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Le Traité FNI enterré, les nouveaux euromissiles arrivent par Manlio Dinucci

Auteur : Manlio Dinucci | Editeur : Walt | Dimanche, 04 Août 2019 - 14h43

La Nouvelle Guerre froide vient de commencer pour de bon. Il ne s’agit plus d’un affrontement militaire entre les Etats-Unis et l’URSS, mais entre les Etats-Unis d’un côté et le bloc Russie-Chine de l’autre. L’abrogation du Traité FNI et l’annonce de prochains pourparlers à trois met un terme aux années d’incertitude que nous venons de vivre. Cette évolution renvoie l’Europe occidentale et centrale à son statut durant la Première Guerre froide : celui de champ de bataille.

Le secrétaire d’État Mike Pompeo a annoncé le 2 août 2019 après six mois de suspension, le retrait définitif des États-Unis du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (INF ou FNI), accusant la Russie de l’avoir « délibérément violé, mettant en danger les intérêts suprêmes des USA ». À cette nouvelle n’a été donné en Italie que très peu d’écho politique et médiatique (l’Ansa —Agence de presse nationale italienne— ne lui a consacré que quelques lignes). Et pourtant nous sommes devant une décision qui a de dramatiques implications pour l’Italie, exposée comme d’autres pays européens à se tenir en première ligne dans une nouvelle confrontation nucléaire USA-Russie non moins dangereuse que celle de la Guerre froide.

Le Traité FNI, signé en 1987 par les présidents Gorbachev et Reagan, élimina tous les missiles nucléaires à courte portée et à portée intermédiaire (entre 500 et 5 500 km) avec base au sol, avant tout les missiles balistiques Pershing 2, déployés par les États-Unis en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne de l’Ouest, en Belgique et aux Pays-Bas, et en même temps les missiles balistiques SS-20 (appellation occidentale) basés par l’Union Soviétique sur son propre territoire.

En 2014 l’administration Obama accusait la Russie, sans apporter aucune preuve, d’avoir expérimenté un missile de croisière (sigle 9M729) de la catégorie interdite par le Traité et, en 2015, annonçait que « face à la violation du Traité FNI par la Russie, les États-Unis sont en train de considérer le déploiement en Europe de missiles avec base au sol ». Le plan a été confirmé par l’administration Trump : en 2018 le Congrès a autorisé le financement d’« un programme de recherche et développement d’un missile de croisière lancé du sol par plate-forme mobile sur route ».

De son côté, Moscou niait que son missile de croisière violât le Traité et, à son tour, accusait Washington d’avoir installé en Pologne et en Roumanie des rampes de lancement de missiles intercepteurs (ceux du « bouclier »), qui peuvent être utilisées pour lancer des missiles de croisière à tête nucléaire. Dans ce cadre il convient de garder à l’esprit le facteur géographique : tandis qu’un missile nucléaire US à portée intermédiaire, basé en Europe, peut frapper Moscou, un missile analogue basé par la Russie sur son propre territoire peut frapper les capitales européennes, mais pas Washington. Si l’on inverse le scénario, c’est comme si la Russie déployait des missiles nucléaires à portée intermédiaire au Mexique.

« Les États-Unis —souligne Mike Pompeo dans sa déclaration— apprécient grandement la constante coopération et détermination des alliés OTAN dans leur réponse à la violation russe du Traité ». Appréciation méritée : les alliés, Italie comprise, ont déclaré la Russie coupable d’avoir violé le Traité en acceptant les yeux fermés l’accusation faite par les USA sans aucune preuve réelle.

L’effacement du Traité FNI, suspendu aussi par la Russie le 3 juillet, s’insère dans une nouvelle course aux armements désormais basée non tant sur la quantité mais sur la qualité des armes nucléaires et de leurs vecteurs, et sur leur localisation. Des sources militaires informent que les États-Unis sont en train de mettre au point de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire avec base au sol, aussi bien de croisière que balistiques (ceux-ci capables de frapper leurs objectifs 6 à 8 minutes après leur lancement). La Russie a prévenu que, s’ils sont basés en Europe, elle pointera ses missiles nucléaires sur les territoires où les missiles US seront installés.

L’enterrement du Traité FNI a un objectif stratégique ultérieur. C’est ce qu’a révélé Pompeo lui-même, en accusant la Chine de déployer (sur son propre territoire) des missiles nucléaires à portée intermédiaire avec base au sol avec lesquels « elle menace les États-Unis et leurs alliés en Asie ». Le secrétaire d’État Pompeo prévient ensuite : « Il n’y a pas de raison que les États-Unis continuent à concéder cet avantage militaire crucial à des puissances comme la Chine ». Les USA donc se préparent à déployer de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire non seulement contre la Russie, mais aussi contre la Chine. Toutes les deux en mesure de répondre en déployant de nouvelles armes nucléaires.

Significative la position de la Commission européenne, qui a déclaré hier : « Nous encourageons à préserver les résultats du Traité FNI, nous devons être attentifs à ne pas prendre la voie d’une nouvelle course aux armements qui réduirait les résultats significatifs atteints après la fin de la Guerre froide ». Il faut un sacré toupet pour déclarer cela, après que cette même Union européenne a contribué à l’enterrement du Traité FNI : à l’Assemblée générale de l’Onu (21 décembre 2018), l’Union européenne compacte a rejeté la résolution par laquelle la Russie proposait de préserver le Traité en établissant des mécanismes de vérification et des négociations.

L’Union européenne a donné ainsi de fait le feu vert à l’installation de nouveaux missiles nucléaires US en Europe, Italie comprise.

Traduction Marie-Ange Patrizio


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