalité comptable de son groupe. Pour autant, pouvait-il ignorer que Thierry Leyne gérait des fonds issus de la fraude fiscale et avait des clients parfois peu recommandables ? Dans ce dossier qui le menace toujours, cinq ans après le début de l’enquête, les oligarques russes côtoient les chefs de guerre sud-soudanais, les veuves richissimes et les escrocs usuriers. DSK affirme qu’il n’a rien vu.

« Un garçon intelligent, très séducteur »

Le 3 juillet 2019, dans le bureau de la juge d’instruction Charlotte Bilger, Dominique Strauss-Kahn apprend qu’il va être placé sous le statut de témoin assisté dans l’affaire LSK. Ce statut intermédiaire entre « simple témoin » et mis en examen signifie que la magistrate estime qu’il existe « des indices rendant vraisemblable » sa participation aux infractions visées par l’instruction : escroquerie en bande organisée, abus de biens sociaux et abus de confiance. Il doit donc se défendre.

Alors il raconte sa rencontre en 2012 avec Thierry Leyne : « Il m’a paru être un garçon intelligent, très séducteur, et faisant état d’une expérience réussie dans la finance en général », explique-t-il. L’homme d’affaires lui a été présenté par Nathalie Biderman. La nouvelle compagne de Leyne est aussi une proche collaboratrice de DSK. C’est elle qui gère les conférences que l’ancien directeur général du FMI donne un peu partout dans le monde. À l’époque, DSK, est un pestiféré : « J’avais songé pouvoir m’associer dans une grande banque d’affaires, raconte-t-il. J’avais eu d’ailleurs des contacts avancés avec la banque Lazard. Or, à l’issue de ces négociations, l’association n’a pas été acceptée compte tenu de mes problèmes judiciaires et de leur médiatisation. (…) Ce sont autant de circonstances qui ont fait que la proposition de Thierry Leyne m’est apparue comme un salut, comme une bouffée d’oxygène ».

« Je dois reconnaître que j’ai fait peu de vérifications »

La « proposition » de Thierry Leyne prend forme dans un mail que celui-ci envoie à DSK à l’été 2013 : « J’adore l’idée d’avoir la chance de t’avoir comme associé ! » s’enthousiasme le financier franco-israélien. « J’ai besoin d’un associé qui donne une autre dimension à mon petit groupe. Ensemble nous pouvons avoir l’ambition de créer une banque d’investissement telle que nous la pensons. » Thierry Leyne a une réputation de franc-tireur dans le monde de la finance. Il est connu pour avoir réussi un « gros coup » en revendant sa société de courtage en ligne, Axfin, à la fin des années 90.

En 2013, le « petit groupe » de Thierry Leyne est alors réuni au sein de sa holding « Anatevka ». Il est constitué d’une quinzaine de sociétés spécialisées dans la gestion d’actifs et l’assurance. Toutes sont basées dans des juridictions connues pour leur « souplesse » en matière fiscale (Suisse, Monaco, Luxembourg, Israël...), et opèrent sur des marchés peu contrôlés. Pour autant, l’économiste, autrefois célébré pour la finesse de ses analyses, semble ne prendre aucune précaution avant d’accepter l’offre de Leyne. La juge d’instruction s’étonne même que les mails que DSK envoie montrent qu’il croyait que la trésorerie de la société, exsangue, était excédentaire : « Ce n’est pas glorieux de ma part, concède Dominique Strauss-Kahn devant la magistrate. Je dois reconnaître que j’ai fait peu de vérifications, j’ai eu une confiance sans doute exagérée dans ce que disait Thierry Leyne ».

Un groupe en état de quasi-faillite

Comme nous l’avions révélé dès 2015, le groupe LSK était déjà dans une situation financière catastrophique au moment où Dominique Strauss-Kahn en prend la présidence. Les comptes arrêtés au 31 décembre 2012 (que DSK n’aura en main qu’en octobre 2014) font apparaître une perte de 18 millions d’euros et un endettement de près de 37 millions. Avec le recul, le liquidateur de la société estimera que la société était en cessation de paiement dès le mois de mai 2014.

En décembre 2013, le cabinet d’audit Ernst & Young avait d’ailleurs démissionné de sa fonction de « réviseur », sorte de commissaire aux comptes à la sauce luxembourgeoise, des sociétés de Leyne. Face à la juge, DSK explique qu’il croyait que cette démission était liée à son arrivée dans le groupe et à son « statut de personne politiquement exposée ». Quelques semaines plus tard, le cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) refuse de reprendre le mandat. Devant les enquêteurs luxembourgeois, après la faillite, les représentants de PwC expliquent qu’ils avaient pris leurs renseignements auprès de leurs prédécesseurs et que ceux-ci leur avaient déconseillé d’y aller en leur donnant un avis négatif sur la gestion du groupe.

DSK, lui, semble n’avoir eu aucun des doutes qui ont éveillé les suspicions des experts-comptables. Lorsqu’il est interrogé par la juge sur les acrobaties financières de son associé, il plaide l’incompétence : « J’avais très peu connaissance des activités de l’entreprise de Thierry Leyne (…) ce n’est pas ma compétence, ma compétence c’est celle d’un économiste spécialiste de macro-économie, c’est ce que j’ai fait au ministère des Finances, c’est ce que j’ai fait au FMI... »

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- Source : France Info

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