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La manipulation par l’OIAC de son rapport sur la Douma nécessite un nouveau regard sur le cas Skripal/Novichok

Auteur : Moon of Alabama (Etats-Unis) | Editeur : Walt | Mardi, 03 Déc. 2019 - 09h00

Étant données les révélations relatives à la manipulation par la direction de l’OIAC [Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques] des rapports établis par son personnel, l’ancien inspecteur en désarmement de l’ONU, Scott Ritter, fait valoir un point très intéressant :

« Selon une note interne explosive, il n’y aurait aucune raison de croire les affirmations de l’opposition syrienne selon lesquelles le gouvernement du président Bachar al-Assad aurait utilisé des armes chimiques contre des civils innocents à Douma, en avril dernier. C’est un scénario que je remets en question depuis le début. Cela remet également en question toutes les autres conclusions et rapports de l’OIAC, qui avait été chargée en 2014 « d’établir les faits entourant les allégations d’utilisation de produits chimiques toxiques, apparemment du chlore, à des fins hostiles en République arabe syrienne ».

Outre ses activités autour d’un incident « chimique » douteux en Syrie, il y a un autre cas assez célèbre dans lequel l’OIAC fut impliquée : l’attaque présumée au « Novichok » contre Sergei et Julia Skripal à Salisbury, en Grande-Bretagne.

Nous avions déjà discuté de la participation de l’OIAC dans l’affaire Skirpal, dans notre article du 15 avril 2018 : les Skripals ont-ils été drogués, « novichokés » ou ni l’un ni l’autre ?

« Le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergey Lavrov, a lancé une bombe contre les déclarations britanniques affirmant que le malaise de l’agent secret britannique Sergej Skripal et de sa fille Yulia, le 4 mars à Salisbury, avait été causé par l’agent neurotoxique ‘Novichok’, d’un genre développé par la Russie.

L’empoisonnement des Skripal a eu lieu le 4 mars.

    • Des témoins oculaires ont décrit les Skripals comme étant désorientés et probablement soumis à des hallucinations. Le personnel d’urgence soupçonnait une intoxication au Fentanyl.
    • Quelques jours plus tard, le gouvernement britannique prétendait que les Skripals avaient été affectés par un agent chimique du genre ‘Novichok’ provenant de Russie. Il insinuait que les Skripals pourraient mourir bientôt.
    • Un médecin du centre d’urgence de l’hôpital du district de Salisbury a affirmé publiquement qu’aucun de ses patients n’avait été victime d’un « agent neurotoxique ».
    • Le 14 mars, après de nombreuses pressions de la part de la Russie, la Grande-Bretagne a finalement invité l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à analyser le sang des victimes et à prélever des échantillons environnementaux.
    • L’OIAC est arrivée le 19 mars et a prélevé un échantillon les jours suivants. Elle a également reçu une partie des échantillons prélevés précédemment par le laboratoire britannique d’armes chimiques de Porton Down, qui n’est qu’à une dizaine de kilomètres de Salisbury.
    • L’OIAC a réparti les divers échantillons qu’elle avait entre un laboratoire certifié aux Pays-Bas et plusieurs autres laboratoires certifiés pour analyse.

L’un de ces laboratoires était le très réputé Laboratoire Spiez en Suisse, qui fait partie de l’Office fédéral de la protection de la population et est totalement certifié.

    • Le 12 avril, l’OIAC a publié une version publique du résultat des analyses qu’elle avait reçues de ces laboratoires.
    • Une version confidentielle plus complète a été remise aux États membres qui composent l’OIAC.

Lors d’un discours public, hier, M. Lavrov a déclaré au sujet du rapport de l’OIAC : « Une version confidentielle détaillée et assez substantielle a été distribuée aux membres de l’OIAC uniquement. Dans ce rapport, conformément au mode de conduite de l’OIAC, la composition chimique de l’agent présenté par les Britanniques a été confirmée et l’analyse des échantillons, comme l’indique le rapport, a été effectuée par les experts de l’OIAC eux-mêmes. Il ne contient aucune désignation, Novichok ou autre. Le rapport ne donne que la formule chimique qui, selon nos experts, désigne un agent qui a été développé dans de nombreux pays et qui ne présente aucun secret particulier ».         

Après avoir reçu ce rapport, la Russie a été informée par le laboratoire Spiez, ou par quelqu’un d’autre, que le rapport de l’OIAC ne contenait pas les résultats complets des analyses.

Selon Lavrov, voilà ce que le laboratoire Spiez a initialement envoyé à l’OIAC : « Suite à notre analyse, les échantillons montrent des traces du produit chimique toxique BZ et de son précurseur, qui sont des armes chimiques de deuxième catégorie. Le BZ est un agent neurotoxique qui inhibe temporairement une personne. L’effet psychotrope est obtenu dans les 30 à 60 minutes qui suivent son utilisation et dure jusqu’à quatre jours. Ce produit est en service opérationnel dans les armées des États-Unis, du Royaume-Uni et d’autres pays de l’OTAN. L’Union soviétique et la Russie n’ont ni conçu ni stocké ces agents chimiques. De plus, les échantillons indiquent la présence d’un agent neurotoxique de type A-234 à l’état vierge ainsi que les produits de sa dégradation ».

La « présence d’un agent neurotoxique de type A-234 », un agent de la série dite « Novichok », dans son « état vierge » ou, comme l’OIAC l’a déclaré, de « haute pureté », montre qu’il a été ajouté ultérieurement dans l’échantillon. Les agents ‘Novichok’ ne sont pas stables. Ils ont tendance à se dégrader rapidement. Leur présence à « l’état vierge » dans un échantillon prélevé 15 jours après l’incident Skripal est inexplicable. Un scientifique de l’ancien programme russe d’armes chimiques qui a travaillé avec des agents similaires, Leonid Rink, dit que si les Skripals avaient vraiment été exposés à un agent neurotoxique A-234 d’une telle pureté, ils seraient morts.

L’ensemble du cas, les symptômes montrés par les Skripals et la manière dont ils se sont rétablis, montre qu’ils ont plutôt été « drogués », c’est-à-dire empoisonnés par l’agent hallucinogène BZ, que « novichokés » avec un agent hautement neurotoxique ».

Sergei et Julia Skripal

L’OIAC avait envoyé des échantillons de sang des Skripals au laboratoire Spiez, en Suisse, qui a tracé du BZ, un psychotrope 25 fois plus puissant que le LSD. L’OIAC a caché ce fait dans ses rapports.

Une attaque au BZ contre les Skripals correspondrait aux symptômes observés et décrits par les témoins de la scène. Les Skripals hallucinaient effectivement et se comportaient de manière très étrange, Sergei Skipal levant les bras vers le ciel alors qu’il était assis sur un banc. L’exposition au BZ expliquerait aussi la survie des Skripals.

L’OIAC a expliqué la découverte de BZ en affirmant qu’elle en avait inséré au milieu des échantillons pour tester le laboratoire. Quelque chose que l’organisation déclare faire régulièrement. À l’époque, je croyais encore en l’OIAC et j’ai trouvé cette explication raisonnable :

« L’OIAC a répondu à la question russe concernant le BZ et le taux élevé de A-234 rapporté par le laboratoire Spiez.

L’OIAC a déclaré aujourd’hui qu’il s’agissait d’un test de contrôle du laboratoire. Ces tests sont régulièrement glissés dans les échantillons réels pour s’assurer que les laboratoires utilisés par l’OIAC sont en mesure de faire leur travail et ne manipulent pas leurs résultats.

Cette explication est raisonnable.

Je suppose que nous pouvons arrêter les théories sur le BZ et revenir à l’empoisonnement alimentaire comme cause la plus probable de la maladie des Skripal ».

Compte tenu de la manipulation ou de la suppression par la direction de l’OIAC des rapports de ses propres spécialistes dans le but d’attribuer l’incident de Douma au gouvernement syrien, je dois changer d’avis. Par la présente, je rétracte mon acceptation antérieure de l’explication de l’OIAC dans l’affaire Skripal.

Comme nous savons maintenant que la direction de l’OIAC manipule les rapports à volonté, nous ne pouvons plus accepter l’excuse du « test de contrôle » sans explications ni preuves supplémentaires.

Voici ce qui semble s’être passé.

L’OIAC n’a pas envoyé d’échantillon de contrôle à Spiez pour tester le laboratoire. Il a envoyé les échantillons originaux des Skripals. Spiez a trouvé du BZ et l’a rapporté à l’OIAC. L’OIAC a supprimé les résultats de Spiez dans ses propres rapports. D’une manière ou d’une autre, la Russie a eu vent des résultats de Spiez et a exposé la manipulation.

Prendre conscience du fait que les Skripals ont été « drogués » et non « novichokés » est important pour l’affaire Skripal. Cela rend beaucoup plus plausible que l’affaire Skripal soit une opération britannique visant à empêcher le retour de Sergei Skripal en Russie.

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone


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