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Vendredi, 29 Mars 2024

Un dragon se réveille : La montée en puissance militaire de la Chine

Auteur : Jon Connars | Editeur : Walt | Jeudi, 13 Sept. 2018 - 15h05

Depuis près de 10 ans, Pékin renforce son emprise sur les zones stratégiques de sa sphère d’influence, notamment dans la mer de Chine méridionale. Aujourd’hui, selon le rapport annuel 2018 du Pentagone sur la puissance militaire de la Chine, cette montée en puissance arrive à maturité : l’Armée populaire de libération (APL) a renforcé non seulement son armée terrestre mais aussi ses capacités navales et autres dans la mesure où elle pourrait « déprécier le fondement de l’avance opérationnelle et technologique américaine ». Par conséquent, l’APL a la capacité de contrôler ces eaux contestées et stratégiquement importantes dans presque tous les scénarios, sauf en cas de guerre totale avec les États-Unis.

Bien que l’armée chinoise ne soit toujours pas à la hauteur de celle des États-Unis, Pékin a pris Washington et ses alliés par surprise et a modifié l’équilibre du pouvoir dans le Pacifique. Il y a maintenant des implications majeures pour les intérêts américains en haute mer, où les navires de guerre américains étaient sans rival depuis l’effondrement de l’Union Soviétique.

Le changement a été rapide, s’étant accéléré après l’arrivée de Xi Jinping au poste de premier ministre il y a cinq ans. Soucieux de projeter la puissance des « eaux bleues » et de protéger les intérêts croissants de la Chine dans le monde, il a purgé les commandants accusés de corruption et déclaré que « construire une marine puissante n’a jamais été aussi urgent qu’aujourd’hui ». L’armée chinoise s’est longtemps concentrée sur la lutte contre les envahisseurs par voie terrestre mais, depuis 2015, elle a licencié environ 300 000 soldats et officiers engagés. Malgré ses démentis, les autorités chinoises admettent maintenant que Pékin a militarisé les îles Spratly et d’autres hauts-fonds importants de la mer de Chine méridionale, y déployant des missiles, exacerbant les tensions et mettant les eaux entre les Philippines et le Vietnam à sa portée.

Plutôt que de chercher la confrontation directe, la Chine se concentre sur sa stratégie de « contre-intervention » pour repousser ses adversaires. Pour ce faire, elle utilise, entre autres, un arsenal sans précédent de missiles balistiques, dirigé par un réseau sophistiqué de radars et de satellites. Bien que la Chine soit à la traîne par rapport aux États-Unis pour ce qui est de projeter sa puissance de feu à l’échelle mondiale, nombre de ses armes sont presque impossibles à détecter et à intercepter, menaçant les meilleurs navires des États-Unis.

Pékin a maintenant son tout premier porte-avions fabriqué en Chine, qui a pris la mer en avril, tandis qu’un autre est en construction à Shanghai. Les groupements tactiques chinois de navires de guerre, d’avions de combat et de bombardiers font régulièrement le tour de Taïwan. La marine chinoise a construit plus de 100 navires de guerre et sous-marins au cours de la dernière décennie. L’année dernière, elle a lancé une nouvelle catégorie de  » super destroyers « , tout en contrôlant les dépenses militaires grâce à son économie en plein essor. Li Jie, analyste à l’Institut chinois de recherche navale, fait partie de ceux qui défendent les actions de Pékin : « La Chine ne fait que protéger ses droits et ses intérêts dans le Pacifique ».

La confiance croissante de la Chine dans ces eaux instables s’inscrit dans un contexte d’incursions plus vastes qui dépassent largement son mandat traditionnel. En Afrique, un Beijing dynamique accroît son influence, approfondit ses liens commerciaux et investit massivement dans les infrastructures. La Chine y a étendu son influence politique et militaire, devenant ainsi le deuxième fournisseur d’armes du continent après la Russie. Selon un rapport publié en 2017 par le Centre africain d’études stratégiques, Pékin gère environ 2 500 projets de développement, de travaux publics et de construction d’une valeur de 94 milliards de dollars dans 51 pays africains. La Chine a dépassé les États-Unis en tant que principal partenaire commercial de l’Afrique il y a près d’une décennie et semble maintenant chercher à accéder aux ports et aux bases de l’océan Indien. En satisfaisant la logistique de ravitaillement et de réapprovisionnement, ces sites pourraient aider les opérations navales lointaines de Beijing.

Djibouti – situé dans la Corne de l’Afrique stratégique à l’entrée de la mer Rouge – est de petite taille mais revêt une grande importance. Pékin y a construit sa première base à l’étranger, à quelques kilomètres d’une base militaire américaine cruciale, ce qui soulève des doutes sur le réchauffement des relations avec le dirigeant autoritaire, Ismail Omar Guelleh. L’analyse de Jane’s Defense Weekly suggère que le personnel chinois construit des postes d’amarrage profonds dans lesquels les navires de guerre peuvent accoster.

En début d’année, Djibouti a mis fin à son contrat avec l’un des plus grands opérateurs portuaires du monde, DP World, une décision qui a ensuite été annulée par un tribunal de Londres. On craignait que Djibouti n’ait pris le contrôle du terminal pour en faire don à la Chine, ce qui a incité le plus haut général américain pour l’Afrique à mettre en garde contre des conséquences « significatives » si Beijing prend le contrôle naval de l’usine. Déjà, les analystes avertissent que Djibouti risque de devenir le dernier pays à tomber dans le piège de la dette chinoise [[1]] en empruntant plus d’argent qu’il ne peut rembourser, à des taux d’intérêt trop élevés pour le service. Cela inquiète les Etats-Unis, qui n’ont qu’une seule base africaine permanente à Djibouti : le Camp Lemonnier, qui abrite environ 4000 soldats américains. Un scénario pourrait même voir la Chine faire pression sur un Djibouti endetté pour qu’il livre le camp Lemonnier.

Il y a d’autres manœuvres, aussi. Pendant la guerre froide, les troupes chinoises et soviétiques se regardaient avec suspicion, mais maintenant Moscou pivote vers l’Est. Ce mois-ci, plus de 3 000 soldats chinois se joignent à des centaines de milliers de soldats russes pour un exercice conjoint dans le cadre de jeux de guerre de grande envergure. Il s’agit de l’exercice militaire le plus important que la Russie ait organisé depuis près de quarante ans, qui met en lumière l’intensification de la coopération entre Moscou et Pékin. Se déroulant dans une région frontalière de la Chine, de la Mongolie et de la Corée du Nord, ces jeux signalent ce qui pourrait être une alliance militaire en plein essor.

En outre, on pense que la Chine cherche une présence militaire en Afghanistan, où Pékin craint que l’instabilité de ce pays ne se répercute dans la région du Xinjiang, qui est en proie à la résistance [[2]]. Des rapports affirment que la Chine construira une base en Afghanistan pour des centaines de soldats effectuant des missions de formation antiterroriste, bien qu’un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères ait nié l’existence de tels plans ; son ministère de la Défense a déjà démenti certaines allégations selon lesquelles les véhicules militaires chinois effectuaient des patrouilles en Afghanistan.

Ces diverses aventures – dans des régions aussi diverses que les mers voisines, la Corne de l’Afrique et un État ravagé par la guerre – montrent un Beijing qui gagne en force, en puissance financière et en assurance. Non seulement les arsenaux et les stratégies de puissance douce de la Chine peuvent dissuader Washington de faire des interventions coûteuses dans ces zones contestées, mais sa puissance de feu et ses nouvelles allégeances remettent en question la suprématie militaire des anciennes superpuissances et bouleversent un statu quo vieux de plusieurs décennies. Et bien que le Pentagone soit bien conscient de cette accumulation, les efforts de rattrapage de Washington risquent déjà d’arriver bien trop tard.

Traduction Avic – Réseau International

Notes:

[1] NDT : Piège de la dette chinoise : ce nouvel épouvantail sorti du chapeau de la propagande antichinoise se veut un moyen de protéger les pauvres Africains qualifiés d’immatures contre le dragon chinois. Le message est le suivant : « il vaut mieux se faire arnaquer par ceux qui le font déjà (FMI, Banque Mondiale, multinationales occidentales, etc.) que de prendre le risque d’une éventuelle arnaque de la part de quelqu’un qui, jusqu’ici, ne l’a encore jamais fait.

[2] NDT : une région en proie à la résistance, ou une région abritant des groupes subversifs ? Ce n’est pas du tout la même chose…


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