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Mardi, 16 Avr. 2024

Une presse en liberté surveillée

Auteur : Patrice-Hans Perrier | Editeur : Walt | Samedi, 23 Mars 2019 - 16h31

Le gouvernement Trudeau vient d’annoncer une première batterie de mesures destinées à mettre en branle son ambitieux plan de sauvetage des médias dominants. Une première enveloppe sera donc ouverte afin de répandre de l’argent sonnant et trébuchant en direction de l’écuelle des médias complaisants avec le pouvoir.

Ottawa précise le tir en dévoilant un premier volet de son programme d’aide à une industrie médiatique qui bat de l’aile.

Vers un reformatage de la presse traditionnelle

L’équipe de Justin Trudeau a de la difficulté à admettre la réalité : les médias traditionnels sont dépassés par le nouveau monopole des médias numériques régentés à partir de la Silicon Valley en Californie.

Le chroniqueur Pierre Trudel expliquait, en novembre dernier, dans les pages du quotidien Le Devoir, que « l’annonce [par le ministre des Finances du gouvernement Trudeau] de mesures destinées à protéger la viabilité financière des médias d’information, fragilisés notamment par le déplacement des revenus publicitaires vers les plateformes en ligne, en a fait sourciller certains ».

En effet, plusieurs observateurs ont sourcillé face à l’intention du gouvernement fédéral de dépenser près de 600 millions de dollars, répartis sur une période de cinq ans, afin de sauver de la quasi-faillite une portion importante des médias dominants. À qui donc profitera ce mirobolant pactole ?

Le monopole de l’information est fragilisé

Ainsi, Le Devoir, La Presse ou Radio-Canada, en passant par le Globe and Mail, n’arrivent plus à conditionner l’opinion publique en prescrivant le programme de l’heure. Les médias sociaux, diffusant une masse d’informations mise en ligne par leurs abonnés, ont fini par détruire le consensus informationnel qui régnait au sein des salles de rédaction des médias dominants.

La presse écrite bat de l’aile puisque pratiquement plus personne ne veut payer pour des nouvelles composées par des mercenaires de l’information de moins en moins bien rémunérés. Le métier de journaliste tombe en désuétude puisque tout le monde s’improvise directeur de l’information en captant, organisant et rediffusant ce qui lui tombe sous la main. L’écran d’ordinateur du citoyen lambda a pratiquement remplacé la salle des nouvelles des grands groupes médiatiques.

Reprendre en main le micro

Il convient donc de mettre un terme à cette fuite en avant par le biais d’une nouvelle stratégie gouvernementale de contrôle de l’information. Le gouvernement Trudeau a, d’entrée de jeu, transmis ses directives en matière de filtrage des « fausses nouvelles » aux médias sociaux à partir de la fin de l’année 2017. Le géant Facebook a donc reçu des consignes à l’effet de bloquer les contenus indésirables et de fermer les comptes suspectés d’héberger des initiatives de propagande.

C’est ainsi qu’on disait vouloir éviter que le scénario des prétendues attaques russes, perpétrées durant les élections présidentielles américaines, ne se répète à l’horizon des élections canadiennes prévues pour l’automne 2019. Les avocats de cette réingénierie de l’information canadienne souhaitent, ainsi, rétablir la « souveraineté » d’une presse qu’ils sentent dépassée par les événements.

Préserver la fausse liberté de la presse

Pierre Trudel a profité de sa tribune dans les pages du Devoir pour relayer cette nouvelle doxa gouvernementale en nous rappelant que les « […] médias libres et capables d’assurer la production et la diffusion d’informations critiques sur les affaires de la collectivité sont essentiels aux équilibres démocratiques ». On réalise que le principal intéressé fait allusion aux sources d’information homologuées par nos oligarques politiques lorsqu’il parle de « médias libres … » Mais, de quelle liberté parle-t-on ?

Prétextant la captation des revenus publicitaires par les médias sociaux américains, M. Trudel précise que « […] c’est la négligence à anticiper les mutations induites par les transformations numériques qui a fini par rendre urgente une telle intervention des pouvoirs publics […] ».

Voilà ce qui explique l’empressement du gouvernement à subventionner le club des médias qui veulent bien collaborer en termes de diffusion d’une information « compatible » avec la doxa officielle. On attend avec impatience que soit publiée la liste des médias collaborateurs qui se partageront le pactole.

Les médias rebelles seront mis sur la touche

Nul besoin de préciser que les médias de la réinformation ne sont pas considérés comme des producteurs fiables puisque les principaux intéressés les accusent de diffuser de « fausses nouvelles » susceptibles de tromper les contribuables.

Une chose est certaine : les internautes auront beau crier au loup, rien ne garantira la pérennité des sources d’information qui seront écartées du pactole. Le commun des mortels devra mettre la main à la poche s’il souhaite pouvoir être informé de manière un tant soit peu crédible. L’information est un service comme un autre qui commande des investissements de taille. Le temps de la gratuité absolue est peut-être révolu.

Quelques liens pertinents : Le Devoir #1, #2 et #3, et Yahoo Finance


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